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A M. GUIZOT, MINISTRE DES AFFAIRES

ÉTRANGÈRES.

Neuilly, dimanche, 12 juillet 1846.

Mon cher ministre, je me hâte de vous transmettre la copie ci-jointe de la lettre que je reçois à l'instant du maréchal, afin que vous puissiez me donner votre avis sur ce qu'il demande, dans le plus court délai possible. Il demande qu'il soit ajouté à la promotion actuelle de pairs:

1o Le général Deponthon (fait); 20 Le général Rapatel ;

30 Crignon de Montigny.

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Voici Bresson, convaincu comme moi, que c'est vers les fils de Don François de Paule qu'il faut diriger nos efforts, en se mettant à l'œuvre. Je l'ai déjà poussé et je continuerai de le pousser dans ce sens. Nous retrouverons bien là aussi un embarras. Londres pour Don Enrique, nous pour le duc de Cadix. Toujours la même lutte entre les progressistas et les moderados, et toujours les mêmes patrons pour les deux partis. Evidemment le due de Cadix vaut infiniment mieux pour la Reine, pour l'Espagne et pour nous. Je ne crois cependant pas que nous devions le proposer à Londres nominativement et par préférence à son frère. Ce qu'il faut proposer à Londres, comme objet de notre appui commun à Madrid, ce sont les fils de Don François de Paule. La reine d'Espagne et son gouvernement choisiront celui qui leur conviendra le mieux. Tant que les modérés seront au pouvoir et la reine Christine à Ma

Mon avis est d'accorder, et je crois que la lettre même du maréchal vous fera pressentir l'inconvénient qui pourrait en résulter, d'autant plus que quelques paroles que j'ai recueillies, à la vérité indirectement, me font craindre qu'il n'y ait dans l'intérieur du maréchal des excitations à une démission que, selon la voie indirecte, ses bons sentiments lui font ajourner, au moins jusqu'après les élections ou la petite session, mais que l'humeur d'un refus ferait assez probable-drid, nous sommes bien sûrs que, s'ils acceptent cette ment donner avec un éclat motivé sur ce refus; et assurément l'inconvénient d'ajouter deux ou trois nominations à une liste que j'aurais préférée moins nombreuse, ne vaut pas celui de la démission du maréchal. Je dis deux ou trois, parce que, si les deux nominations de mandées par le maréchal sont effectuées, je me crois obligé, par ce qui a été dit antérieurement, à y ajouter celle de M. de la Tourette, et, en outre, par égard pour M. Théodore de Lameth, qui le regarde comme son fils, et qui me dit toujours que cette nomination doit remplacer celle que depuis longtemps j'aurais faite de lui-même, s'il eût été dans les catégories.

Les dernières ordonnances du maréchal me parviendront certainement demain au soir ou, au plus tard, mardi matin, et comme d'ici là, j'aurai reçu aussi votre réponse à cette lettre, rien n'empêchera, si vous concourez à ma conclusion, que la promotion totale paraisse dans le Moniteur du mercredi, puisque cette fois nous pourrons considérer le contre-seing du maréchal comme acquis à ces dernières nominations, et nous dispenser de l'attendre pour les publier. Ce sera vingt-cinq nominations, au lieu de vingt-deux, et je crois qu'il n'y a pas à hésiter. Mais j'attends votre avis, avant de répondre au maréchal et de rien décider. Nous verrons d'ailleurs d'ici là ce qu'il aura répondu à l'envoi que je lui ai fait des ordonnances de lundi dernier.

combinaison, ils choisiront Cadix. Si les progressistes devenaient les maîtres, ils choisiraient Don Enrique. Nous ne pouvons éviter cette chance,

