PRÉFACE.

J'ai toujours aimé les documents historiques et les autographes curieux, et je dois reconnaître que les révolutions ont merveilleusement servi cette passion, cette manie, si l'on veut. Après 1830, j'ai fait paraître, sous le titre de Revue rétrospective, un recueil auquel les événements qui venaient de s'accomplir fournirent un contingent assez intéressant pour contribuer à valoir à cette collection une place dans les bibliothèques. Février 1848 ne m'ayant pas moins bien partagé, je reprends aujourd'hui cette publication interrompue.

Déjà le Moniteur universel a inséré un Rapport de M. Boucly à l'ex-ministre Hébert sur des détournements commis dans les bibliothèques publiques. Ce document faisait partie d'une liasse où se trouvaient également les pièces renfermées dans la livraison que nous publions aujourd'hui. Ces papiers ont été, pendant le combat, enlevés du cabinet du secrétaire de M. Guizot. Quelques-uns sont tombés entre mes mains; je ne les regarde pas comme ma propriété. Le rapport si honorable du chef du dernier parquet a été déposé aux Archives du Ministère de l'Instruction publique. Je déposerai également aux Archives des départements ministériels qu'elles pourront intéresser, et immédiatement après leur impression, les pièces qui me restent à publier.

En procédant ainsi, j'aurai la confiance de concilier les droits du gouvernement avec les intérêts de l'histoire, comme avec les garanties de la défense que voudraient faire entendre les personnages qui se succéderont dans cette galerie.

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HISTOIRE.

I.

Affaire du 12 Mai 1839 (1).

[Le document qu'on va lire porte pour titre : DÉCLARATIONS FAITES PAR DEVANT LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR, Comme ce document n'est pas signé, nous ne nous croyons pas suffisamment autorisé à reproduire ici un nom qui n'est pas laissé en blanc sur la pièce que nous avons sous les yeux.

Les citoyens qui ont figuré dans cette affaire, et qui seuls pouvaient en avoir le secret ici révélé, verront s'ils ont à se livrer aux investigations et aux recherches nécessaires pour savoir à qui doit incomber la responsabilité de ces révélations. Ce n'est pas notre affaire.

C'est pour nous, ce sera pour nos lecteurs une page curieuse d'histoire contemporaine, quel que soit le nom dont on doive la signer.]

22 octobre 1839.

J'avais peu de rapports avec lui : je me rappelle cependant un fait remarquable. Le 28 juillet, jour de l'attentat de Fieschi, Pépin vint à moi, à onze heures et demie, sur la place de l'Estrapade, et me frappa sur l'épaule : « Il

:

L'origine de la Société des Familles remonte à juin 1835; elle a pris naissance pendant le procès des défenseurs des accusés d'avril. C'est moi qui en ai été le créateur. Elle prit un déva y avoir un grand coup, me dit-il; on va veloppement rapide dans les derniers mois de « tirer sur le roi il y a une machine qui doit 1835. La moyenne des introductions était d'en« lancer beaucoup de projectiles. » Je lui réviron deux cents par mois. Le nombre compondis qu'il fallait prendre garde, qu'on poumença à diminuer en février 1836; la pre-vait bien s'exposer à tuer des innocents, des mière ardeur était calmée. Pépin était membre de cette société; il n'y a pas exercé de rôle actif : il n'y a fait recevoir qu'une seule personne. (1) Déposé par nous aux archives du ministère de l'Intérieux; je n'étais au courant de rien de sem

rieur,

gens qui n'étaient pas de la revue; que cela ferait mauvais effet. Il ne me donna aucun détail; je ne pris pas, du reste, ses paroles au sé,

blable. Pépin me demanda de mettre la Société

sous les armes. Je lui répondis que le temps | se développa rapidement; les soldats des Fa

manquait, qu'on ne pouvait pas ainsi en un moment organiser une prise d'armes. Après avoir quitté Pépin, j'allai chez Barbès, qui ne savait rien. L'instruction de la chambre des pairs s'est trompée sur ce point. Ce qui montre que j'ignorais l'attentat, c'est que j'envoyai ce jour-là sur le boulevard, pour voir la revue, mon enfant avec sa nourrice.

