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>> feu ressemblent de tous points à ce que vous avez >> si clairement exposé, en l'appuyant d'arguments » si irrésistibles.

» Je vous parle ici, prince, de mes méditations » sur ce sujet, beaucoup moins pour en tirer vanité » que pour vous faire juger du plaisir que m'a causé » la lecture de votre ouvrage.

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Il y a de la grandeur à savoir songer comme vous » le faites, au milieu des soucis et des souffrances de » la captivité, aux misères d'une si grande partie de >> vos concitoyens. C'est la plus noble manière d'occu» per vos instants, et c'est aussi la plus digne du » grand nom que vous portez. Vous ferez ainsi sen>> tir à nos hommes d'État qu'il est odieux de tarder >> aussi longtemps à vous rendre à la liberté et à » votre pays. »>

Il y avait déjà plus de cinq ans que Louis-Napoléon subissait les rigueurs de la captivité avec une admirable résignation, lorsque l'ex-roi de Hollande fut atteint d'une maladie qui faisait prévoir une fin prochaine. Dans cette circonstance solennelle, il s'empressa de solliciter l'autorisation d'aller assister son père dans ses derniers moments, en promettant sur l'honneur de revenir se constituer prisonnier dès qu'il aurait rempli ce devoir sacré; le gouvernement offrit d'accorder cette permission, mais à des conditions que le prince refusa comme contraires à son honneur.

Il écrivit à ce sujet à M. Odilon-Barrot, qui avait fait des démarches pour lui auprès du pouvoir, une lettre à la date du 2 février 1846, dont le passage suivant

caractérise parfaitement la magnanimité d'âme de l'auguste captif. « Depuis bientôt six ans, dit-il, je sup>> porte, sans me plaindre, une réclusion, qui est une » des conséquences naturelles de mes attaques contre >> le gouvernement. Je la supporterai encore dix ans, » s'il le faut, sans accuser ni le sort ni les hommes. » Je souffre, mais tous les jours je me dis : Je suis en » France, je conserve mon honneur intact; je vis sans joies, mais aussi sans remords, et tous les soirs je >> m'endors satisfait. Rien de mon côté ne serait venu >> troubler ce calme de ma conscience, ce silence de ma » vie, si mon père ne m'eût manifesté le désir de me » revoir auprès de lui pendant ses vieux jours.

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Quelques mois après, le 25 mai 1846, LouisNapoléon parvint à s'évader déguisé en ouvrier, et il se réfugia en Angleterre, où il continua sans relâche ses études économiques et politiques.

Le prince était à Londres, lorsqu'il reçut la nouvelle de la révolution de 1848. Dès le 26 février, il était à Paris, et s'était empressé d'offrir son concours au gouvernement provisoire; mais ayant appris que l'on craignait que sa présence ne fût l'occasion de troubles, il n'hésita pas à s'imposer un nouvel exil, décidé à attendre l'élection de l'Assemblée constituante sur laquelle la France comptait pour rétablir l'ordre si profondément ébranlé.

Nous touchons au moment, où va commencer la mission providentielle à laquelle Louis-Napoléon était destiné.

Avant d'entrer dans cette nouvelle phase, nous croyons devoir nous arrêter un instant, pour étudier

l'homme appelé à jouer un rôle si important sur la scène du monde.

A l'époque où nous sommes arrivés, des trois enfants issus du mariage de Louis-Bonaparte et d'Hortense de Beauharnais, il ne restait plus que le dernier, Louis-Napoléon, l'aîné étant mort en bas âge et le second en 1834. D'une autre part, le Roi de Rome était mort le 22 juillet 1832, les frères de l'Empereur, Joseph et Louis, étaient aussi décédés, l'un le 7 avril 1845 sans descendant mâle, et l'autre le 25 juillet 1846; en sorte que Louis-Napoléon était devenu l'héritier de la couronne impériale d'après le sénatusconsulte du 28 floréal an XII, qui contient les dispositions suivantes :

« ART. 3. — La dignité impériale est héréditaire » dans la descendance directe, naturelle et légitime » de Napoléon Bonaparte, de mâle en mâle, par >> ordre de primogéniture, et à l'exclusion perpétuelle » des femmes et de leur descendance.

