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rection des affaires du pays; tous ses efforts tendirent à se concilier les sympathies du plus grand nombre possible de représentants parmi ceux appartenant aux partis modérés, républicain ou royaliste.

Par suite d'assez nombreux vides faits dans l'Assemblée, notamment par la funeste insurrection de juin, il y avait lieu de procéder à de nouvelles élections partielles.

Pour cette fois, Louis-Napoléon prit le parti de se porter candidat ; il n'y voyait plus aucun inconvénient.

Et, en effet, la défaite meurtrière subie par les insurgés, et l'unité dans le pouvoir exécutif, malgré le rôle trop effacé du général Cavaignac, avaient notablement amélioré la position.

Les nouvelles élections comprenaient quatorze départements; elles étaient fixées au 17 septembre. Louis-Napoléon fut élu par cinq départements: la Seine, l'Yonne, la Corse, la Charente-Inférieure et la Moselle.

Le 26 septembre il fut admis, cette fois, sans réclamation: la lutte n'était plus possible en présence de cette quintuple élection.

Peu de jours après, le 5 octobre, la question à l'ordre du jour, c'était le mode de nomination du président de la République. Trois systèmes se disputèrent la majorité :

1° L'élection directe du président par le peuple; 2o L'élection par l'Assemblée d'un président irrévocable pour un temps limité;

3o L'élection, également par l'Assemblée, d'un

président qui serait institué pour un temps illimité, et révocable à volonté.

Ce fut le premier mode qui fut adopté par 627 voix contre 130, dans la séance du 10 octobre; les deux autres systèmes avaient été repoussés à bon droit comme incompatibles avec la dignité du pouvoir exécutif, et comme exclusifs de tout espoir de crédit et de stabilité.

A peine le premier système eut-il reçu la consécration de cette immense majorité, que, dans la même séance, les adversaires de Louis-Napoléon s'empressèrent de présenter successivement une foule d'amendements qui tous tendaient secrètement au même but, l'exclusion du prince. Le premier de ces amendements, présenté par M. Antony Thouret, était exprimé en ces termes généraux, dans le but de déguiser cet acte d'hostilité persistante: « Aucun » membre des familles qui ont régné sur la France » ne pourra être élu président ou vice-président de » la république. »

L'Assemblée eut encore le bon esprit de faire prompte justice de ces indignes et égoïstes attaques.

Comment se fait-il donc qu'après avoir résisté à des suggestions aussi injustes qu'impolitiques, l'Assemblée n'ait pas su se maintenir dans la voie où elle était entrée avec une louable résolution? C'est que probablement elle eut le tort de se préoccuper beaucoup trop des intérêts de son influence, à l'approche de la première élection du président de la République. Quoi qu'il en soit, ce qu'il y a de certain,

c'est qu'elle ne dissimula pas ses préférences pour le général Cavaignac.

Cet acte de partialité et d'imprévoyance eut pour première conséquence d'autoriser en quelque sorte une recrudescence de calomnies et d'injures de toutes sortes contre Louis-Napoléon.

D'une autre part, le ministère ne resta pas en arrière de cette croisade en faveur du général Cavaignac.

Il était d'autant mieux posé pour exercer une influence décisive, qu'il représentait, par la diversité d'origine des membres qui le composaient, toutes les nuances de la majorité de l'Assemblée constituante.

Parmi ceux qui avaient été choisis pour cimenter l'alliance du général avec les hommes des partis royalistes, M. Dufaure se fit remarquer par son ardeur dans cette levée de boucliers, usant ouvertement et officiellement de tous les moyens d'influence en son pouvoir, comme ministre de l'intérieur.

Toutes les chances de succès paraissaient donc se réunir sur la tête du général Cavaignac, qui avait pour lui non-seulement l'Assemblée et le ministère, mais encore le souvenir tout récent des services qu'il avait rendus à la cause de l'ordre, et enfin les alliances qu'il avait nouées avec les royalistes.

Néanmoins, soutenu par les nombreux suffrages qu'il avait obtenus à deux reprises différentes dans deux élections consécutives de représentants, LouisNapoléon se décida à se porter candidat à la présidence de la République.

Cette résolution prise, il brava toutes les clameurs

pour poser hardiment et ouvertement sa candidature par l'adresse suivante aux électeurs :

<< Pour me rappeler de l'exil, vous m'avez nommé >> représentant du peuple ; à la veille d'élire le pre>> mier magistrat de la République, mon nom se pré» sente à vous, symbole d'ordre et de sécurité.

» Ces témoignages d'une confiance si honorable » s'adressent, je le sais, bien plus à mon nom qu'à » moi-même, qui n'ai rien fait encore pour mon » pays; mais plus la mémoire de l'Empereur me » protége et inspire vos suffrages, plus je me sens » obligé de vous faire connaître mes sentiments et » mes principes. Il ne faut pas qu'il y ait d'équivoque >> entre vous et moi.

>> Je ne suis pas un ambiteux qui rêve tantôt l'Empire et la guerre, tantôt l'application de théories » subversives. Élevé dans des pays libres, à l'école » du malheur, je resterai toujours fidèle aux devoirs » que m'imposeront vos suffrages.

» Si j'étais président, je ne reculerais devant au» cun danger, devant aucun sacrifice pour défendre » la société si audacieusement attaquée, je me dé>> vouerais tout entier, sans arrière-pensée, à l'affer>> missement d'une république sage par ses lois, » honnête par ses intentions, grande et forte par ses

>> actes.

» Je mettrais mon honneur à laisser, au bout de » quatre ans, à mon successeur, le pouvoir affermi, » la liberté intacte, un progrès réel accompli.

>> Quel que soit le résultat de l'élection, je m'incli>> nerai devant la volonté du peuple, et mon con

>> cours est acquis d'avance à tout gouvernement » juste et ferme, qui rétablisse l'ordre dans les es>> prits comme dans les choses; qui protége efficace» ment la religion, la famille, la propriété, bases » éternelles de tout état social; qui provoque les >> réformes possibles, calme les haines, réconcilie les » partis, et permette ainsi à la patrie inquiète de » compter sur un lendemain.

» Rétablir l'ordre, c'est ramener la confiance, » pourvoir par le crédit à l'insuffisance passagère des >> ressources, restaurer les finances, ranimer le com

>> merce.

» Protéger la religion et la famille, c'est assurer la >> liberté des cultes et la liberté de l'enseignement. » Protéger la propriété, c'est maintenir l'inviola>>bilité des produits de tous les travaux; c'est ga>> rantir l'indépendance et la sécurité de la posses» sion, fondements indispensables de la liberté civile. >> Quant aux réformes possibles, voici celles qui >> me paraissent les plus urgentes :

>> Admettre toutes les économies qui, sans désor>>ganiser les services publics, permettent la dimi» nution des impôts les plus onéreux au peuple; >> encourager les entreprises qui, en développant les >> richesses de l'agriculture, peuvent, en France et » en Algérie, donner du travail aux bras inoccupés; » pourvoir à la vieillesse des travailleurs par des in>> stitutions de prévoyance; introduire dans nos lois » industrielles les modifications, qui tendent, non à >> ruiner le riche au profit du pauvre, mais à fonder >> le bien-être de chacun sur la prospérité de tous.

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