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est heureuse d'être, de Votre Majesté, son affectionnée, | tent de l'avoir toujours loyalement servie, exigent de rerespectueuse et obéissante nièce.

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Lorsque les paroles prononcées dans la chambre des députés de France, le 27 mai, par M. Thiers, un de ses plus illustres membres, peuvent donner l'occasion de renouveler contre la Reine-mère d'anciennes et injustes accusations qui n'ont jamais eu d'autre fondement que l'ignorance de faits incompatibles par leur nature avec la publicité, il n'est pas possible de se taire plus longtemps; car, outre le danger de voir l'opinion publique s'égarer et se perdre dans le champ des conjectures, la reine-mère se voit attaquée dans ses sentiments personnels devant un corps respectable dont les discussions méritent, certes, d'avoir un écho européen. M. Thiers a affirmé sans hésitation, et sans le doute courtois que le sujet et la circonstance semblaient lui commander, « que la Reine-mère avait laissé naître dans son cœur une haine inqualifiable contre les fils de sa sœur, et que, dominée par ce triste sentiment, elle avait été chercher à Naples pour époux de sa fille le comte de Trapani. »

Tandis que l'aveuglement des partis a prêté à Sa Majesté la Reine-mère, dans cette grave affaire, des vues fondées sur des calculs politiques plus ou moins prudents, ou des affections de famille plus ou moins avouables, laisser au temps à répondre en face du profond silence de ceux qui, si facilement, pourraient défendre cette auguste princesse, aurait pour grave in- | convénient d'égarer infailliblement l'opinion publique, à cause de motifs qui touchent de si près à la dignité royale.

Aujourd'hui cependant que, parlant devant une chambre française du mariage de la reine d'Espagne, d'une question qui, pour être diplomatique, ne cesse pas d'être essentiellement nationale, M. Thiers a affirmé que sa plus funeste complication provenait de la haine nourrie dans le cœur de la Reine-mère, l'honneur de cette princesse et celui de tous ceux qui se flat

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pousser cette injuste accusation d'un sentiment mesquin et vulgaire, lancée contre une personne qui la mérite si peu, et comme Reine et comme femme. Certes, et comme mère et comme Reine, il lui est permis bilité de chacun des candidats à la main de sa fille; de juger librement de la convenance ou de l'impossimais elle n'a et n'aura jamais en vue que le bien de ce peuple qu'elle a gouverné un jour, et il n'y a que les plus hautes considérations d'intérêt public qui puissent lui faire écarter certaines candidatures. Mais, grâces au ciel, jamais ces difficultés diplomatiques et politiques ne seront augmentées par ces haines implacables qui ne se rencontrent pas chez cette illustre princesse, que sa célèbre infortune n'a pas fait repentir de sa clémence : la raison en est aussi simple qu'honorable, c'est que la Reine-mère ne sait point hair.

Instruite par une longue et douloureuse expérience, assistant du haut de sa grandeur au spectacle de nos malheurs, communiquant avec les hommes principaux que, dans ces diverses vicissitudes, chaque opinion envoyait auprès du trône comme sa fidèle expression, il n'a pu échapper à sa perspicacité que dans tous les partis il se rencontre des doctrines et des hommes qui méritent l'approbation; que tous ont eu leur jour de succès, de fautes et de disgrâces; que dans tous on trouve de la bonne foi, et que là où la bonne foi existe, la rancune des partis n'est qu'une erreur de plus qui chez le vulgaire occupe la place des croyances politiques, ou devient le facile recours des ambitions de bas étage. Et quand c'est là l'opinion de cette auguste princesse sur tous ces partis contraires, qui ont jeté tant de troubles dans le royaume, et dont peut-être pas un n'a manqué de l'offenser, en lui témoignant au moins de la méfiance, est-il croyable que ce sera à ses haines et à ses colères, et non aux plus hautes considérations de gouvernement, qu'elle sera venue demander de la diriger dans la grave question qui doit assurer le bonheur personnel de sa fille, et à laquelle le pays a attaché tant d'espérances de gloire ! La réponse ne saurait être douteuse, surtout lorsqu'on l'attend du jugement des Espagnols, et non pas de celui du député français.

