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REVUE RÉTROSPECTIVE

No 5.

ON NE REÇOIT PAS D'ABONNEMENT. CHAQUE NUMÉRO SE VEND SÉPARÉMENT.

En payant six livraisons d'avance, on les recevra à domicile.

Paris. PAULIN, éditeur, rue Richeleu, 60.

LA DOTATION DU DUC DE NEMOURS.

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I.

[Le rejet par la chambre des députés, en février 1840, du projet de loi que le ministère du 12 mai avait consenti à présenter pour demander une dotation au profit de M. le duc de Nemours, n'avait pas découragé l'ex-roi, et nous trouvons dans les portefeuilles des Tuileries, comme dans les papiers dont M. Génie était le dépositaire, la preuve que la pensée et les efforts de Louis-Philippe s'exerçaient constamment à obtenir du ministère du 29 octobre la présentation d'un nouveau projet dans le même but.

C'est en 1843 et en 1844 que la pression royale paraît avoir été la plus forte.

En mai 1843, Louis-Philippe ayant redoublé d'insistance, la question fut sérieusement agitée dans le conseil des ministres, et M. Guizot y émit une opinion pour soutenir à la fois la proposition et pour tâcher d'en obtenir l'ajournement. Voici les notes au crayon, tracées de sa main, qui lui servirent à développer l'avis chaleureux à l'aide duquel il paraît avoir réussi à gagner du temps, tout en flattant la passion de l'ex-roi.]

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Histoire générale des apanages et du domaine de Liste civile abaissée de 20 à 18 millions.

la couronne.

-

Ajournement de la loi à la session suivante.

Le roi demande que le domaine de la couronne soit déclaré héréditaire pour le trône.

Dans toutes ces affaires-là, guerre déclarée à la royauté. On veut la miner en séparant le roi et la famille royale du pays.

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Le roi veut accepter cette guerre et changer l'état des Entre les deux manières d'engager la question: esprits.

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1° L'amendement n'a pas de force ni de dignité. Objection de forme. Question préalable. Vote annuel.

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[Ce que M. Guizot cherchait surtout à gagner, c'était

La royauté n'est pas tenable à ces conditions-là. Je suis du temps. Mais évidemment Louis-Philippe le ramedécidé à le dire et à le prouver.

Deux manières d'engager la question:

1° L'amendement au budget;

20 L'initiative royale.

nait continuellement à la question, et nous voyons, par une lettre de M. Lingay à ce ministre, datée de décembre 1843, que celui-ci se regardait à peu près comme contraint de condescendre à l'exigence royale. M. Lingay, exploitant la contrainte où le ministre se

Avant de choisir entre les deux, il faut se bien rendre trouvait, cherchait à lui faire croire qu'avec quelques compte :

10 Des chances de succès;

2o Des conséquences de l'échec en tout cas. Chances de succès.

sacrifices de la part du ministère, il était, lui, en mesure d'acquérir, pour le succès de la question, un certain nombre de voix de l'opposition. Il paraîtrait que M. Guizot ne demeura pas parfaitement convaincu

Dispositions du parti conservateur. — Il s'y attend peu. que la somme des sacrifices dût arriver à destination.

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Aussi, malgré cette ouverture, voyons-nous la session suivante s'écouler en grande partie sans que le projet favori des Tuileries trouve un moyen quelconque de se faire jour. Ce ne fut que dans le Moniteur Universel du 30 juin 1844 que parut inopinément l'article qu'on va lire, et qui causa une surprise presque générale.]

«On a beaucoup parlé de la question de la dotation de la famille royale; elle n'a jamais été discutée. De là tant et de si graves erreurs répandues à ce sujet dans le public.

Ces erreurs ont été, soit inventées, soit accréditées et propagées par les factions ennemies du trône que la

Révolution de 1830 a fondé.

Un grand mal politique en est résulté. Non-seulement le roi et la famille royale ont subi une injustice,

Généralité de ces dispositions et de ces raisonnements mais le roi a été indignement calomnié; sa situation,

dans le parti conservateur. Nous avons eu 45 voix de majorité.

quera plus de 100.

Dispositions des individus importants.

Thiers.

Il nous en man

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Scrutin secret. - Deuxième édition du 12 mai. Conséquences de l'échec :

1° Pour la royauté en général;

2o Pour le roi en particulier;

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ses intentions ont été représentées au pays sous le jour le plus faux, à l'aide des plus insidieux mensonges, et dans les plus coupables desseins.

C'est une nécessité et un devoir de détruire ce travail des factions ennemies, de rétablir sur cette grave question la vérité des droits et des faits, et d'éclairer les hommes honnêtes et sincères, déplorablement

abusés.