Maintenant, faut-il aller droit, et sans perdre de temps, à lord Palmerston, et lui proposer que la France et l'Angleterre agissent en commun et nettement à Madrid, pour engager la reine d'Espagne et son gouvernement à vider sans délai la question du mariage au profit de l'un des fils de Don François de Paule, celui qu'ils préféreront? Je suis enclin à le penser. C'est le meilleur moyen de couper court à l'inengager. Il lui sera bien difficile de ne pas s'engager trigue Coburg et d'empêcher lord Palmerston de s'y au contraire tout de suite dans la combinaison que nous lui proposons et que l'Angleterre a toujours préférée. J'attends, cependant, avant d'écrire à Jarnac, quelques indications de lui sur ses premiers entretiens avec lord Palmerston et sur les dispositions dans lesquelles il l'aura trouvé,

Si nous faisions cette démarche, il y aurait fort à prendre soin de la loyauté de notre altitude envers Naples pour Trapani, et aussi des chances possibles de Montérnolin dans l'avenir, si les fils de Don François de Paule ne réussissaient pas. Nous devons ne délaisser aucune des combinaisons de notre principe, les descendants de Philippe V, et nous montrer toujours prêts à adopter celle qui sera possible. On peut faire

Il me tardera de recevoir votre réponse et de savoir très-convenablement des réserves en faveur de Trapani que vous avez fait un bon voyage.

Bonjour, mon cher ministre,

LOUIS-PHILIPPE.

et de Montémolin, si la chance leur revenait.

Je prie le Roi de me donner sur ceci son avis et seş instructions. Je n'écrirai rien avant de les connaître. Voici deux lettres de lord Aberdeen et de sir Robert

Je suis avec le plus profond respect, Sire, de Votre Majesté, le très - humble et très-fidèle serviteur et sujet.

Sire,

AU ROI.

GUIZOT.

Val-Richer, jeudi 16 juillet 1846.

Peel qui n'ont qu'un intérêt personnel. Je les envoie | Deux choses nous importaient l'une que Narvaez fût toujours au Roi. bien convaincu de la hienveillance du Roi et de son gouvernement pour lui; l'autre qu'il connût bien la pensée du Roi dans la question du mariage, surtout sa pensée actuelle pour le duc de Cadix et qu'il s'engageât envers nous dans ce sens. Ce double but est atteint. Prenons garde maintenant de trop effaroucher la reine Christine, et son cabinet, et même un peu Londres, où l'on n'aime pas Narvaez, par son retour trop précipité, et trop évidemment imposé de notre fait à Madrid. Il conviendra, je pense, qu'il y retourne avant l'ouverture des Cortès; et il faudra alors que la réconciliation se fasse entre lui et M. Mon, car je persiste à croire l'alliance de ces deux hommes nécessaire pour qu'il y ait un peu de gouvernement en Espagne. Mais, pour le succès même, il importe que ces choses-là arrivent naturellement, à leur moment, et que nous n'ayons pas l'air de courir après. Je vais faire dire à Narvaez ce qui peut lui faire prendre un peu patience. Au fait, il s'amuse à Paris et y passera encore volontiers quelques semaines. J'ai auprès de lui quelqu'un qui est arrivé de Bayonne presque en même temps que lui, et qui le voit tous. les jours.

Voici Bresson, Jarnac et Rossi. Le Roi sera content des nouvelles de Rome. Nous avons pris là une position qui ira se fortifiant tous les jours, et dont nous tirerons parti dans bien des occasions.

Moi aussi, j'aimerais beaucoup mieux que SainteAulaire n'eût pas entamé l'Espagne avec lord John et lord Palmerston qui ne lui en parlaient pas. Le tact est rare. Pourtant je suis bien aise que lord John ait eu cette occasion de se montrer avec nous, dès le premier moment, plus ouvert que lord Palmerston. Il y aura bien des ménagements à garder pour parler à l'un d'affaires étrangères sans blesser l'autre. Cependant, il faudra bien le faire quelquefois.

Si le Roi, en lisant les articles des journaux espagnols que m'envoie Bresson, trouvait quelque remarque importante à faire, je le prie de vouloir bien me la faire connaître. Il est essentiel que cette polémique soit bien conduite.

Le Roi est bien bon de prendre tant d'intérêt à mon repos ici. J'en ai grand besoin et j'en jouis beau

coup.

Je suis, avec le plus profond respect, Sire, de Votre Majesté, le très-humble et très-fidèle serviteur et sujet.

