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Les élections qui avaient eu lieu le même jour dans les départements de Saône-et-Loire, du HautRhin et du Bas-Rhin, avaient eu aussi pour résultat de grossir le nombre des représentants socialistes.

Il paraît certain que les partis royalistes profitèrent de l'émotion générale, que ces élections causèrent en France, pour déterminer le gouvernement à se prêter à un projet de réforme électorale, qu'ils méditaient peut-être depuis longtemps.

Quoi qu'il en soit, dès le 2 mai, parut dans le Moniteur la note suivante:

« Le ministre de l'intérieur (M. Baroche, qui » avait remplacé M. Ferdinand Barrot depuis le » 45 mars 1850) vient de former une commission » chargée de préparer un projet de loi sur les réformes >> qu'il serait nécessaire d'apporter à la loi électorale. >> Cette commission est composée de MM. Benoist» d'Azy, représentant du peuple; Berryer, idem; >> Beugnot, id., de Broglie, id.; Buffet, id.; de Chas>> seloup-Laubat, id.; Daru, id.; Léon Faucher, id.; >> Jules de Lasteyrie, id.; Molé, id.; de Montalem» bert, id., de Montebello, id.; Piscatory, id.; de » Sèze, id.; le général de Saint-Priest, id., Thiers, » id.; de Vatimesnil, id. »

La commission devait se réunir le lendemain, au ministère de l'intérieur, pour commencer immédiatement ses travaux.

C'est dans le sein de cette commission qu'a été élaboré le projet de loi sur les élections, auquel, sauf quelques légères modifications, l'Assemblée législative a donné sa sanction le 31 mai suivant.

On a prétendu que Louis-Napoléon n'avait adhéré à la formation de cette commission que pour éviter une rupture entre lui et la majorité de l'Assemblée. Les circonstances actuelles et le décret du 2 décembre 1851, dont l'article 2o est ainsi conçu : « Le >> suffrage universel est rétabli, la loi du 31 mai est » abrogée, » nous paraissent pleinement justifier cette opinion, surtout si l'on rapproche ce décret du message du 4 novembre précédent, dont nous donnerons la teneur en son temps.

Malgré cette concession de Louis-Napoléon dans un intérêt de concorde, la majorité de l'Assemblée, qui avait été vivement froissée par la composition du ministère et par le message du 31 octobre, et qui spéculait déjà sur le bénéfice de la loi du 31 mai, ne devait pas tarder à faire éclater ses dispositions hostiles contre le chef du pouvoir exécutif.

On se rappelle qu'au moment où la Constitution fut votée, les finances étaient dans un état peu rassurant, le défaut de confiance ayant suspendu toutes les transactions. On comprend donc qu'à cette époque l'Assemblée dut apporter la plus grande parcimonie dans les dépenses.

Lorsqu'il s'agit de fixer le traitement du président de la République, on discuta longuement la proposition, qui portait le chiffre de ce traitement à 600,000 francs; les uns, le trouvant trop restreint, proposaient de le porter à 1,000,000, d'autres à 4,200,000 francs; quelques membres, considérant comme plus que suffisante la somme de 600,000 franes portée au projet, proposaient d'amender la rédaction

du projet dans cette forme limitative : Le président reçoit un traitement qui ne peut excéder 600,000 francs. L'Assemblée écarta ces diverses propositions, pour adopter purement et simplement le projet de la commission, qui forme l'article 62 de la Constitution ainsi conçu :

« Il (le président) est logé aux frais de la République, et reçoit un traitement de 600,000 francs » par an. >>

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Le rapport présenté par M. Marrast constate positivement, que dans ce traitement n'étaient pas compris les frais de représentation.

Il résulte évidemment du même rapport, et du rejet de la proposition tendant à fixer comme maximum du traitement le chiffre de 600,000 francs, que, dans l'esprit de l'Assemblée constituante, cette allocation n'était fixée qu'à titre provisoire. Voici en quels termes s'explique le rapport :

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Toutefois, après avoir défini et limité le pouvoir » du président de la République, la Constitution lui » confère tous les attributs, qui appartiennent au chef » d'un grand État. C'est en lui que se personnifie » l'action de la France; il connaît, il promulgue, il » exécute la pensée de la République; si l'Assemblée » en est l'âme, il en est le bras; il la représente au

dehors, il dispose de ses forces, il donne l'impul» sion à l'administration, il la dirige, il est le pro>>tecteur de l'ordre, le défenseur de la société, le

premier magistrat d'un peuple puissant et libre, l'a» gent supérieur d'une démocratie: il faut donc qu'il >> ait à la fois la dignité et la force de la loi agissante.

» C'est ce que nous avons voulu, en accordant à ce >> pouvoir tous les droits, que la Constitution attache » à cette position éminente. Nous lui donnons le >> rang, l'autorité suprême, sa volonté ne doit ren>> contrer aucune résistance; car il commande au » nom de la loi. Tout le mouvement des affaires in» térieures et extérieures de l'État dépend de lui, >> remonte à lui. Aussi désirons-nous qu'il soit placé >> par la République dans la condition d'honneurs et » de prérogatives, qui conviennent à celui, qui repré>> sente la France vis-à-vis des autres nations; et si le » traitement que nous avons affecté à ses fonctions » vous a paru trop réduit, c'est que, dans notre

pensée le trésor national doit pourvoir à tous ses >> frais de représentation, dont le chiffre dépassera » certainement celui que nous avons fixé pour sa per

» sonne. >>

Par une loi en date du 12 mars 1849, les frais de représentation avaient été fixés à 600,000 francs par an, le traitement avait été maintenu au chiffre de 600,000 francs, c'était donc un total de 1,200,000 francs.

L'expérience prouva bientôt l'insuffisance de cette allocation pour remplir le but que s'était proposé l'Assemblée constituante.

Cependant tant que dura la crise financière, LouisNapoléon s'opposa à toute réclamation; mais dès la fin de l'année 1849, plusieurs branches des revenus publics s'étaient accrues dans des proportions inespérées, grâce à la main ferme qui tenait les rênes de l'État.

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Il parut donc opportun au gouvernement de présenter un projet de loi, tendant à faire porter les frais de représentation à 250,000 francs par mois, soit à 3,000,000 par an, le traitement restant fixé à 50,000 francs par mois, c'est-à-dire à 600,000 francs par an; ce projet fut déposé le 4 juin par M. Achille Fould; il était appuyé de l'exposé de motifs dont la teneur suit:

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« Quand l'Assemblée constituante porta les frais » de représentation du pouvoir exécutif au chiffre provisoire de 600,000 francs par an, elle ré» serva à l'Assemblée législative le droit d'élever >> cette allocation, si elle était reconnue insuffi» sante pour les nécessités de représentation et les charges de munificence et de charité, attachées à » la première magistrature de la République. C'est » pour subvenir à ces charges, dont les mœurs et les >> habitudes du pays font des devoirs, que le gou>> vernement propose à l'Assemblée d'augmenter le >> traitement du président. L'épreuve de plus d'une » année a démontré son insuffisance: cette insuffi» sance amoindrirait, aux yeux du pays et de l'étran» ger, la haute position qu'il occupe; elle fermerait » forcément ses mains aux innombrables infortunes » quí, de tous les points de la France, s'adressent à >> lui comme à la bienfaisance personnifiée de la patrie; elle le réduirait à l'impuissance de faire le >> bien. >>

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Cette somme n'avait évidemment rien d'exagéré. Pour le comprendre, il suffit de se rappeler un fait bien récent, c'est que Louis-Philippe avait une

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