En droit, la question est maintenant régie par

l'art. 21 de la loi du 2 mars 1832, qui a réglé la liste | la chambre des députés, le 3 octobre 1831, par M. Cacivile du présent règne, et qui porte :

« En cas d'insuffisance du domaine privé, les dota«tions des fils puînés du roi et des princesses ses filles « seront réglées ultérieurement par des lois spéciales. » Avant cette loi, et au moment où la Révolution de 1830 s'accomplit, le chef de la maison d'Orléans était en possession de tout ce qui était resté de l'ancien apanage de sa maison, en vertu de l'art. 4 de la loi du 15 janvier 1825, ainsi conçu:

« Les biens restitués à la branche d'Orléans en exé

«cution des ordonnances royales des 18 et 20 mai,
7 octobre et 17 novembre 1814, et provenant de
⚫ l'apanage constitué à Monsieur, frère du roi Louis XIV,
continueront
<«< pour lui et sa descendance masculine,
a à être possédés, aux mêmes titre et conditions, par
« le chef de la branche d'Orléans, jusqu'à extinction
« de sa descendance mâle, auquel cas ils feront retour
« au domaine de l'Etat. »>

Parmi les conditions ainsi attachées, en vertu de l'ancien droit public, des précédents et de la loi de 1825, à la possession de l'apanage d'Orléans, étaient spécialement les trois suivantes :

1o Le prince apanagiste devait une légitime aux princes ses fils et frères, et une dot aux princesses ses filles et sœurs;

simir Périer.

Mais, par suite d'un amendement adopté par les chambres et sanctionné par le roi, cet article, devenu l'art. 24 de la loi du 2 mars 1832, porta définitivement:

«En cas d'insuffisance du domaine privé, les dotaa tions des fils puinés du roi et des princesses ses « filles seront réglées ultérieurement par des lois « spéciales. »

Ainsi, pour ouvrir le droit des fils puînés du roi et des princesses ses filles à des dotations réglées par des lois spéciales, la loi exige que le domaine privé soit insuffisant pour y pouvoir. Mais si cette insuffisance existe, le droit existe aussi ; les dotations sont dues et doivent être réglées par des lois spéciales.

Tel est le droit dans cette question, le droit formellement établi et consacré par les anciens principes de la monarchie, par la loi du 15 janvier 1825 et par celle du 2 mars 1832.

Il n'y a donc, quand la question s'élève, qu'un point de fait à examiner: « Le domaine privé du roi est-il « insuffisant pour pourvoir aux dotations? >>

L'examen attentif de ce point de fait ne peut laisser aucun doute à cet égard.

Comme duc d'Orléans, et avant son avénement au trône, le roi a trouvé dans la succession paternelle 2o Si le prince apanagiste arrivait au trône, son apa- 31 millions de dettes inscrites et admises par les tribunage était réuni de plein droit au domaine de la Cou-naux, et moins de 16 millions de valeurs. Ce n'est ronne, qui, avant 1791, n'était point distinct du domaine qu'en y consacrant une partie des revenus insaisissables de ses biens apanagers qu'il a pu, dans un intervalle de douze ou treize ans, accomplir une liquidation qui impose encore aujourd'hui des charges à son domaine. privé.

de l'Etat;

3o Au moment où elle s'accomplissait, cette réunion ouvrait aux princes de la branche apanagée, qu'elle privait de leur droit éventuel à la succession de l'apanage, un droit de revendiquer pour eux-mêmes, sur le domaine de la couronne, un apanage spécial transmissible, aux mêmes titre et conditions, à leur lignée

masculine.

La loi du 15 janvier 1825 a formellement maintenu

ces conditions et ces droits.

La Révolution de 1830 en a amené l'application. En vertu de l'avénement du roi au trône, et par l'art. 4 de la loi du 2 mars 1832, l'apanage d'Orléans a été réuni au domaine de la couronne. Les princes, fils puinés du roi, se sont trouvés ainsi privés du droit de succession éventuel que leur assurait l'art. 4 de la loi du 15 janvier 1825. Dès lors, et en vertu des lois écrites comme de l'équité, s'est ouvert pour eux le droit à une compensation.

C'est ce droit qu'a reconnu et consacré l'art. 21 de la loi du 2 mars 1832, en disant : « Les dotations des « fils puînés du roi et des princesses ses filles seront a réglées ultérieurement par des lois spéciales. » C'était en ces termes seulement qu'était rédigé l'article 20 du projet de loi sur la liste civile, présenté à

La totalité des sommes que le roi, comme duc d'Orléans, a reçues en indemnité (5 millions), en vertu de la loi du 27 avril 1825, a été absorbée par l'achèvement et l'embellissement du Palais Royal, incorporé maintenant, comme faisant partie de l'ancien apanage, dans le domaine de la Couronne.