Il y a vraiment de quoi s'étonner de ce que celui qui avait été chercher une explication si peu honorable de l'éloignement de Sa Majesté pour la candidature en question, ne soit pas plus exact dans sa positive affirmation que la Reine-mère a recherché avec ardeur un candidat napolitain à la main de sa fille. Il est étonnant que le sagace historien, versé si à fond dans la politique contemporaine, ait été chercher si loin l'origine et l'appui de la candidature qu'il déplore. Toutefois cette grave affaire, qui a ébranlé l'union si nécessaire de l'opinion modérée, et lui a fait perdre le nom de parti utile au jour de la lutte, recevra bientôt un solen

nel éclaircissement; et alors cessera pour cette auguste princesse un singulier martyr qu'on ne peut souffrir que sur les marches du trône, celui d'être calomniée sans pouvoir se défendre.

Certes, une énorme distance sépare l'illustre député français du modeste écrivain de ces lignes; mais lorsque la vérité est de mon côté, et que mon cœur me dit que la cause que je défends est noble et généreuse, je ne m'arrête jamais à considérer la qualité de mes ad

versaires.

Agréez, etc.

AN. M. RUBIO.

A S. M. LA REINE MARIE-CHRISTINE.

Neuilly, le 16 juin 1846.

Ma très-chère sœur et nièce, C'est avec un étonnement mêlé d'un sentiment que mon amitié pour vous m'empêche de vous exprimer plus distinctement, que j'ai lu la lettre que le secrétaire particulier du duc de Rianzares a fait insérer, signée de lui, dans les journaux de Madrid. Personne n'a pu méconnaître le but des insinuations que contient ce document sur l'origine de ce qu'il appelle la candidature de votre frère, le comte de Trapani, à la main de la reine, votre auguste fille. En effet, les discussions que la publication de cette lettre a fait surgir dans les journaux prouvent que personne ne s'y est mépris, et que le but de ces insinuations était non-seulement d'attribuer l'origine de cette candidature à moi personnellement, aussi bien qu'à mon gouvernement, mais encore de faire croire qu'elle vous avait été imposée par nous et contre votre sentiment ou votre volonté. Ces assertions sont trop fausses pour que je puisse les tolérer, et je viens vous demander d'en faire justice.

Je crois donc, ma chère nièce, devoir consigner ici des faits sur la parfaite exactitude desquels votre témoignage ne saurait m'être refusé.

Dans le temps où vous étiez ici au milieu de nous, et même avant que nous eussions avec vous ces fréquentes conversations, ces épanchements de confiance que nos sentiments mutuels nous rendaient si doux, vous ne cessiez de me témoigner votre désir que ce fût un de mes fils qui devînt l'époux de la reine Isabelle II. Vous me disiez que cette union était le vœu d'une grande majorité de la nation espagnole. Mais vous savez que, tout en vous témoignant combien j'étais touché de ces désirs, combien j'appréciais les suffrages d'une nation pour qui j'ai eu toute ma vie autant d'estime et d'affection, je vous déduisais fort au long les

raisons qui m'interdisaient d'accéder à ce vœu, et qui m'obligeaient de vous demander de l'écarter complétement de votre pensée. Je n'oublie point la peine que j'ai eue à vous les faire apprécier; mais pourtant j'ai réussi à vous convaincre qu'il fallait chercher une autre combinaison, et que celle à laquelle il était préférable de s'arrêter devait se trouver parmi les princes descendants de Philippe V. Ces princes étaient alors au nombre de huit mariables. Deux s'étant mariés depuis, ce nombre a été réduit à six, sur lesquels trois (les fils de don Carlos) se trouvaient dans une position déplorable, atteints par des lois qui, ne permettant pas de songer à eux, privaient l'Espagne des avantages politiques qu'on aurait pu espérer de la fusion des partis qui l'ont si douloureusement agitée. Ainsi, pour que l'époux de la reine fût choisi parmi les princes de race espagnole, qu'aucune loi, aucune renonciation, aucun traité n'avait privés de leurs droits éventuels à la succession du trône d'Espagne, le choix de la reine (au moins tant que l'exclusion des trois fils de don Carlos était vigente, en vigueur) devait se faire entre le duc de Cadix, le duc de Séville et le comte de Trapani. Vous savez, ma chère nièce, que, loin d'avoir cherché à détourner votre choix et celui de la reine, votre fille, des deux premiers, je vous ai dit constamment que je croyais que leur qualité d'Espagnols, nés et élevés en Espagne, leur donnait quelque avantage; que d'ailleurs, ayant vu moi-même de près et si souvent ces jeunes princes pendant leur séjour parmi nous, je les croyais dignes que le choix de la reine et le vôtre tombât sur l'un d'eux; mais vous m'avez toujours dit qu'il était naturel que vous leur préférassiez votre propre frère; nous avons même su que cette préférence avait été souvent exprimée par la reine, votre fille, et, dès lors, nous aurions cru manquer à nos devoirs d'alliés, de parents et d'amis, si nous n'avions pas contribué autant qu'il pourrait dépendre de nous, à faciliter une union que vous nous témoigniez désirer, et qui nous paraissait à nous-même aussi satisfaisante à tous égards.

