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RECUEIL, &c.

(Moniteur, No. 86. An 8, 1799.)

COMMISSION LÉGISLATIVE INTERMÉDIAIRE DU CONSEIL

DES ANCIENS.

Discours prononcé par Garat, Membre de la Commission du Conseil des Anciens, après la lecture de la résolution sur la présentation au peuple des nouvelles Lois fondamentales de la République, dans la séance du 23 Frimaire, an S.

Citoyens Collègues,

Les nouvelles lois fondamentales que le 19 Brumaire avoit promises à la France sont faites; elles sont adoptées par les deux commissions, signées par tous leurs membres, et on vous propose de les soumettre à l'acceptation du peuple Français. Dans notre grande et terrible révolution, le bien et le mal, tout a été phénomêne; et le phénomêne dont l'Europe et la postérité seront le plus étonnées, peut-être, c'est la rapidité de la conception et de la publication du nouveau pacte social que vous donnez à la France: mais cette rapidité même, loin de diminuer la confiance de la nation, doit l'accroître; elle annonce que vous n'avez fait que recueillir et rédiger des vérités universellement et profondément senties, des vérités démontrées, non par des preuves logiques, qu'il faut toujours débattre, mais par l'expérience de dix années d'orages et de ravages qu'il suffit de rappeler. La république Française ne sera plus une arene toujours ouverte aux factions tour à tour vaincues et victorieuses, et couvrant tout également de sang et de ruines par toutes les défaites et par tous les triomphes. Les foyers de toutes les factions vont s'éteindre; les sources de toutes les pensées saines, de tous les biens réels vont s'ouvrir ; et c'est dans les lois que vous allez proclamer que les malheurs de la république vont trouver leur terme, et ses prospérités, leur naissance. Vous avez voulu donner aux lois, pour leur exécution, une force aussi puissante que les lois elles-mêmes sont sacrées; un pouvoir exécutif qui, par son unité, fût toujours en action et en accord: par sa rapidité, atteignit à tout; par le nombre de ses

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agens et de ses conseils, connât tout; par l'initiative des lois fit passer toutes les acquisitions de l'expérience, toutes les lumières positives du gouvernement, dans le code de la république; par son_irresponsabilité, fût un point fixe et immuable, autour duquel tout devient solide et constant; autour duquel rien ne pût s'agiter pour ébranler, et tout pût se mouvoir avec une haute assurance pour tout perfectionner.

Vous avez voulu que le peuple n'eût pas un besoin dont il ne put faire entendre les cris; pas un sentiment de mépris et de blâme qu'il ne pût rendre redoutable par sa censure; pas un ressentiment légitime contre les ministres du pouvoir, qu'il ne pût porter devant la justice nationale; pas une vue neuve, puisée dans la philosophie de l'Europe, qu'il ne pût opposer devant la puissance législative aux vues pratiques et aux habitudes prises du gouvernement de la France.

Vous avez pensé que la confection des lois ne devoit être confiée qu'à cette faculté de l'esprit humain, qui est toujours froide et calme, qui se recueille toujours et ne s'élance jamais, qui ne doit jamais s'agiler pour ne pas agiter ces balances où elle pese et les vérités et les erreurs, et les opinions communes dont la clarté soudaine frappe et trompe, et les découvertes récentes dont les preuves approfondies sortent à chaque instant davantage de l'obscurité où elles se dérobent d'abord: cette faculté de l'esprit humain, c'est le jugement; et vous avez institué un conseil legislatif qui sera toujours en repos et en silence, qui écoutera tout pour tout juger, et ne parlera jamais que pour - énoncer les lois du fond de son sanctuaire.

Vous avez cherché à donner à votre nouvelle organisation sociale une stabilité, et pour ainsi dire, une perpétuité jusqu'à ce jour refusée aux choses humaines; et pour cela vous avez fait, du temps qui détruit tout, un principe de conservation; vous avez composé un sénat d'hommes arrivés à cet âge où tous les grands mouvemens s'arrêtent ou se moderent, où on n'espere plus rien à acquérir, et où on craint de tout perdre; vous avez comblé en eux toutes les ambitions vertueuses, et vous les avez nis dans l'impossibilité de concevoir même une ambition nouvelle; vous les avez placés, en quelque sorte, vivans hos de l'enceinte de la vie, pour que de là, comme des divinités tutélaires, ils surveillent les actes, ils conservent les lois d'un monde devenu étranger à leurs passions, et qui n'existe plus que pour leur raison et pour leur sagesse,

Vous avez appelé indistinctement tous les Français à l'exercice des droits de l'homme et du citoyen; vous n'avez pas conscnti à resserrer des droits qui prennent leur source dans la nature, pour étendre les droits de la propriété qui ne s'établissent que dans l'ordre social; mais vous avez tellement disposé et dirigé trente millions d'hommes dans cet exercice sacré de leurs droits, que trop aisément ils peuvent exercer pour leur malheur; vous faites sortir tellement du milieu d'une population

Immense, et ceux qui pourront être élus, et ceux qui éliront, que nul n'étant exclu, il sera pourtant difficile qu'aucun soit mal choisi; que, par une direction presqu'aussi nécessaire que si elle étoit mécanique, les élections du peuple Français, si souvent égarées, iront tomber presque toujours sur quelque talent et sur quelque vertu.

