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impériales et royales à Podgorze, vis-à-vis de Krakovie, comme le point le plus rapproché, d'abord de se tenir prêt, et puis d'entrer dans cette ville avec une force suffisante pour parer à tout événement, vu que les glaces de la Vistule menaçaient d'empêcher pour plusieurs jours toute communication.

Mandement de Joseph-Grégoire Woytarowicz, évêque de Tarnow, dans le but d'arrêter les massacres de Galicie et de ramener les fonctionnaires autrichiens et les paysans, à la raison et à la religion. Tarnow, le 20 février 1846'.

Nous, Joseph-Grégoire, par la grâce de Dieu et du saint-siége, évêque de Tarnow, à tous les habitants du cercle de Tarnow, grâce de Dieu et bénédiction épiscopale.

Jésus-Christ nous ordonne d'aimer le prochain et même nos ennemis, de pardonner les plus grandes injures et de faire du bien même à ceux qui nous ont fait du mal, c'est-à-dire de rendre le bien pour le mal. Mais, hélas! contrairement à ce prétexte de Notre Seigneur, des circonstances malheureuses ont éveillé parmi vous une fureur sauvage, qui s'est changée en cruauté sans bornes; beaucoup de personnes innocentes ont été maltraitées et ont perdu la vie. Souvenez-vous, ô mes chers frères, que le sang de l'innocent crie vengeance au ciel, et que Dieu qui gouverne ce monde par sa toute-puissance, qui permet les inondations, les mauvaises récoltes et la famine, poursuit dans sa justice implacable le fratricide dans cette vie et dans la vie future. Comme nous espérons que le gouvernement existant, civil et militaire, fera de son côté tout ce qu'il pourra pour le rétablissement de l'ordre et de la paix, je vous le commande, au nom de Dieu, notre Sauveur, dont vous attendez la bénédiction dans cette vie, la rémission de vos péchés et la vie éternelle, revenez à la paix. Retournez dans vos foyers, reprenez vos occupations habituelles et priez Dieu qu'il daigne vous pardonner dans son ineffable miséricorde. Si quelqu'un de vous a, peutêtre sans mauvaise volonté, fait du tort ou des violences à un innocent (je m'adresse surtout à vous, supérieurs des villages, maires, jurés et anciens des communes), tâchez de calmer les esprits de vos concitoyens, car ce devoir vous est imposé par Dieu et par les autorités supérieures.

1. Chodzko, Massacres de Galicie en 1846, p. 275.

Et vous, chers frères, qui êtes chargés de conduire les fidèles au salut et non à la damnation, et qui devez être les anges de la paix au milieu du troupeau du Christ, faites connaître à nos brebis cette lettre pastorale, en les exhortant tous à la tranquillité et à l'obéissance aux autorités supérieures. Que la paix et la bénédiction de Notre Seigneur soient toujours avec vous. Joseph-Grégoire, évêque.

Dépêche diplomatique de M. Magenis, chargé d'affaires d'Angleterre en Autriche, à lord Aberdeen, ministre des affaires étrangères, sur les événements de Krakovie et de Galicie.

(Extrait.)

Vienne, le 21 février 18461.

Mylord, j'ai l'honneur d'informer votre Seigneurie qu'en conséquence de l'im puissance du sénat et des autorités de la ville libre de Krakovie de maintenir l'ordre et de protéger la vie et la propriété des citoyens paisibles, contre les projets d'une conspiration largement répandue, sur leur demande, la ville a été occupée, le 18, par un corps de troupes autrichiennes tirées de la garnison voisine de Podgorze, fort de 1000 à 1200 hommes.

L'ordre et la tranquillité ont été rétablis par la présence de ces troupes, aucun obstacle n'a été opposé par les conspirateurs à leur entrée dans la ville, et leur arrivée a été accueillie par des adresses du sénat et des habitants paisi bles. Au départ de la poste du 18, tout était tranquille.

Le prince de Metternich ne pense pas que des troupes russes occupent Krakovie; Son Altesse m'a informée qu'elle avait envoyé aujourd'hui un courrier à Londres, par la voie de Paris, pour donner les explications les plus complètes à l'égard des mesures qui ont été prises pour l'occupation temporaire de Krakovie.

Magenis.

Procès-verbal de l'établissement du gouvernement national de la République polonaise.