Et pourtant, sans parler des charges de la royauté auxquelles il est pourvu par la liste civile, les charges imposées au roi, pour l'entretien de la famille royale, se sont accrues et s'accroissent de jour en jour.

Il y a plus d'un siècle, lorsque le duc d'Orléans, trisaïeul du roi, fut investi, pendant la minorité de son neveu le roi Louis XV, de la régence du royaume, non-seulement ce prince se refusa constamment à puiser dans les revenus de l'État, trouvant que sa fortune personnelle et son apanage lui permettaient de ne pas y recourir, mais il fit construire à ses frais, pendant la régence, les canaux d'Orléans et de Loing, et contracta, pour accomplir ce grand travail, des dettes considérables.

C'est le roi qui, en qualité de duc d'Orléans et d'hé

ritier du régent, a liquidé, depuis son retour en France, en 1814, la dernière partie de ces dettes; et pour faire face aux dépenses de sa couronne et de sa famille, que sa liste civile et son domaine privé réunis ne suffisaient pas à couvrir, le roi a été obligé, il y a quelques années, d'engager à la caisse des dépôts et consignations les débris qui lui sont revenus de la propriété de ces mêmes canaux créés par le duc d'Orléans, régent, et à ses frais.

Aucune prodigalité personnelle ne porte dans l'administration soit de la liste civile, soit du domaine privé du roi, aucun désordre.

S. A. R. Madame la princesse Adélaïde, sœur du roi, lui a donné et lui donne tous les jours des marques d'un dévouement et d'une générosité presque sans exemple au sein même des familles unies par l'intimité la plus tendre.

Cependant, pour suffire aux charges qui lui sont im

posées comme roi et comme père, le roi s'est vu et se voit forcé de contracter des dettes de jour en jour croissantes, qui grèvent son domaine privé, jusqu'à présent unique patrimoine des princes ses fils puînés et des princesses ses filles.

vait!» Le gouvernement du roi dit aujourd'hui: «Que la France le sache!» La France ne voudra pas que la famille royale ne conserve pas, sous notre monarchie constitutionnelle, les droits et la situation qui étaient légalement garantis à la famille du duc d'Orléans. D

[Le lendemain de la publication de cet article, LouisPhilippe adressa à M. Guizot la lettre suivante dont la copie, de la main de M. Fain, se trouve dans un des portefeuilles des Tuileries.]

A MONSIEUR GUIZOT.

Neuilly, lundi, 1er juillet 1844. Mon cher ministre, contre ma constante habitude, j'ai ouvert ce matin tous les journaux pour voir ce

qu'on disait de l'article. J'ai d'abord été bien aise que tous l'aient reproduit en entier. Ensuite la fureur qu'il excite ne m'étonne pas et ne me paraît pas un mauvais symptôme. La déclaration de folie et de démence du CONSTITUTIONNEL trahit la colère que lui cause l'article et sa publication. Mais à présent que la polémique est engagée, il faut la soutenir vigoureusement. Nul, assurément, n'en est plus capable que vous, mais le temps vous manque. Il faut que vous ayez quelqu'un qui soit En droit strict, et aux termes de nos lois, des dota- chargé de tout lire, de tout extraire et de vous prépations sont dues aux princes puînés et aux princesses derer des projets de réfutation qui paraissent après que

Un tel état de choses est contraire aux principes de la justice, aux conseils de la politique, à la dignité du pays comme à celle de la couronne.

la famille royale, car le domaine privé est insuffisant pour y pourvoir.

L'équité est blessée que les fils puînés et les filles du roi soient, à raison même de son avénement au trône, privés des droits qui leur eussent appartenu si le roi fût resté duc d'Orléans, et que ce qui fait par l'élévation de leurs aînés, la grandeur de leur maison, porte à la situation des branches cadettes une aussi atteinte.

grave

C'est le conseil d'une politique prévoyante, et l'intérêt permanent de l'État, que la famille royale tout entière soit fortement constituée, et que les branches cadettes soient constamment maintenues au niveau du

rang qu'elles occupent autour de ce trône qu'elles doivent soutenir, et sur lequel un droit éventuel leur est attribué.

Enfin l'honneur du pays et du trône veut que les calomnies propagées par leurs ennemis communs reçoivent un solennel démenti.

