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"Celle de président, je n'ai trouvé personne parmi vous qui eût encore assez de droits sur l'opinion publique, qui fût assez indépendant de l'esprit de localité, et qui eût enfin rendu d'assez grands services à son pays, pour la lai confier.

"Le procès-verbal que vous n'avez fait remettre par votre comité des trente, où sont analysées avec autant de précision que de vérité les circonstances intérieures et extérieures dans lesquelles se trouve votre patrie, m'ont vivement pénétré. J'adhere à votre vou-Je conserverai encore pendant le temps que ces circonstauces le voudront, la grande pensée de vos affaires.

"Au milieu des méditations continuelles qu'exige le poste où je me trouve, tout ce qui vous sera relatif, et pourra consolider votre existence et votre prospérité, ne sera point étranger aux affections les plus cheres de mon âme.

"Vous n'avez que des lois particulieres, il vous faut désormais des lois générales.

"Votre peuple n'a que des habitudes locales, il faut qu'il prenne des habitudes nationales.

"Enfin, vous n'avez point d'armée, les Puissances qui pourraient devenir vos ennemis en ont de fortes;-mais vous avez ce qui peut les produire, une population nombreuse, des campagnes fertiles, et l'exemple qu'a donné dans toutes les circonstances essentielles le premier peuple de l'Europe."

Dijon, le 4 Pluviose.

Le dégel que nous venons d'essuyer a fait craindre, avec raison, pour les ports de la Saone qui, en général, sont en très-mauvais état. Le préfet, par un arrêté du 29 Nivôse, a iuvité l'ingénieur en chef à envoyer sur-le-champ à Pontailler, Auxonne, Belle-Défense, et autres lieux, des conducteurs de travaux publics pour prévenir la chute de ces ponts. Dix mariniers choisis par le maire de Pontailler, ont travaillé pendant 36 heures à briser les glaces; ils sont parvenus à en casser un morceau, qui n'avait pas moius de 32 centumétres (11 pouces 2 lgnes) d'épaisseur, sur 150 metres (592 pieds 6 lignes) de longueur, et 50 metres (195 p. 10 l.) de largeur. Ce long travail fut à peine terminé, que la débacle est vende le 2, sur les dix heures du matin, et ce n'est qu'à dix heures du soir, que l'on a été assuré que le pont ne courait plus aucun risque. Les secousses enormes qu'il a essuyees pendant toute la journée, ont arraché douze fiches d'avant-bec, cassé et enlevé des liens et des moises. Nous n'avons point encore reçu de nouvelles des autres ponts de cette riviére.

Le Havre, le 6 Pluviose.

Nous avons joui hier d'un spectacle bien agréable, et qui nous a rappelé les jours de prospérité de notre port. Il faisait un temps superbe; les vents qui souffiaient à l'est, étaient temperés à midi par les rayons du soleil. Plus de vingt navires de toutes grandeurs et de toutes formes, mâtés à trois mâts, en bricks, senaus, goëlettes, galiotes, dogres, smacks et sloops, voguaient à pleines

voiles au milieu de notre port, et nous représentaient l'illusion de ces jeux célébrés avec tant d'élégance par Homere et Virgile; ils semblaient se disputer l'honneur d'arriver les premiers au bout de nos jetées. Quand ils furent tous sur notre rade, on eût cru voir une escadre formée de bâtimens de toutes les nations. La variété de leurs pavillons, en nous annonçant que le commerce est le lieu de tous les peuples, nous rend plus sensibles les douceurs de la paix, et nous fait désirer que la sagesse et l'humanité tiennent longtemps enchaîné le démon de la guerre. Au même moment, paraissent sur rade plusieurs autres bâtimens.

Rouen, le 4 Pluvióse.

Les eaux de la Seine ont heureusement baissé de nouveau, et le vent ayant passé au nord et au nord-est, il y a lieu d'espérer que la fonte des neiges n'occasionnera point une nouvelle inondation, ce qu'on avait lieu de craindre, si les vents eussent continué de souffler de l'ouest, et si les pluies eussent été abondantes.

(Moniteur, No. 131. Paris, le 10 Pluviose.) Proces-verbal des Opérations de la Consulta extraordinaire de la République Cisalpine, à Lyon,

La République Cisalpine formée au milieu de la guerre par la réunion de plusieurs états, ne pouvait attendre que de la paix, du temps, et d'un gouvernement fort, sa consistence politique et sa tranquilité intérieure. Son vœu était d'obtenir une organisation définitive; elle en fit la demande au premier consul, et attendit de la main qui l'avait fondée en l'an 6, et rétablie deux ans après, l'appui dont elle avoit besoin, pour se constituer et s'unir en corps de nation.

