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dû contribuer à le préparer, de longue main, à remplir dignement la suprême mission que lui réserve la Providence.

La tâche est hérissée de difficultés, l'orage gronde de toutes parts, le vaisseau de la France est ballotté dans tous les sens par des vagues furieuses; mais que la France se rassure, le nouveau pilote que lui envoie le Dieu, dont l'Empereur a relevé les autels, possède cette conviction profonde, cette foi vive qui fait des miracles, c'est-à-dire qui donne la puissance de conjurer les périls les plus imminents, de concevoir et exécuter rapidement les entreprises les plus vastes et les plus difficiles.

Telest l'homme qui a offert son concours à la France, le lendemain d'une révolution politique et sociale, qui mettait tout en question: forme de gouvernement', religion, famille, propriété, relations extérieures.

Bien qu'alors Louis-Napoléon, calomnié avec acharnement, conspué indignement par l'hostilité des partis auxquels il portait ombrage de longue date, fût loin d'être connu sous son véritable jour par la masse de la nation et même par ses détracteurs, qui avaient trouvé plus commode de le décrier systématiquement que de chercher à l'apprécier par ses œuvres, on comprend à merveille que son apparition dut naturellement inquiéter un gouvernement impróvisé sur les barricades, sans racines et sans unité de

- vues.

Frappé d'une terreur panique, le gouvernement provisoire donna donc à entendre au prince que sa présence sur le sol français, dans des circonstances

aussi critiques, pouvait augmenter de beaucoup les embarras du moment.

Louis-Napoléon, avec cette décision qui le caractérise, reprit immédiatement le chemin de l'exil, après avoir adressé au gouvernement provisoire la lettre ci-après reproduite :

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<< MESSIEURS,

Après trente-trois années d'exil et de persécu» tion, je croyais avoir acquis le droit de retrouver » un foyer sur le sol de la patrie..

» Vous pensez que ma présence à Paris est main» tenant un sujet d'embarras, je m'éloigne donc mo» mentanément. Vous verrez dans ce sacrifice la pureté » de mes intentions et de mon patriotisme.

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Non-seulement Louis-Napoléon retourna en Angleterre, mais encore il refusa les nombreuses propositions, qui lui furent faites, de se porter candidat aux élections de l'Assemblée constituante, fixées au 23 avril, bien qu'il eût eu les plus grandes chances de succès, ainsi que le prouve l'élection de trois membres de la famille Bonaparte : Pierre-Bonaparte, fils de Lucien; Napoléon Bonaparte, fils de Jérôme, et Lucien Murat, fils de Caroline, sœur de l'Empereur.

En dépit des circulaires de M. Ledru-Rollin et des efforts des commissaires, qu'il avait investis d'un pouvoir absolu, l'Assemblée se trouva composée en partic de monarchistes qui, malgré leur nombre imposant, par prudence ou par entraînement, crièrent avec

leurs collègues « Vive la République ! » au lieu de réclamer que la nation fût appelée à se prononcer sur la forme du gouvernement qui pouvait le mieux lui convenir.

Il est hors de doute que l'immense majorité n'était pas républicaine, et il est à présumer, qu'après deux naufrages successifs du régime parlementaire, le seul gouvernement, qui aurait pu aller à ses instincts, c'eût été une monarchie populaire.

Quel nom eût mieux répondu à ses aspirations que celui de l'héritier du nom le plus populaire et le plus illustre dans lequel se personnifièrent avec tant d'éclat la majesté, le prestige et les intérêts de la France affranchie du régime féodal, et des excès de la révolution ?

Quoi qu'il en soit, la commission exécutive que l'Assemblée avait élue était à peine installée que, comme sous le gouvernement provisoire, la tranquillité publique continuait à être troublée par les menaces des émeutiers de profession, furieux de ce que tous leurs candidats n'avaient pas triomphé, et bientôt par l'envahissement de l'Assemblée dans la journée du 15 mai.

Il était, dès lors, évident qu'avec une Assemblée composée d'éléments hétérogènes et un pouvoir exécutif, simple fraction du gouvernement provisoire, il n'était plus permis d'espérer le rétablissement de l'ordre.

C'est, dans ces circonstances, qu'eurent lieu les élections partielles du 6 juin.

Louis-Napoléon fut élu à une grande majorité par

quatre départements: la Seine, l'Yonne, la Sarthe et la Charente-Inférieure.

En face de cette manifestation, qui avait, en effet, une portée immense, la commission exécutive comprit que le pays portait ailleurs l'espoir de son salut.

Ne prenant conseil que de son dépit porté jusqu'à la fureur, la commission exécutive, ordinairement divisée, signa dès le 12 juin, avec une merveilleuse entente, le décret suivant :

« Vu l'article 4 de la loi du 12 janvier 1816, et » les articles 12 et 6 de la loi du 16 avril 1832;

» Considérant que Charles-Louis-Napoléon Bona>> parte est compris dans la loi du 16 avril 1832 qui » exile du territoire français les membres de la fa» mille Bonaparte ;

>> Considérant que s'il a été dérogé de fait à cette >> loi par un vote de l'Assemblée nationale, qui a ad>> mis trois membres de la famille Napoléon à faire » partie de l'Assemblée, cette dérogation tout indi>> viduelle ne s'étend ni de droit ni de fait aux autres » membres de la famille ;

>> Considérant que la France veut fonder en paix » et avec ordre le gouvernement républicain et po» pulaire, sans être traversée dans cette œuvre par » des prétentions dynastiques de nature à susciter >> des factions et à fomenter, même involontairement, » la guerre civile;

>> Considérant que Charles-Louis-Napoléon a fait >> deux fois acte de prétendant en rêvant une répu>>blique avec un empereur, c'est-à-dire une répu

>> blique dérisoire, dans les termes du sénatus-con>>sulte de l'an XIII;

» Considérant que des agitations attentatoires à la république populaire que nous voulons fonder, » compromettantes pour la sûreté des institutions et » pour la paix publique, se sont déjà révélées au » nom de Charles-Louis-Napoléon Bonaparte;

>> Considérant que ces agitations, symptômes de >> menées coupables, pourraient acquérir de la gra»vité si par négligence, imprudence ou faiblesse, le >> gouvernement abandonnait ses droits;

>> Considérant que le gouvernement ne peut accep>> ter la responsabilité des dangers que courraient la » tranquillité publique et la forme républicaine de nos >> institutions s'il manquait au premier de ses devoirs >> et n'exécutait pas une loi existante, justifiée plus » que jamais pendant un temps indéterminé par la >> raison de l'État et par le salut public;

>>> La commission du pouvoir exécutif déclare qu'elle » fera exécuter, en ce qui concerne Charles-Louis» Napoléon, la loi de 1832, jusqu'au jour où l'As>> semblée nationale aura prononcé l'abrogation de >> cette loi. »

Le lendemain même, le ministre de l'intérieur adressait aux préfets et aux sous-préfets la dépêche suivante :

<< Par ordre de la commission du pouvoir exécutif, >> faites arrêter Charles-Louis - Napoléon Bonaparte, » s'il est signalé dans votre localité.

>> Transmettez partout les ordres nécessaires. >> Mais le même jour, malgré les efforts de MM. Le

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