Mais la pensée de rien imposer ni à vous, ni à la reine, ni à l'Espagne, n'a jamais approché ni de mon esprit ni de celui de mon gouvernement, et nous pouvons défier qui que ce soit d'en produire aucune trace. Néanmoins, je ne terminerai pas cette lettre sans appeler de nouveau votre attention, comme je l'ai déjà fait tant de fois, sur les dangereuses conséquences qu'entraînerait l'appel d'un prince entièrement étranger à l'Espagne à partager le trône de la reine, votre fille, ou à faire passer la couronne qu'elle porte dans une famille autre que la sienne. C'est dans son intérêt, c'est dans le vôtre, c'est dans celui de l'Espagne que je vous en répète solonnellement le conseil. Ce n'est pas moins dans celui de la France, si éminemment intéressée tant à la grandeur et à la prospérité de l'Espagne qu'à la conservation de cette amitié bienveillante qui les unit aujour

d'hui, et qui est à la fois si précieuse aux deux pays et si nécessaire au maintien de la paix et du repos du monde.

Veuillez, ma très-chère nièce, être mon interprète auprès de la reine et de l'Infante, vos bien aimées filles, en leur exprimant, de ma part, tous mes vœux pour leur bonheur et les sentiments d'affectueuse amitié que je leur porte du fond de mon cœur, et croyez toujours pour vous-même à la sincérité des sentiments avec lesquels je suis, ma très-chère sœur et nièce, de Votre Majesté, le très-affectionné frère et oncle.

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J'ai reçu hier, par M. de Bresson, la lettre que Votre Majesté a bien voulu m'adresser en date du 16 de ce mois. Si toutes les fois que je reçois cette marque de votre bonté j'éprouve la plus vive satisfaction, je ne peux pas vous cacher, mon cher oncle, que celle que je viens de recevoir m'a fait éprouver en même temps un grand mélange d'amertume, parce que j'aperçois dans vos paroles que votre cœur était irrité et blessé des expressions et de la polémique que dans différents journaux avait fait naître l'article que mon secrétaire, M. Rubio, avait écrit. Son intention, en écrivant cet article, a été pure. Jamais il n'aurait écrit si un député (sic), qui a eu le bonheur de vous approcher et d'être votre ministre, n'avait osé prononcer à la chambre des députés

je chercherai dans son mariage. Un prince qui rende heureuses l'Espagne et ma fille, c'était et c'est mon principe. Si un Bourbon réunit ces qualités, je le préfère; sinon je préférerais un autre prince, car mon devoir est de regarder cette question comme mère et comme Espagnole. Je ne doute pas que votre excellent cœur de père et votre amour à la France vous feront trouver justes ces sentiments dans un cœur d'une mère et d'une Espagnole, et que vous êtes sûr que pas d'autres intérêts, pas des inimitiés, font agir de cette manière votre nièce, comme on a voulu le faire croire. Un prince catholique, bon religieux, moral et instruit, voilà ce que je désire pour mon Isabelle; toutefois qu'elle soit contente du choix, car je ne conçois pas qu'une mère aie le droit d'ôter à sa fille la liberté dans une pareille circonstance. J'en appelle à votre excellent cœur, si je puis faire autre chose.

Vous me dites dans votre lettre que jamais ni vous, ni votre gouvernement aviez eu la pensée de rien imposer, ni à la reine, ni à l'Espagne, ni à moi, et que c'est comme conseil pour notre intérêt, pour l'intérêt de l'Espagne et de la France, que vous me dites que le mariage de ma fille se fasse avec un Bourbon. Je serai très-heureuse si ces intérêts peuvent être conciliés, car je ne cède à personne en désir de voir ces deux nations prospérer toujours unies.