Le premier incident qui marque ensuite dans la Société des Familles, c'est le procès de la rue de l'Oursine. A cette époque, il était entré à peu près douze cents hommes dans l'associa tion; mais l'effectif prescrit n'était que d'environ sept cent cinquante. Il n'a jamais existé de liste des Sociétés; la justice s'est trompée lorsqu'elle a cru avoir saisi chez moi des listes de sociétaires : ce n'était que des listes de personnes présentées, et dont je m'occupais de régler l'admission. Vous connaissez l'organisation des Familles ; elle était formée par groupes de cinq personnes. Le 4 septembre 1836, il devait y avoir un coup de main : les ordres furent donnés, mais la tentative échoua. Personne ne vint au rendez-vous. Les chefs ne purent réunir qu'un très-petit nombre de soldats.

milles rentrèrent dans les Saisons. L'organisation fut commencée en juin 1837. Au commencement de 1838, on comptait six à sept cents hommes. Le premier objet dont on s'occupa fut la confection des cartouches. Vous vous rappelez la saisie de 18 livres de poudre chez Danguy, imprimeur. Raisant avait fourni l'argent pour acheter cette poudre. Un des sociétaires la remit dans la rue à Lamieussens; celui-ci la porta chez Teissier, son compatriote et son ami, employé dans les bureaux de la préfecture de police. Danguy fut chargé d'aller la chercher chez Teissier: celui-ci nous avait livrés.

Depuis 1835, il n'y a pas eu dans les sociétés de complot contre la vie du roi : je les ai tous supprimés. Ce n'était pas par intérêt pour le roi: je lui faisais la guerre, et je n'aurais pas été fâché qu'il fût atteint d'un coup de fusil; mais je regardais l'exécution comme impossible. Je ne comprends même pas comment le complot de Fieschi, conduit par des hommes aussi dénués d'intelligence, a pu être mené à fin. Le complot de mademoiselle Grouvelle m'a toujours paru une niaiserie; je le connaissais depuis six mois : la police ne pouvait pas l'ignorer. J'ai toujours fait repousser les propositions de ce genre qui nous ont été adressées, les regardant comme de pures folies. — Nous n'avons pas eu connaissance du projet d'Alibaud. C'était une affaire tout à fait isolée. L'assassinat ne peut pas être l'objet d'un com

A cette époque, l'association, privée de ses chefs qui étaient dans les prisons, tomba dans des mains subalternes, et n'avait presque plus de consistance. L'amnistie rendit aux chefs leur liberté. Ils résolurent sur-le-champ de recommencer, et se remirent à l'œuvre sans perdre un instant. C'était Raisant, Lamieus-plot. Il n'y a de chance de succès que pour les sens, Martin Bernard et moi. Raisant avait une certaine influence à cause de sa fortune; il avait sept à huit mille francs de rente. La lutte s'engagea aussitôt avec les chefs subalternes qui s'étaient emparés de la Société des Familles Baudin, Villecoq, Seigneurgent, Voiturier, Carmon, Fonberteau, Bastel, etc. Ces gens-là étaient placés sous le patronage de Deschapelles dont ils allaient manger les diners. Nous étions en hostilité sourde avec les hommes du National. C'est alors que je pris pour la Société nouvelle le cadre des Saisons. L'organisation est connue. La Société

tentatives faites par un seul fanatique sans complices. Les essais de tir à la cible qui ont eu lieu chez moi n'avaient pas pour but de mauvais desseins contre la personne du roi; nous voulions essayer des fusils de chasse pour voir quelle serait leur portée dans un combat. J'ai reconnu dans ces épreuves qu'il fallait faire cent trente cartouches par livre de poudre et employer des balles de vingt-six à la livre.

Le caractère le plus remarquable dans toutes les Sociétés, c'est Raisant. C'est un homme en apparence d'un dévouement modeste, ce qui lui donne de l'influence, mais il a une ambi