Le premier consul, en déférant au veu qui lui était exprimé, voulut s'entourer de toutes les lumieres, que pouvaient avoir les Cisalpins eux-mêmes sur les intérêts de leur pays, et ce fut pour répondre aux vues bienveillantes du premier consul, et pour lui donner les renseignemens qu'il désirait, qu'une consulta extraordinaire de 450 membres, choisis parmi les membres les plus éclairés et les plus recommandables de la République Cisalpine, fut convoquée par son gouvernement. Lyon fut désigné pour le lieu de la session, comme plus à portée de cette république et du premier consul, et plus remarquable par ses nombreux rapports avec le nord de l'Italie.

Le ministre des rélations extérieures se rendit à Lyon le 7 Nivose, et le citoyen Marescalchi, député de la République Cisalpine près le gouvernement Français, devenant en cette qualité, l'intermédiaire naturel des communications du ministre avec les notables cisalpins, lui présenta successivement ceux du Milanais, des trois légations ecclésiastiques, des pays détachés de l'Etat de Venise, du ci-devant Modenois, du Novarais et de la Valteline.

Ces conférences partielles avaient l'avantage d'établir des rap ports plus intimes entre le ministre et les notables des fractions territoriales de la République Cisalpine.

Une consulta aussi nombreuse n'aurait pu se réunir sur le territoire Français, sans l'autorisation du gouvernement, et c'était à lai qu'appartenait la désignation du mode, suivant lequel elle pouvait s'assembler. Le ministre s'occupa de l'organisation de la consulta de concert avec un bureau de délibération, composé de cinq membres appartenans aux cinq divisions territoriales de la Cisalpine; à la connaissance des intérêts, des localités, les membres joignaient l'avantage de pouvoir servir de centre de

réunion.

La consulta législative dont les membres faisaient partie de la consulta extraordinaire, et qui avait rendu la loi sur la convocation de celle-ci, concourait encore à l'exécution de cette loi, en discutant et en convertissant en arrêtés les propositions du bureau de délibération. Elle devint un nouveau lien de communication entre ce bureau et l'assemblée générale, et d'après la proposition du bureau, elle arrêta que la consulta extraordinaire serait partagée en 5 sections, dont chacune correspondait également à l'une des 5 principales nations cisalpines, dans une assemblée dont les élémens étaient si homogénes. Cette division promettait des opérations plus calmes, elle offrait plus de facilité pour constater l'assentiment de chaque peuple à sa réunion en un seul état; et cet assentiment bien prononcé, devenait nécessaire pour donner plus de consistence à la République.

Les cinq sections s'assemblerent séparément, et leur bureau fut formé des citoyens Melzi et Strigelli pour la section Milanaise, Aldini et Belmonte pour les légations: Bargnani et Carissimi pour les provinces Venitiennes; Paradisi et Candrini pour le Modenois; de Bernardi et Guicciardi Guido pour le Novarrois et la Valteline. Dans chaque section l'on suivit une marche uniforme, afin d'avoir au moment de l'arrivée du premier consul, une opinion bien formée sur les differens objets sur lesquels il désirait des renseignemens. Les bases de la constitution déjà adoptée par la consulta législative de Milan furent présentées aux différentes sections, pour obtenir d'elles les observations les plus propres à en déduire des lois organiques. Chaque section jugea convenable de charger de leur examen une commission particuliere prise dans son sein, et elle discuta ensuite les observations. Toutes celles que les cinq sections adopterent furent réunies et présentées au ministre des relations extérieures.

Chaque assemblée était aussi chargée de préparer une liste nombreuse de citoyens que la confiance et l'estime publique appelaient de préférence au corps-législatif. On passa au scrutin secret; chaque membre donna 60 noms, et ces bulletins furent remis au ministre, pour être présentés au premier consul, dont l'arrivée à Lyon eût lieu le 21 Nivóse. Le premier consul prit connaissance des opérations antérieures; et regardant la formation des trois colleges électoraux comme la base de la nouvelle organisation de

la Cisalpine, il désira que chaque section lui remit une liste qui contint le double du nombre des citoyens qui auraient les qualités requises pour être membres des colléges. En même temps il réunit chez lui les présidens des cinq sections, fit lire et discuter les observations qu'elles avaient présentées sur la constitution; y fit quelques changemens qui lui furent indiqués par l'expérience, et par la connaissance des intérêts de la Cisalpine..

Il ne restait qu'à s'occuper de faire connaître les personnes qui pouvaient remplir les premieres places du gouvernement.

Un comité de trente membres fût chargé par la consulta réunie pour la premiere fois en assemblée générale, de former des listes de candidats doubles du nombre des places à remplir, pour indiquer au premier consu! les hommes que l'opinion publique y appelait. Le comité, après s'être occupé de l'opération qui lui était confiée, fit à l'assemblée générale de la consulta extraordinaire, le rapport suivant.