Pour que cette grave question puisse être convenablement soumise à l'examen des chambres, il faut d'abord que les bons citoyens, les hommes justes et sensés, soient éclairés sur la vérité des choses, et concourent eux-mêmes à dissiper ce nuage d'erreurs grossières et de mensonges perfides, amassés avec tant de soin pour obscurcir, aux yeux du pays, les droits et les faits. On disait souvent en France: «Si le roi le sa

vous les aurez corrigés ou approuvés, et le plus promptement possible, après chaque diatribe adverse. Ce quel qu'un, je ne le possède ni ne le connais, mais vous en avez sous la main, au moins je l'espère, et je le crois. Il me paraît important que ce soit le Moniteur qui soutienne ce qu'il a lancé, et que les Débats et autres agissent comme des flanqueurs et des auxiliaires. Il est clair qu'on veut faire, comme les autres fois, tomber la question, en arrêtant le débat par intimidation, et, cela étant, il faut, au contraire, leur montrer qu'ils ne font pas peur et qu'ils n'étoufferont pas les justes cris de

ma famille et de moi-même.

Je vous recommande cela bien vivement, mon cher ministre, et je vous prie de mettre les fers au feu dans

ce sens-là.

Bon soir, mon cher ministre.

LOUIS-PHILIPPE.

pour l'obtention de la dotation poursuivie; mais nous
avons assez bonne opinion de sa persévérance pour
croire bien
que,
ici interrompue, jusqu'au dernier jour du règne, cette
la série des documents se trouve
que
pensée ne fut jamais abandonnée.]

[Ici nous perdons la trace des efforts de l'ex-roi

COMPTES PARTICULIERS DU ROI.

II.

Placements faits par Louis-Philippe en France et à l'étranger.

[La question de savoir si Louis-Philippe fut un bon ou un mauvais administrateur de sa fortune est aujourd'hui fort débattue. Nous n'avons pas la prétention de la trancher, mais les deux comptes que nous allons transcrire, les seuls que nous trouvions dans les portefeuilles des Tuileries, prouvent que du moins il ne laissait jamais son argent sans emploi, qu'il consacrait à l'achat de rentes sur l'Etat presque toutes les sommes que l'intendant de la liste civile mettait à sa disposition pour ses dépenses personnelles, et que pour pouvoir acquérir plus de coupons de 5 pour 100, il empruntait ou laissait ses dettes en souffrance.

On remarquera dans le premier de ces comptes, celui de 1841, l'habitude qu'avait alors l'ex-roi d'acheter une inscription de rentes dès qu'il se trouvait avoir une somme de dix mille francs plus ou moins disponible; dans le second, celui de 1846, qu'il ne procédait plus alors que par acquisition de 800 francs de rente à la fois. On observera également qu'à l'une comme à l'autre époque il n'acquérait que du 5 pour 100, ce qui peut servir à expliquer la constante opposition qu'il fit au remboursement ou à la diminution du taux d'intérêt de cette valeur.

Sur la somme totale de 342,658 fr. 10 cent., montant de son compte personnel pour l'année 1841, on voit les articles à moi-même revenir neuf fois, et former un total de 90,290 fr. 40 cent. pour l'acquisition de rentes dans cette année. De plus, 100,012 fr. 35 cent. furent, dans le même exercice, employés à rembourser un emprunt que Louis-Philippe semble avoir contracté en 1836, cinq ans auparavant, pour acquérir 4,640 fr. de rente, emprunt qui dénote une manie bien prononcée d'acquisition de rentes. Enfin, dans ce même compte, 68,855 fr. 60 cent. furent en outre consacrés à rembourser six années de dépenses courantes que Louis-Philippe avait laissé accumuler, et dont il était démeuré débiteur pendant tout ce temps envers ses aides-de-camp. Ainsi donc, en défalquant de 342,658 fr. 10 cent. la somme de 259,158 fr. 35 cent. consacrée à ces achats de rentes et à ces restitutions pour le passé, on voit que l'ex-roi n'a dépensé dans l'année 1841 tout entière, pour ses dispositions personnelles durant tout l'exercice, que la somme fort modeste de 83,499 fr. 75 c. Il y a là de quoi défendre ce prince contre tout reproche de prodigalité.

En 1846 il procédait par acquisition de coupures du chiffre rond de 800 francs de rente. Sur la somme de 474,636 fr. 20 cent. qui lui fut remise dans l'année, il consacra 231,240 fr. 70 cent, à cet emploi, et acquit ainsi 9,600 francs de rentes dans son année.

Voici ces comptes que nous reproduisons tels qu'ils ont été dressés, le premier par M. Beuzart, trésorier particulier du roi, le second par M. de Verbois qui, à la mort de ce comptable, lui fut donné pour successeur. ]

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Janvier,

Id.

20.

Id.

A M. le comte de Montalivet, pour en faire un emploi prescrit par le roi. A S. M. la reine, remboursement d'avances pour le compte du roi... 29. A M. le baron Fain, pour en faire un emploi prescrit par le roi.

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