GUIZOT.

P. S. Voici une ordonnance que je prie le Roi de vouloir bien signer. Elle complète les croix accordées à la légation de Chine, dont M. Xavier Raimond était T'historiographe. Comme sa qualité d'attaché à la légation du Roi en Chine n'est pas mentionnée dans le projet d'ordonnance qu'on vient de m'envoyer, je le renvoie à M. Génie, qui le fera rectifier, et aura ensuite l'honneur de le transmettre au Roi.

Sire,

AU ROI.

Quant à la reine Christine, il convient, ce me semble, de la laisser un peu tranquille, en la poussant de bonne grace dans la voie où nous l'avons fait entrer par un coup bien appliqué.

La lettre de Jarnac indique, dans lord Palmerston, des dispositions un peu vaguement bonnes et assez timides. C'est la timidité qui m'en plait. Tout le monde se concerte autour de lui pour le surveiller et le contenir, lord John, le duc de Bedford, lord Lansdowne, même sa femme. Pourvu seulement qu'il n'en prenne pas trop d'humeur, et ne s'applique pas à attraper ses duègnes. Il n'y aura guères, entre nous et lui, qu'un mariage de raison, mais on peut, même là, faire bon ménage.

J'écris à Londres, Madrid et Naples, partout dans le sens convenu.

La promenade méditerranéenne de Monseigneur le prince de Joinville me paraît bien combinée. Je suis charmé que Monseigneur le duc d'Aumale soit revenu d'Algérie bien portant et content. L'apparition devant Tunis a très-bien fait.

J'espère que le Roi aura enfin eu le temps d'écrire Val-Richer, dimanche 19 juillet 1846. à la reine Victoria. Je regrette beaucoup d'ajouter

encore aux charges de sa correspondance, mais j'avais vraiment un bien grand besoin de repos, et j'aurai hesoin de forces pour la campagne prochaine. J'ai hon espoir pour les élections, mais ce sont des victoires qui préparent des batailles.

Voici des lettres de Bresson et de Jarnac qui conviendront au Roi. Il verra qu'à Madrid et à Londres, nous avons recommencé à marcher, et dans le bon chemin. It verra auss que j'avais aéjà parié à Bresson | de Narvaez et de son retour désirable à Madrid. Je Je suis avec le plus profond respect, Sire, de Votre lui en reparlerai demain. Mais je crois qu'il faut laisser Majesté, le très-humble et très-fidèle serviteur et Bresson juge de la façon de s'y prendre et du moment. sujet.

GUIZOT.

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TABLE DES MATIÈRES DE LA SESSION DE 1844,
Par M. Lingay (1).

QUESTIONS QUI SERONT AGITÉES DANS LA DISCUSSION DE L'ADRESSE, OU DANS CELLE DES FONDS SECRETS OU PAR SUITE D'INTERPELLATIONS.

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Pêcheries. On a publié, dans les journaux, des récits monstrueux de mauvais traitements éprouvés par les pêcheurs français à Terre-Neuve. On demandera des explications.

III.

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Sardaigne. Le traité de commerce et de navigation, récemment conclu, est aussi un succès à faire valoir.

Affaire du Marabout. Cette affaire trouvera sa place, à travers ces explications. Le Constitutionnel du 24 décembre dernier aurait mérité une saisie. Ambassade en Chine. L'opposition attaquera ce qu'elle appelle l'exagération de cet appareil diploma-mée du traité, s'il avait été conclu. tique, et la parcimonie des moyens mis à la disposition des délégués du commerce.

Belgique. On n'en insistera que plus sur le traité avec la Belgique, quoiqu'on en désespère, car il paraît qu'elle se rejette sur l'Allemagne. Mais l'opposition se fera une arme de ce résultat, comme elle se serait ar

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Angleterre. Même tactique à ce sujet. L'opposition veut ou ne veut pas d'un traité de commerce, selon que le Gouvernement se montre disposé à traiter ou rompre.