"Citoyens députés,

"Votre commission des trente, après s'être attachée avec le plus grand soin à proposer une liste d'hommes en état d'entrer dans la composition du gouvernement, vous fait part du résultat de ses réflexions sur le choix du premier magistrat.

"Elle s'est occupée, pendant trois de ses séances, de cet objet le plus important de tous; et après avoir discuté toutes les idées qui 'associaient à cette nomination, elle est toujours arrivée par des voies différentes, à une même conséquence.

"Si l'on compte très peu d'hommes capables d'être élevés à la premiere place du gouvernement, il faut convenir que notre situation intérieure doit les faire paraître parmi nous plus rares qu'ils ne le sont réellement. Il est facile de voir que le peu de temps qui s'est écoulé depuis que la Cisalpine a été formée de six nations différentes, ne peut pas suffire pour qu'elles se connaissent entr'elles, et pour que les hommes les plus remarquables leur inspirent une égale confiance. Ce n'est pas sans crainte que l'on peut choisir entr'eux, si l'on considere que divisés comme nous le sommes de lois, d'usages, et de mœurs, et habitués en tout genre à des opinions différentes, on ne peut guere espérer de trouver un homme, qui renonçaut à tout systeme particulier, puisse ainsi arracher la masse du peuple à ses anciennes habitudes, et lui donner (ce qui est le fondement le plus solide des Républiques) un esprit

national.

"L'histoire des vicissitudes qu'a éprouvées la République Cisalpine, rendait plus difficiles les recherches de la commission. Si les hommes de cette époque, n'avaient été attachés à aucune magistrature, on ne pourrait pas présumer, qu'ils fussent assez versés, dans la science, toujours difficile, mais plus encore au milicu de nous, de gouverner la République. S'ils avaient à cette époque les rênes du gouvernement, agités, comme ils l'étaient par le trouble des opinions, distraits de mille manieres, emportés par l'influence étrangere, ils ne pouvaient pas s'élever à cette considération,

qui, dans des temps moins malheureux, leur aurait gagné la confiance publique.

"Mais en supposant qu'après avoir surmonté ces nombreux obstacles, on ent pu désigner un homme, capable de soutenir une si grande charge, beaucoup d'autres difficultés plus graves empêcheraient bientôt qu'on ne put entierement se reposer sur ce choix. Les troupes françaises ne peuvent pas encore completement évacuer la Cisalpine: un grand nombre de raisons politiques et notre propre intérêt, ne le permettaient pas dans le moment actuel, et au milieu de notre dénûement de troupes natiouales.

"La Cisalpine d'ailleurs, quoiqu'elle ait été garantie par les traités de Tolentino et de Lunéville, ne peut dans le premier moment espérer d'obtenir par elle-même, de la part des anciens gouvernemens de l'Europe, cette considération nécessaire pour se consolider au-dedans et au-dehors; il faut qu'on la fasse reconnaître par plusieurs puissances qui ne sont pas encore entrées en relations avec elle: elle a besoin d'un homme qui, par l'ascendant' de son nom et de sa puissance, la mette au rang qui convient à sa grandeur; mais ce nom, cette puissance, on les aura inutilement' cherchés parmi nous.

"Ce fut donc pour mettre la dignité du gouvernement à l'abri de l'influence des troupes étrangeres, et pour ajouter un éclat et une grandeur nouvelle aux commencemens de la Cisalpine, que la commission crut qu'il était essentiel au bonheur de cette République que, dans les premiers momens, elle eut un appui qui l'em-` portát sur tout autre, en force et en élévation.

"D'après des motifs d'une telle importance, la commission a cru devoir conclure, que si d'un côté, la consulta extraordinaire doit former le vœu que la constitution soit proclamée, et que les' colleges, la législature, et les autres autorités soient incessamment choisis parmi les hommes qu'elle a cru les plus dignes de sou estime, afin de voir cesser enfin le gouvernement provisoire, d'un autre côté, elle doit désirer ardemment que le général Buonaparté veuille honorer la Cisalpine, en retenant la magistrature suprème, et en ne dédaignant pas, au milieu de la direction des affaires de la France, d'être la grande pensée de notre gouvernement pendant le temps qu'il croira nécessaire pour amener à une parfaite uniformité les différentes parties de notre pays, et faire reconnaitre, par toutes les puissances de l'Europe, la République Cisalpine."

Le vœu du comité devint l'opinion unanime de la consulta extraordinaire réanie le 5 Pluviôse en assemblee générale; elle décréta par acclamation, et au milieu des plus vifs applaudissemens, que le rapport du comité qu'elle venait d'entendre, serait présenté au premier consul, comme l'expression fidele des sentimens et des opinions de la consulta extraordinaire.

Le résultat de cette deliberation, ayant été présenté au premier consul, il reconnut que, d'après toutes les lumieres qu'il avait rechellies, l'état des choses exigeait une prompte organisation; qu'il

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