Je remercie Votre Majesté des sentiments qu'elle m'exprime pour mes filles chéries, et je viens lui offrir leurs hommages Croyez, mon cher oncle, aux sentiments affectueux que nous vous professons, avec lesquels je suis, mon très-cher oncle, de Votre Majesté, la très-affectionnée et obéissante nièce.

MARIE-CHRISTINE.

de France des paroles qui ici peuvent être interprétéesA SA MAJESTÉ LA REINE MARIE-CHRISTINE. dans un sens peu satisfaisant pour moi.

Vous le savez, mon cher oncle, la préférence qu'on avait donnée à mon frère Trapani, c'était le résultat des conférences d'Eu, et c'est à ce fait trop connu que M. Rubio a voulu se rapporter, et pas à d'autres choses, car il sait respecter les rois et les personnes royales, comme bon et vrai Espagnol.

Mon cher oncle, vous avez la bonté de me rappeler les différentes conversations que nous avons eues en famille sur l'affaire du mariage de ma fille. Là nos cœurs s'épanchaient; votre nièce parlait avec la franchise que votre bonté, votre amitié lui avaient permise. Oui, je rappelle avec peine que c'est là qu'on m'a fait voir la grande impossibilité d'un mariage entre ma fille et un des princes de votre famille. Dans cette union, je croyais voir le bonheur de mon Isabelle; et c'est seulement ce bonheur et celui de l'Espagne que j'ai cherché et que

Neuilly, 30 juin 1846.

Ma très-chère sœur et nièce,

que

Si la publication de M. Rubio a fait naître en moi des sentiments pénibles que j'ai cru devoir vous manifester, j'avoue que je ne trouve pas dans la lettre que je viens de recevoir de Votre Majesté la satisfaction j'avais réclamée d'elle. Vous me parlez des discours de M. Thiers, comme ayant nécessité de la part de votre secrétaire des explications publiques. C'est sans doute à vous seule qu'il appartient de juger de cette nécessité; mais il m'appartient à mon tour de trouver étrange que lorsqu'il est de la plus grande notoriété qu'il n'existe aucune solidarité quelconque entre M. Thiers et moi, et qu'il n'y en a pas davantage entre lui et mon gouverne

ment auquel il fait une opposition bien généralement connue, nous nous trouvions exposés à des assertions aussi fausses que celles dont j'ai cru devoir me plaindre à vous-même. Mais que voulez-vous que je pense aujourd'hui, ma chère sœur et nièce, quand je trouve la phrase suivante dans la lettre que vous venez de m'adresser?

« Vous le savez, mon cher oncle, la préférence qu'on « avait donnée à mon frère Trapani était le résultat des a conférences d'Eu, et c'est à ce fait trop connu que « M. Rubio a voulu se rapporter, et pas à d'autres cho« ses, car il sait respecter les rois et les personnes « royales, comme bon et vrai Espagnol. »>

Je dois vous rappeler, puisque ce qui précède me fait voir que vous n'en avez pas conservé un souvenir complet et exact, que la préférence donnée à votre frère le comte de Trapani remonte à une époque bien antérieure aux visites que la reine d'Angleterre a bien voulu me faire au château d'Eu; et je puis dire, à mon tour, que vous savez, ou au moins que vous ne devriez pas avoir oublié que vous nous aviez manifesté le désir de cette préférence avant l'époque où le roi de Naples, votre frère, a reconnu la reine votre auguste fille, et que c'est sur ce désir manifesté par Votre Majesté que nous avons entamé à Naples la négociation qui s'est terminée par cette reconnaissance.