M. le ministre du commerce a même fait beau jeu aux opposants, sur ce point, dans ses conversations avec les dé-à légués et avec des négociants qui ont refusé cette mission. Orient; Servie; Jérusalem; Tunis; Égypte; Maroc. Le ministre a de nobles explications à donner sur l'action de M. de Bourqueney à Constantinople;

Sur la modération dont la France a fait preuve en Servie, modération qui a fait rougir le czar;

Sur toutes ces questions, on peut dire que des traités d'ensemble offrent de graves inconvénients, tandis que des conventions partielles, faites de temps à autre sur tel objet des tarifs et à titre de concession mutuelle, semblent plus praticables et plus favorables. C'est ainsi que le ministère a procédé jusqu'à présent, et ce

Sur l'éclatante satisfaction reçue pour l'insulte faité mode est plus généralement approuvé. à Jérusalem;

Grèce. Le rôle de M. Piscatory a été digne et Sur les excuses que le bey de Tunis vient de faire à franc. Ce sera un thême heureux de discussion pour le notre consul et à notre marine.

Quant au Maroc, il faudra une démonstration plus sérieuse que l'envoi d'un aide de camp du maréchal, pour ôter son appui aux restes d'Abd-el-Kader. On a même tardé. Abd-el-Kader n'a plus que cette retraite; il est temps de la lui couper.

(1) Voir précédemment pages 140 et 155.

cabinet.

Il s'élèvera des plaintes sur des actes de piraterie commis dans la Méditerranée par de petits corsaires grecs. Il est bon de recueillir des renseignements à ce sujet, et de pouvoir annoncer que des mesures de répression ont été ordonnées.

Troubles de Bologne. - Dissipés sans intervention

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Abolition de l'esclavage. Cette question pourra prendre place dans les débats sur le droit de visite, car on ne pense pas que le Gouvernement songe à proposer aux Chambres les projets préparés par la commission de M. de Broglie. Il n'y a pas de majorité pour ces idées.

Espagne; Espartero; Christine; Don Carlos; Mariage d'Isabelle II. - La politique du 29 octobre a été justifiée de la manière la plus éclatante par la chute d'Espartero, par la réaction morale qui s'est déclarée dans le pays, par le mouvement d'opinion qui a proclamé la majorité de la Reine, par le retour de confiance qui se manifeste en faveur de la France, dont la sagesse est appréciée.

Cette politique expectante, que l'on accusait de malhabile, a fait tomber Espartero.

Quant au mariage de la Reine, qui terminera les affaires, on doit l'espérer, la déclaration de M. Guizot subsiste elle n'épousera qu'un Bourbon; et l'on ne voit pas s'élever en Espagne une prétention contraire. La France a trouvé une solution ingénieuse dans un prince napolitain.

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France ne doit rechercher aucune occasion de contact avec elle. Il faut montrer au czar qu'on peut se passer de lui. Sous ce rapport, la visite de la Reine d'Angleterre au Roi des Français a dû produire un grand effet diplomatique. L'alliance anglo-française est la plus sûre garantie de la paix du monde. Rien ne prévaudra contre elle. Il est temps que la Russie le comprenne bien. Il faut qu'elle sache que l'on se contente du congrès tenu à Eu. Et maintenons la phrase sur la Pologne; elle se retrouvera plus tard.

QUESTIONS DE POLITIQUE INTÉRIEURE ET D'ADMINISTRATION.

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Présidence de la Chambre. Plus on approche de l'ouverture de la session, plus la candidature de M. Dupin semble se dessiner.

Elle a une signification universitaire antijésuitique et antilégitimiste qui s'adapte à la circonstance. Cette présidence sera aussi d'un grand secours dans les débats sur la dotation.

Si l'opposition essaye de se faire un drapeau de ce nom, raison de plus pour le Gouvernement de le lui arracher.

M. Dupin s'est plaint de la neutralité malveillante des Débats, mais surtout des attaques sans mesure du Globe. Ce journal, à mon sens, est un danger. Nous savons tous quel mal le Drapeau blanc a fait à la Restauration, et c'est la même violence pour une cause qui n'en n'a pas besoin, car nous avons raison.