Avec de telles vues et des lois concertées pour les remplir toutes, pouviez-vous craindre d'interroger sur votre ouvrage le sentiment du peuple Français ? Vous n'obtiendriez pas seulement l'universalité des votes; les votes du peuple Français seront précédés et accompagnés de ses acclamations.

Ce succès éclatant que tout fait présager, vous est encore assuré davantage par cet homme extraordinaire à qui vous avez confié principalement les pouvoirs et les destinées de la république, et qui, dans le cours de ses destinées personnelles, ne rencontra des obstacles que pour obtenir des triomphes; en l'élevant à cette fonction, la premiere, du monde, et que son génie rendra plus éminente encore, vous l'avez installé où le portaient les vœux de la république et les besoins de nos circonstances. Cette influence que, par son nom seul, il exerce sur toutes les imaginations, sa gloire, en même temps qu'elle sera un puissant ressort de plus dans l'action du gouvernement, sera une limite et une barrière devant le pouvoir exécutif; et cette borne sera d'autant plus sûre qu'elle ne sera pas dans une charte, mais dans le cœur et dans les passions mêmes d'un grand homme. D'autres peuvent ambitionner d'avoir toujours plus d'autorité, sur un peuple. Buonaparte ne peut avoir d'autre ambition que celle de devenir toujours plus grand au milieu de tous les peuples et de tous les siecles.

Elançons-nous donc avec toute confiance dans les nouvelles destinées préparées par nous à la république. Sous l'empire des nouvelles lois et de nouveaux pouvoirs, cette activité révolutionnaire, toujours prête à dévorer la France, va se répandre sur les sciences, sur les arts, sur le commerce, sur tous les genres de travaux qui entretiennent et multiplient les créations et les bienfaits de l'existence sociale. La France est toute couverie de laves révolutionnaires; mais l'histoire de tous les siecles en est le présage et la preuve; aux premiers jours de l'ordre et de la paix, ces laves comme celles du Vesuve et de l'Etna, sont les principes les plus actifs de la fécondité; alors les campagnes se couvrent de toutes les richesses de la nature, les cités se decorent de la splendeur des lumeres et de la magnificence des arls: amongous cet avenir à la republique; elle y touche.

(Moniteur, No. 86 et 87.)

COMMISSION DES ANCIENS.

Séance du 25 Frimaire. ¿

Sedillez, au nom de la section de législation, en fait approuver une résolution du 23 Frimaire, relative à l'école politechnique. En voici le texte:

Art. 1. L'école polytechnique est destinée à répandre l'intruction des sciences mathématiques, physiques, chimiques, et des arts graphiques, et particulièrement à former des éleves pour les écoles d'application des services publics ci-après désignés. Ces services sont: l'artillerie de terre, l'artillerie de la marine, le génie militaire, les ponts et chaussée, la construction civile et nautique des vaisseaux et bâtimens civils de la marine, les mines et les ingénieurs géographes.

2. Le nombre des éleves de l'école polytechnique est fixé à trois cents.

3. Tous les ans, le premier jour complémentaire, il sera ouverte un examen pour l'admission des éleves; il devra être terminé le 30 Vendémiaire. Cet examen sera fait par des examinateurs nommés par le ministre de l'intérieur, lesquels se rendront à cet effet dans les principales communes de la république.

4. Ne pourront se présenter à l'examen d'admission que des Français âgés de seize à vingt ans ; ils seront porteurs d'un certificat de l'administration municipale de leur domicile, attestant leur boune conduite et leur attachement à la république.

5. Tout Français qui aura fait deux campagnes de guerre dans l'une des armées de la république, ou un service militaire pendant trois ans, sera admis à l'examen j'usqu'à l'age de vingt-six ans accomplis.

6. Les connaissances mathématiques exigées des candidats seront, les élémens d'arithmétique, d'algébre, de géometrie et de mécanique, conformément au programme qui sera rendu public trois mois au moins avant l'examen par le ministre de l'intérieur, sur la proposition du conseil de perfectionnement.

7. Les examens d'admission seront publiés. Les administrations des lieux où ils se feront, chargeront un de leurs membres d'y assister.

8. Chaque candidat déclarera à l'examinateur le service public pour lequel il se destine; sa déclaration sera insérée au procèsverbal se son examen, et les élèves n'auront pas la faculté de changer leur destination primitive.

Les ministres indiqueront, avant l'ouverture des examens le nombre des éleves nécessaires pour remplir les besoins presumés des différens services pendant l'espace de l'année, afin qu'il soit assigné à chacun de ces services un nombre d'éleves au moins égal à celui indiqué par les ministres.

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