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» ART. 5. A défaut d'héritier naturel et légitime » ou d'héritier adoptif de Napoléon Bonaparte, la dignité impériale est dévolue et déférée à Joseph Bonaparte et à ses descendants naturels et légi>> times par ordre de primogéniture, et de mâle en » mâle, à l'exclusion perpétuelle des femmes et de » leur descendance.

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» ART. 6. — A défaut de Joseph Bonaparte et » de ses descendants mâles, la dignité impériale » est dévolue et déférée à Louis Bonaparte et à >> ses descendants naturels et légitimes par ordre » de primogéniture, et de mâle en mâle, à l'ex

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>> clusion perpétuelle des femmes et de leur descen» dance.

» Art. 142.

La proposition suivante sera pré>> sentée à l'acceptation du peuple dans les formes » déterminées par l'arrêté du 20 floréal an X.

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» Le peuple veut l'hérédité de la dignité impériale » dans la descendance directe, naturelle, légitime et adoptive de Napoléon Bonaparte, et dans la des»cendance directe, naturelle et légitime de Joseph Bonaparte et de Louis Bonaparte, ainsi qu'il est » réglé par le sénatus-consulte organique de ce » jour. >>

Cette proposition obtint presque l'unanimité des suffrages: 3,521,675 votes affirmatifs sur 3,524,254 votants, résultat proclamé par un sénatus-consulte du 15 brumaire an XIII.

Héritier de l'empereur Napoléon et par la volonté de ce dernier, et par la volonté du peuple, LouisNapoléon était done parfaitement fondé à considérer ses droits comme bien plus légitimes que ceux de Louis-Philippe, élu par 224 députés qui n'étaient investis d'aucun mandat de cette nature; et effectivement, ce fut une grande faute.de n'avoir pas soumis à la ratification du peuple cette élection improvisée. La révolution du 24 février ne fut peut-être en définitive que la conséquence naturelle de cette impardonnable imprévoyance.

Quoi qu'il en soit, il est certain que Louis-Napoléon avait depuis longtemps prévu que cet établissement sans base croulerait nécessairement tôt ou tard. D'autre part, dès l'époque de la mort si prématurée du

Roi de Rome, Louis-Napoléon avait pu se regarder comme l'unique rejeton ayant chance de recueillir la succession impériale, son oncle Joseph, qui n'avait pas d'enfants mâles, étant déjà plus que sexagénaire, et l'ex-roi de Hollande, qui, du reste, était atteint de graves infirmités, étant d'un caractère à faire prévoir qu'il aimerait mieux abdiquer en faveur de son fils que de renoncer aux douceurs de la retraite et des travaux purement littéraires, pour lesquelles il avait un goût si prononcé, et dont il avait déjà contracté une longue habitude.

On comprend que, dans une telle situation, LouisNapoléon, quoique fort jeune, n'ait pas cessé, exilé ou captif, de travailler à acquérir les connaissances spéciales et l'expérience nécessaires au souverain qui ne veut pas être au-dessous de sa suprême mission; d'ailleurs, lié à la mémoire de l'Empereur par le sang comme par la reconnaissance, doué d'une riche imagination, son âme éminemment grande et sensible dut être profondément impressionnée par le souvenir des splendeurs de l'Empire, par les travaux des plus illustres historiens, poëtes, peintres et statuaires, par les monuments grandioses fondés par l'Empereur, tels que l'Arc de triomphe, la Madeleine, la colonne Vendôme, et même par ces grossières images du grand homme que l'on trouve dans toutes les chaumières, le plus souvent à côté de la figure du Christ.

D'autre part, les mânes plaintifs des glorieuses victimes de Waterloo, les accents, si sympathiques à la nation, de l'illustre Béranger, ce nouveau barde

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