Gardons le langage qui convient au bon droit; laissons l'injure aux factions. J'exprime ici la pensée d'un

Le mariage d'Isabelle marquera le terme de la capti-grand nombre d'amis sincères du Gouvernement. vité de Don Carlos.

La rentrée de la Reine-mère en Espagne doit être subordonnée au mouvement des affaires et des esprits. Le Gouvernement français a sans doute le droit de se faire écouter par elle. On a si souvent compromis les destinées de ce pays par de fausses démarches, qu'on ne saurait trop mûrir ses déterminations.

Toute réflexion faite, j'ai vu des esprits distingués, qui, après avoir souri à l'idée du mariage de la Reine Isabelle avec M. le duc d'Aumale, revenaient à l'idée contraire, et ne croyaient pas qu'il en résultât pour la France un aussi grand avantage, que d'une haute position politique et militaire attribuée à ce prince en Algérie. Le duc d'Aumale, vice-roi d'Alger, chef de la partie militante de l'armée française, serait, à un jour donné, un appui merveilleux pour son frère Régent, pour son neveu Roi, si des événements graves éclataient à cette époque.

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Pèlerinage de Londres. On s'attend à une levée de boucliers sur ce scandale, et il est fort désirable qu'on s'explique solennellement. J'avais rêvé un moyen, sans doute insolite, mais d'autant plus frappant, de provoquer une démonstration décisive. C'était d'amener le comte de Paris à la séance royale, au milieu de ses oncles, et d'introduire dans le discours du trône une phrase conçue à peu près dans ces termes : « L'avenir, a Messieurs, c'est la Charte de 1830, c'est la foi du <«< serment, c'est l'enfant que voilà. » J'espérais un grand effet de cette démarche sur une assemblée française toujours inflammable. La Chambre eût fortifié par son adresse ces paroles simples et fermes, et la discussion sur ces mots : la foi du serment, eût amené les explications avec les légitimistes.

A-t-on cru que c'était donner trop d'importance aux extravagances de Londres? Mais les légitimistes ne s'en tiendront pas là. D'ici à un ou deux ans, ils feront bien sûrement autre chose, et il faudra bien prendre un parti à leur égard. Un journal anglais disait qu'ils étaient incapables même de perdre un Culloden; mais ils se serviront des 3 millions que leur fournira la vente de Chambord? Dira-t-on que le comte de Paris était trop jeune pour apparaître ainsi devant les Cham

bres, et qu'il doit rester jusqu'à sept ans dans le giron | sa fameuse phrase, il y a quelque chose à faire sur la des femmes? Ces questions d'étiquette ne sont plus de définition de l'attentat. saison. Ou il faut montrer le jeune prince à la France cette année, où il faut renvoyer cette présentation à trois ou quatre ans. Si nous avions le malheur de perdre le Roi prochainement, les ministres ne regret teraient-ils pas que le prince royal n'eût pas été présenté par Sa Majesté elle-même à l'adoption des Chambres? Le Régent le leur présentera sans doute; mais est-il placé pour cela dans des conditions aussi avanta geuses que le Roi? L'occasion était belle, on pouvait en profiter; les légitimistes eussent été furieux, et cette fureur même les aurait poussés peut-être à quelque nouvelle sottise dont on eût tiré parti. Toute lutte avec eux, du vivant du Roi, sera pour nous une victoire.

Une sagesse devant laquelle je suis accoutumé à humilier mes opinions a jugé que le moyen était extrême et trop solennel.

Il est toujours à souhaiter qu'un mot du Roi sur le serment provoque une phrase dans l'adresse.

Un député m'a communiqué son intention de déposer une proposition qui établirait « pour l'avenir, la « déchéance des droits politiques pour tout pair ou déa puté qui ferait une démonstration en faveur d'un a prétendant. Le fait serait apprécié, et la peine pro« noncée par celle des Chambres à laquelle appartien« drait le prévenu. » Nous devons revenir ensemble sur cette idée.

