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» oublié que depuis soixante-dix ans les princesses » étrangères n'ont monté les degrés du trône que >> pour voir leur race dispersée et proscrite par la » guerre ou la révolution.

» Une seule femme a semblé porter bonheur » et vivre plus que les autres dans le souvenir du » peuple, et cette femme, épouse modeste et bonne » du général Bonaparte, n'était pas issue d'un sang >> royal.

>> Il faut cependant le reconnaître, en 1810, le ma>> riage de Napoléon Ier avec Marie-Louise fut un grand » événement; c'était un gage pour l'avenir, une véri>> table satisfaction pour l'orgueil national, puisqu'on » voyait l'antique et illustre maison d'Autriche, qui »> nous avait si longtemps fait la guerre, briguer l'al>>liance du chef élu d'un nouvel Empire. Sous le » dernier règne, au contraire, l'amour-propre du pays » n'a-t-il pas eu à souffrir lorsque l'héritier de la >> couronne sollicitait infructueusement pendant plu>> sieurs années l'alliance d'une maison souveraine, » et obtenait enfin une princesse accomplie, sans » doute, dans des rangs secondaires et dans une autre >> religion.

» Quand en face de la vieille Europe on est porté » par la force d'un nouveau principe à la hauteur des >> anciennes dynasties, ce n'est pas en vieillissant son » blason et en cherchant à s'introduire à tout prix » dans la famille des rois qu'on se fait accepter, c'est >> bien plutôt en se souvenant toujours de son origine, >> en conservant son caractère propre, et en prenant >> franchement vis-à-vis de l'Europe la position de

>> parvenu; titre glorieux, lorsqu'on parvient par le » libre suffrage d'un grand peuple.

» Ainsi obligé de s'écarter des précédents suivis >> jusqu'à ce jour, mon mariage n'était plus qu'une » affaire privée; il restait seulement le choix de la >> personne; celle qui est devenue l'objet de ma pré>>férence est d'une naissance élevée : Française par » le cœur, par l'éducation, par le souvenir du sang » que versa son père pour la cause de l'Empire, elle >> a comme Espagnole l'avantage de ne pas avoir en >> France de famille à laquelle il faille donner hon>>neurs et dignités; douée de toutes les qualités de » l'âme, elle sera l'ornement du trône, comme au » jour du danger elle deviendrait un de ses courageux >> appuis; catholique et pieuse, elle adressera au ciel » les mêmes prières que moi pour le bonheur de la >> France; gracieuse et bonne, elle fera revivre dans >> la même position, j'en ai le ferme espoir, les ver» tus de l'impératrice Joséphine.

» Je viens donc, Messieurs, dire à la France : J'ai » préféré une femme que j'aime et que je respecte » à une femme inconnue, dont l'alliance eût eu des » avantages mêlés de sacrifices. Sans témoigner de dé>> dain pour personne, je cède à mon penchant; mais » après avoir consulté ma raison et mes convictions. » Enfin, en plaçant l'indépendance, les qualités du >> cœur, le bonheur de famille, au-dessus des préjugés » dynastiques et du calcul de l'ambition, je ne serai >> pas moins fort, puisque je serai plus libre.

>> Bientôt, en me rendant à Notre-Dame, je présen» terai l'Impératrice au peuple et à l'armée. La con

>> fiance qu'ils ont en moi assure leurs sympathies à >> celle que j'ai choisie, et vous, Messieurs, en ap» prenant à la connaître, vous serez convaincus que >> cette fois encore j'ai été inspiré par la Providence. »>

Ce mariage d'inclination, ce langage empreint d'une remarquable indépendance des vains préjugés et qui exprime avec l'éloquence des grandes âmes des sentiments pleins de noblesse, sont autant de lignes qui viennent s'ajouter à l'esquisse du caractère si fortement accentué de Napoléon III.

Ce mariage fut célébré le 29 janvier, et fut l'occasion d'immenses libéralités au profit des classes nécessiteuses.

L'Empereur décida que, à ses frais, vingt-huit jeunes filles seraient dotées; que les outils engagés au montde-piété par les ouvriers seraient retirés; qu'il serait fait remise aux mères indigentes des sommes par elles dues à l'administration pour mois de nourrice arriérés; enfin que les familles inscrites aux bureaux de bienfaisance recevraient des secours extraordinaires.

De son côté, la future Impératrice voulut qu'une somme de 250,000 francs, renfermée dans un portefeuille faisant partie des objets composant la corbeille qui lui avait été offerte par l'Empereur, fût consacrée entièrement à des œuvres de charité; par ses ordres, 100,000 francs ont été répartis entre les sociétés maternelles qui ont pour but de secourir les pauvres femmes en couches et de pourvoir à l'allaitement de leurs enfants, sociétés qui ont été depuis placées sous le patronage de Sa Majesté. Les 150,000 francs restants

ont été employés à la fondation de nouveaux lits à l'hospice des Incurables en faveur des pauvres infirmes des deux sexes, qui seraient désignés par l'Impératrice elle-même.

Enfin l'auguste fiancée voulut aussi qu'une somme de 600,000 francs, votée par la commission municipale de Paris pour l'acquisition d'un collier de diamants qui devait lui être offert au nom de la ville, fût employée à la fondation d'un établissement où des jeunes filles pauvres recevraient une éducation professionnelle, et dont elles ne sortiraient que pour être convenablement placées.

Ce pieux emploi de sommes importantes destinées à des objets de parure et de toilette auxquels une fiancée ajoute tant de prix, les nombreuses marques d'un cœur généreux qui suivirent cet heureux début de l'impératrice Eugénie, sa beauté remarquable, ses manières éminemment gracieuses, lui eurent bientôt concilié les sympathies du peuple. La galanterie française, qui a conservé quelque chose des temps chevaleresques, se complaît dans une belle souveraine; puis, pour le peuple auquel l'image d'une impératrice apparaît toujours sous une forme plus ou moins surnaturelle, la beauté et la bonté en sont les attributs obligés. On dira bientôt en France : Elle est belle comme une impératrice, de même que l'on disait autrefois et que l'on dit encore par habitude: Elle est belle comme une reine.

Nous arrivons à une grande époque de la vie de Napoléon III, la guerre d'Orient.....

Loin de nous la pensée d'entreprendre une tâche

bien au-dessus de nos forces et qui exigerait à elle seule tout un volume.

Fidèle à notre plan, nous nous bornerons à saisir çà et là quelques traits propres à compléter le portrait de Napoléon III.

Dans son ouvrage publié en 1839, intitulé Des idées napoléoniennes, Louis-Napoléon s'exprime ainsi :

« Il y a trois manières d'envisager les rapports de la France avec les gouvernements étrangers. Elles se formulent dans les trois systèmes suivants :

Il y a une politique aveugle et passionnée qui voudrait jeter le gant à l'Europe et détrôner tous les rois ;

» Il y en a une autre qui lui est entièrement opposée, et qui consiste à maintenir la paix en achetant l'amitié des souverains aux dépens de l'honneur et des intérêts du pays;

Enfin, il y a une troisième politique qui offre franchement l'alliance de la France à tous les gouvernements qui veulent marcher avec elle dans des intérêts communs.

» Avec la première, il ne peut y avoir ni paix ni trêve; avec la seconde il n'y a pas de guerre, mais aussi point d'indépendance; avec la troisième, pas de paix sans honneur, pas de guerre universelle.

» Le troisième système est la politique napoléonienne. >>

Dans un autre ouvrage publié en 1840, LouisNapoléon dit :

« L'idée napoléonienne n'est point une idée de

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