Je dois vous dire en outre, ma chère nièce, que ces visites amicales de la reine d'Angleterre à Eu n'étaient nullement ce qu'on appelle des conférences dans le langage diplomatique; et quoique les deux ministres des affaires étrangères, qui se trouvaient à notre suite, aient naturellement profité de leur réunion pour s'entretenir des intérêts politiques des deux pays, cependant il est notoire qu'il n'en est sorti ni protocole, ni notification quelconque à aucune autre puissance, et qu'assurément le gouvernement espagnol n'en a reçu aucune des deux gouvernements dont les ministres se sont vus à Eu. '

vous et pour la reine, votre fille, ce n'était plus parmi mes fils qu'il fallait lui chercher un époux, votre première pensée se porta très-naturellement sur votre frère le comte d'Aquila, aîné du comte de Trapani, et que ce ne fut qu'après que le comte d'Aquila eut décliné les ouvertures qui lui en furent faites par le roi de Naples, conformément à vos désirs, et bien avant son départ pour le Brésil, que le roi de Naples se chargea de même de faire part au comte de Trapani de vos intentions à son égard. C'est donc en vain, ma chère nièce, que je cherche ce que pourrait être, et d'où pourrait venir le solemne esclarecimiento annoncé par M. Rubio, sobre el origen y el apoyo de aquella candidatura.

Mais ce que j'aime à vous dire après cela, ma bien chère sœur et nièce, parce que je le crois la vérité, c'est que, quand M. Rubio a composé sa réfutation des discours de M. Thiers, il n'a pas assez calculé la portée de ses insinuations et des sérieux embarras qu'il allait vous susciter, en s'efforçant de vous affranchir d'une participation, impossible à nier, à une candidature qui a été malheureusement, et, je crois, très-injustement, l'objet de tant d'invectives.

Vous me dites, ma chère nièce, que vous devez envisager la question du mariage de la reine Isabelle II, comme mère et comme Espagnole. Dans ma pensée, cette manière de définir vos devoirs est fort incomplète. Oui, sans doute, comme mère et comme Espagnole, j'y accède volontiers, mais pourtant avec le bien entendu que c'est surtout, comme étant la reine-mère de la reine régnante d'Espagne, et prenant en considération, dans toute leur étendue, les grands intérêts qui se rattachent à un acte d'une aussi haute importance. De pareils mariages ne doivent pas être réglés d'après les simples convenances qui peuvent régler les mariages de la vie privée. Il n'y a là qu'une seule alternative. Si le mariage d'une reine d'Espagne en son propre droit n'apporte pas à son trône une accession de force et de stabilité, soyez certaine qu'il l'ébranlera. Or, pour apporMais cette supposition de conférences tenues à Eu ter cette accession de force et de stabilité, il faut que le implique un contre-sens encore plus frappant que tous choix de l'époux de la reine ramène ou rallie autour de les autres; car si cette conférence avait eu réellement son trône les penchants et les affections de ces masses lieu, elle n'aurait été composée que de la France et de nationales que vous devez connaître mieux que moi, l'Angleterre, et alors il s'ensuivrait nécessairement que mais sur les dispositions desquelles vous n'avez sans si la préférence donnée au comte de Trapani sur tous doute pas oublié ce que vous m'avez dit tant de fois les autres princes descendants de Philippe V, était réel- dans nos conversations amicales. Il m'est d'ailleurs imlement sortie des conférences d'Eu, l'Angleterre aurait possible de ne pas voir à quel mariage s'appliqueraient concouru avec la France à cette prétendue coërtion précisément les conditions restreintes dont vous faites exercée envers l'Espagne et Vos Majestés, pour leur l'énumération dans votre lettre, comme vous paraissant imposer, en faveur du prince votre frère, cette préfé-suffisantes pour vous fixer sur le choix d'un époux pour rence qui, selon M. Rubio, vous aurait fait souffrir un martyrio singular.

Mais il y a encore à rappeler sur ce point un souvenir qui doit se retrouver dans votre mémoire, c'est que, lorsque dans nos conversations de famille je vous eus fait comprendre que, malgré toute notre affection pour

votre auguste fille. Eh bien! ma chère nièce, je vous dirai sur cela en toute franchise, que, si, d'une part, je vous porte à vous et aux vôtres l'affection la plus vive et la plus sincère, de l'autre, j'ai des sentiments analogues pour la famille où vous prendriez cet époux, et qui me tient par tant d'alliances chères à mon cœur ;

et que ce serait précisément comme ami, comme parent | constante qu'a et aura, pour Votre Majesté, qui lui baise la main et se dit de Votre Majesté la plus affectionnée et dévouée nièce,

et comme roi allié, que je ferais tous mes efforts pour les détourner des deux côtés de former une connexion dont les résultats seraient, selon moi, le contraire de ceux qu'ils se seraient vainement flattés d'obtenir. C'est parce que j'ai la conviction des funestes conséquences que cette union produirait pour l'avenir de la reine,