On parle d'un autre député qui cherche vingt-neuf collègues signataires pour proposer, lui trentième, l'exclusion des députés qui ont fait le pèlerinage de Londres. Tous les esprits sont préparés à cette lutte; voilà pourquoi je souhaitais qu'on l'exploitât le plus largement possible. Le Gouvernement est si fort de la modération qu'il a gardée envers un parti vaincu et indocile! Son rôle est si avantageux! Il peut si bien se poser! La politique ne crée rien, n'invente rien; toute la politique se réduit à savoir profiter.

M. Berryer raconte qu'il est allé là-bas pour des affaires d'intérêt de la duchesse. Il a été médiocrement satisfait. Dans un grand dîner, on m'a mis, dit-il, au bout de la table, comme un avocat. Le duc de Bordeaux lui a seulement gagné dix-huit louis au lansquenet. Leur jeu même est de l'ancien régime.

M. de Preigne n'y est allé que par respect pour l'héritage qu'il attend de M. de Gras-Préville.

Le pèlerinage de Londres est une heureuse préface pour la dotation.

Réformes électorale, parlementaire, et des lois de septembre. On doit croire que l'opposition, si complétement battue sur ces trois points dans les dernières sessions, ne se donnera pas le désavantage et le ridicule de chercher cette année une nouvelle défaite. Il n'y a donc guère à se préoccuper de ces questions, à moins que M. Teste, député, ne songe à faire revivre

Conflit des maires avec quelques conseils muniripaux. M. Giraud et M. Berger. Je n'ai rien à dire à M. le ministre sur le fond de la question; il la pošsède mieux que quiconque. On ne sortira peut-être de ces taquineries, qui pourraient devenir contagieuses (dans un pays de mode et d'imitation), que par une disposition additionnelle à la loi de 1831, incomplète sous ce rapport, parce qu'elle n'avait pas prévu l'absurde. La gauche ne manquera pas de faire, dans cette discussion, une sortie maladroite en faveur de M. Berger. Le ministre aura beau jeu dans ces débats, quand il opposera à l'exiguë minorité des conseils dissidents; l'immense majorité des municipalités loyales et dévouées que les dernières élections ont produites; les élections des officiers de la garde nationale et des candidats aux mairies de la capitale sont aussi une éloquente réponse aux élections parlementaires que l'on a surprises, en 1842, au département de la Seine, à la faveur de l'émotion factice, créée par une question de parti.

Le ministère sera là sur un excellent terrain, et on se fie à la parole ferme et mesurée de M. le ministre de l'intérieur, pour en tirer de grands avantages.

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Fortifications de Paris. J'ai remis au ministère la proposition qu'un membre de la gauche avait préparée dans le temps contre l'armement des forts. Il ne s'agissait de rien moins que de la peine de mort contré tout militaire, quel que fût son grade, qui ordonnerait ou exécuterait cet armement hors le cas de guerre, et les soldats étaient autorisés à tirer sur lui. J'ignore si la gauche s'en emparera, en l'absence de son auteur. Mais son exagération la rendrait peu dangereuse.

Je crois que, dans la disposition des esprits, il faudra se montrer de bonne composition, cette année, sur l'extension des travaux; se renfermer dans les limite les plus étroites de la loi; ne pas anticiper sur les con séquences naturelles et nécessaires de cette œuvre, qu'il est important de mener à fin. On n'obtient heaucoup qu'en demandant peu à la fois. Les travaux sont fort avancés, on arrivera à temps, et c'est quand le gros œuvre sera terminé complétement, qu'on demandera les moyens de l'utiliser.

Le ministère de la guerre allait trop vite. Il faut le modérer.

Effectif de l'armée. Il en est de même de la question de l'effectif. Il y avait moyen de tout concilier en sacrifiant des chevaux de trait d'artillerie qu'on retrouvera toujours en un mois, dans les campagnes, quand il en sera besoin, et de conserver des fantassins qu'on a besoin de former. Nous avons 14,000 chevaux de train, pour ne pas tirer un coup de canon. Il y a à Paris un régiment du train, dont tout l'emploi est de porter les fourrages de Bercy, où on à placé les maga

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