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liste civile de 14,000,000 de francs, bien qu'il n'eût pas à faire face au luxe qui régnait à la cour des anciens rois de France.

Les convenances paraissaient donc exiger un vote par acclamation. Il n'en fut pas ainsi; l'Assemblée jugea à propos de nommer une commission, qui substitua au projet du gouvernement une proposition toute différente, tendant à allouer 1,600,000 francs pour dépenses faites en 1849 et en 1850 par suite de l'installation du président.

Ces conclusions équivalaient à un rejet; mais la minorité de la commission ayant proposé un amendement dans ces termes : « Il est ouvert sur >> l'exercice de 1850 un crédit extraordinaire de 2,170,000 francs pour frais de la présidence, le ministère y donna son adhésion, et M. Baroche proposa de mettre d'abord aux voix, suivant l'usage, l'amendement de la commission, qui différait le plus du projet du gouvernement. Contrairement à tous les précédents, la proposition du ministre ne fut point adoptée, et l'Assemblée passa immédiatement aux voix sur l'amendement de la minorité de la commission; et ce n'est peut-être que grâce à une motion du général Changarnier qu'il réunit une faible majorité, 354 voix contre 308. Mais les conclusions de la commission, l'intervention du général Changarnier, le nombre des voix de la minorité tout tend à prouver qu'il y avait eu d'abord parti pris d'humilier le président, et que ce vote n'a eu lieu qu'à titre d'armistice.

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C'est le 24 juin que cette loi fut rendue..

Le mois suivant l'Assemblée faisait une véritable déclaration de guerre à Louis-Napoléon en nommant, à la date des 20, 23 et 25 juillet, une commission.de permanence composée de :

MM. Odilon Barrot, Jules de Lasteyrie, Monet, le général de Saint-Priest, le général Changarnier, d'Olivier, Berryer, Nettement, Molé, le général Lauriston, le général de Lamoricière, Beugnot, de Mornay, de Montebello, de l'Espinasse, Creton, Rulhière, Vésin, Léo de Laborde, Casimir Périer, de Crouseilhes, Druet-Desvaux, Combarel de Leyval, Garnon et Chambolle.

Cette liste n'a pas besoin de commentaire. Constatons seulement que cette commission avait été invitée à exercer la plus active surveillance, et à convoquer l'Assemblée si quelques symptômes graves lui apparaissaient.

Pendant que les membres de cette commission sacrifiaient bravement leur repos pour veiller au salut de la République, tandis que leurs collègues, confiants dans le mandat qu'ils avaient donné, respiraient l'air natal en toute sécurité, Louis-Napoléon, de son côté, profitait de la prorogation de l'Assemblée pour se mettre en rapport direct avec les populations; il tenait à entendre cette grande voix du peuple, le meilleur des oracles pour les chefs des États: Vox populi, vox Dei.

La ville de Lyon fut tout naturellement choisie par son importance, comme premier but des voyages du prince. Durant le trajet, Louis-Napoléon ne négligea aucune occasion de se mettre en com

munication avec les populations des villes et des campagnes.

Le brillant banquet, que la ville de Lyon lui offrit, sera à jamais mémorable par la réponse de LouisNapoléon au toast du maire de cette seconde ville de France.

Voici le texte de ce magnifique discours :

» Que la ville de Lyon, dont vous êtes le digne interprète, reçoive l'expression sincère de ma » reconnaissance pour l'accueil sympathique qu'elle » m'a fait. Mais, croyez-le, je ne suis pas venu dans ces » contrées, où l'Empereur mon oncle a laissé de si profondes traces, afin de recueillir seulement des » ovations et passer des revues.

» Le but de mon voyage est, par ma présence, d'en» courager les bons, de rassurer les esprits égarés, » de juger par moi-même des sentiments et des be» soins du pays. Cette tâche exige votre concours, et, » pour que votre concours me soit complétement » acquis, je dois vous dire avec franchise ce que je » suis, ce que je veux.

» Je suis non pas le représentant d'un parti, mais >>>le représentant de deux grandes manifestations » nationales qui, en 1804 comme en 1848, ont » voulu sauver par l'ordre les grands principes de » la révolution française. Fier donc de mon origine » et de mon drapeau, je leur demeurerai fidèle; je » serai tout entier au pays, quelque chose qu'il exige » de moi, abnégation ou persévérance. (Applaudisse>>>ments.)

>> Les bruits de coups d'État sont peut-être venus

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jusqu'à vous, Messieurs; mais vous n'y avez pas

» cru, je vous en remercie. Les surprises et usurpations peuvent être le fait de partis sans appui » dans la nation; mais l'élu de six millions de suffra» ges exécute les volontés du peuple, il ne les trahit » pas.

» Le patriotisme, je le répète, peut consister dans » l'abnégation comme dans la persévérance. Devant » un danger général, toute ambition personnelle doit >> disparaître.

>> Dans ce cas le patriotisme se reconnaît, comme on >> reconnut la maternité dans un procès célèbre. Vous » vous souvenez de ces deux femmes réclamant le » même enfant : à quel signe reconnut-on les entrailles » de la véritable mère? Au renoncement de ses droits » que lui arracha le péril d'une tête chérie! Que les » partis qui aiment la France n'oublient pas cette su» blime leçon.

>> Moi-même, s'il le faut, je m'en souviendrai. Mais, » d'un autre côté, si des prétentions coupables se >> ranimaient et menaçaient de compromettre le repos » de la France, je saurais les réduire à l'impuissance, >>> en invoquant encore la souveraineté du peuple, car » je ne reconnais à personne le droit de se dire son » représentant plus que moi.

» Ces sentiments, vous devez les comprendre, car » tout ce qui est noble, généreux, sincère, trouve de » l'écho parmi les Lyonnais. Votre histoire en offre » d'immortels exemples. Considérez donc ma parole » comme une preuve de ma confiance et de mon >>> estime. >>

Ces paroles furent répétées dans toute la France par les échos les plus sympathiques.

De retour à Paris le 28 août, Louis - Napoléon, après quelques jours de repos, entreprenait le voyage de Cherbourg.

Le banquet, qui lui fut offert à l'arsenal, lui fournit une occasion solennelle de répondre dignement aux manifestations, qui avaient accueilli partout son passage, en dépit des efforts éhontés de démagogues furieux.

Voici en quels termes le prince s'est exprimé :

<< Messieurs, plus je parcours la France, et plus » je m'aperçois qu'on attend beaucoup du gouver»nement. Je ne traverse pas un, département, une » ville, un hameau, sans que les maires, les conseils » généraux et même les représentants, me demandent >> ici des voies de communication, telles que canaux, » chemins de fer; là, l'achèvement des travaux en>>trepris; partout enfin des mesures qui puissent re» médier aux souffrances de l'agriculture, donner » de la vie à l'industrie et au commerce.

>> Rien de plus naturel que la manifestation de ces » vœux. Ils ne frappent pas, croyez-le-bien, une » oreille inattentive. Mais, à mon tour, je dois vous » le dire, ces résultats tant désirés ne s'obtiendront >> que si vous me donnez le moyen de les accomplir, » et ce moyen, il est tout entier dans votre concours » à fortifier le pouvoir et à écarter les dangers de >> l'avenir.

>> Pourquoi l'Empereur, malgré ses guerres, a-t-il » couvert la France de ces travaux impérissables

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