MARIE-CHRISTINE,

Ma très-chère sœur et nièce,

votre fille, pour celui de votre famille, et non moins A SA MAJESTÉ LA REINE MARIE-CHRISTINE. encore pour celui de la monarchie espagnole, que je n'ai pas voulu porter la responsabilité de mon silence dans une circonstance aussi grave, et qu'au contraire, j'ai voulu vous donner, avec toute la solennité que je puis y attacher, le conseil de vous en abstenir.

Croyez toujours à la sincérité de mes sentiments pour vous et à celle de l'amitié que je vous porte, et répétez à vos bien aimées filles que je les aime tendrement, et que l'objet constant de mes vœux et de mes efforts est pour leur bonheur et pour la prospérité de l'Espagne. Je suis, ma très-chère sœur et nièce, de Votre Majesté, le très-affectionné frère et oncle,

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J'espère que Votre Majesté pardonnera à mon constant dévouement si j'ose l'importuner avec cette lettre; mais mon cœur, qui lui est tout dévoué, verrait avec peine commencer la nouvelle année sans avoir le bonheur de lui renouveler les sincères sentiments qui l'animent, et lui souhaiter toutes les bénédictions du ciel. Daignez accepter, mon cher oncle, aussi les félicitations qu'à cette occasion vous présentent, avec leurs respects, le duc de Rianzarès et toute ma petite famille. Soyez sûr toujours de notre tendre et respectueuse affection, et que nous formons des vœux bien constants pour votre bonheur, et que cette nouvelle année soit pour vous et pour toute votre chère famille des plus heureuses, et qu'aucune peine, pour petite qu'elle soit, vienne affliger votre excellent cœur, attrister vos jours, que nous désirons soient bien longs pour le bonheur de tous, mais surtout de vos parents, dans le nombre desquels je suis fière d'appartenir.

Agréez, mon cher oncle, ces sentiments dictés par l'affection la plus tendre et par la reconnaissance la plus

Je suis bien touché des vœux que vous avez bien voulu m'offrir à l'occasion du renouvellement de l'année. Soyez bien sûre que ceux que je forme Majesté ne sont ni moins vifs, ni moins sincères. Vous pour Votre pouvez bien compter de même sur l'intérêt que je porte à votre petite famille, et je vous prie de bien remercier le duc de Rianzarès des bons souhaits que vous m'avez exprimés de sa part.

Quoique nous fussions toujours charmés de vous revoir ici, cependant je dois dire que je vois avec plaisir que votre séjour en Espagne se prolonge encore, parce que je crois que l'assistance de votre expérience et de votre affection maternelle est d'une grande utilité à la reine, votre auguste fille, ainsi qu'au roi, son époux, obsédés comme ils le sont par des tiraillements de toute espèce. C'est à ces crises, à ces ébranlements continuels qu'il faut tâcher de mettre un terme, et cela ne sera que par la formation d'un ministère à la fois dévoué à la reine et jouissant de la confiance de cortès qui, comme celles-ci, n'aient pas été formées sous l'action des éléments révolutionnaires. Que la paix et l'union règnent dans l'auguste ménage de vos enfants! Qu'ils n'oublient jamais que c'est pour eux le premier de tous les biens. Qu'ils suivent, j'ose le dire, comme vœu et comme conseil, l'exemple de leurs vieux parents et amis, la reine et moi, et qu'ils laissent à l'Espagne, comme nous la laissons à la France, une nombreuse Regia prole, qui garantisse la stabilité du trône de l'Espagne contre toutes les machinations des factions et des partis.

Je ne saurais terminer cette lettre sans vous dire combien notre nouveau ménage va bien. Ils se gouvernent à merveille et nous donnent la plus vive satisfaction. Nous aimons tendrement votre chère fille; nous espérons qu'elle est contente, et vous pouvez être certaine qu'elle a en France et particulièrement à Paris, un succès complet.

C'est de tout mon cœur que je suis, ma très-chère sœur et nièce, de Votre Majesté, le très-affectionné frère et oncle,

LOUIS-PHILIPPE.

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