Krakovie, le 22 février 18462. Quatorze années d'efforts des braves enfants de la patrie pour parvenir à lui rendre son existence nationale, ont créé dans toutes les parties de la Pologne opprimée de nombreuses associations dont les membres s'exposent aux plus terribles dangers. Mais, malgré cela, on est parvenu à diriger tous les efforts vers le même but, celui de recouvrer une patrie en rendant la liberté à toute la nation polonaise. - Le 24 janvier de cette année, des comités de toutes les associations de la Pologne remirent le pouvoir gouvernemental entre les mains d'une autorité composée de cinq personnes qui furent, avec adjonction d'un secrétaire, choisies dans le grand-duché de Posen, la ville libre de Krakovie et son territoire, dans la Galicie, la Russie et parmi l'émigration; laquelle autorité devait se compléter ensuite par l'élection de deux membres, l'un pour la Pologne réunie, l'autre pour la Lithuanie.

1. Archives d'Angleterre.

2. Archives de Krakovie et Lesur, p. 101..

Les membres choisis et le secrétaire ont accepté les pouvoirs qui leur étaient déférés et devaient se trouver avant le 21 février (jour fixé pour l'explosion de l'insurrection) à Krakovie. Les membres pour Krakovie et son territoire, pour la Galicie et l'émigration, s'y trouvèrent effectivement avant le terme fixé, tandis que le représentant du grand-duché de Posen fut arrêté et que celui de Russie ainsi que le secrétaire n'étaient pas encore arrivés. Le membre de l'émigration ayant, à l'arrivée des troupes autrichiennes à Krakovie, conçu des craintes pour sa liberté, s'était tout à coup enfui au delà des frontières.

L'irritation générale qui règne en ce moment à Krakovie et les nouvelles qui nous arrivent de tous côtés, prouvent que la révolution est la volonté de Dieu et de tout le peuple polonais. Ces événements, imposent aux membres du pou-、 voir gouvernemental qui ne sont pas encore arrivés, le devoir sacré de venir se charger sans délai et avec d'autant plus d'empressement des pouvoirs qui leur ont été déférés, que le zèle le plus ardent se refroidirait et que les propriétaires, nos frères, qui pourraient frapper des coups vigoureux, n'osent pas à présent prendre part à l'insurrection.

Et tandis que nous admettons au sein du pouvoir gouvernemental un citoyen de la Pologne réunie, qui accepte les pouvoirs à lui déférés, nous nous tendons mutuellement la main et jurons à la face de Dieu et de la nation polonaise, que nous exercerons les pouvoirs révolutionnaires jusqu'à ce que toute la Pologne soit affranchie; que nous regardons comme un moyen propre à arriver à ce but, un mouvement produit parmi toute la population par l'abolition de tous les priviléges et la concession de la faculté illimitée de posséder les terrains qu'elle exploite, faculté dont les paysans ne jouissent aujourd'hui que sous certaines conditions; que nous assumons la responsabilité des conséquences de tous nos actes, et que nous regarderons comme traître à la patrie et traiterons comme tel, quiconque osera résister à nos ordres. Qu'ainsi Dieu nous soit en aide!

En foi de quoi nous avons signé les présentes.

Louis Gorzkowski.
Jean Tyssowski.

Jamertour fromagerstunu va in Alexandre Grzegórzewski.
925 Secrétaire, Charles Rogawski.

Manifeste du gouvernement national de la république
de Pologne à la nation polonaise.

Polonais!

-97.8 ⚫ Krakovie, le 22 février 1846'.

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ཐ།

L'heure du soulèvement a sonné. Toute la Pologne démembrée frémit et se réunit.

Nos frères du grand-duché de Posen, de la Pologne du congrès de Vienne, de la Lithuanie et des terres russiennes combattent déjà contre l'ennemi. Ils combattent pour les droits les plus sacrés et qui ont été arrachés par la ruse et par la violence.

Vous savez bien ce qui est arrivé et ce qui se fait sans cesse : la fleur de notre jeunesse languit dans les cachots, les vieillards dont les conseils nous sou

1. Chodzko. Ann. polon. Ms. (1846).

tenaient sont livrés au mépris; les ecclésiastiques sont privés de toute considération; en un mot, quiconque a résolu de vivre ou de mourir pour la Pologne est anéanti, ou bien est jeté dans un cachot ou est exposé à y être jeté à chaque instant.

Nos cœurs ont été déchirés jusqu'au sang par les gémissements de milliers de nos frères knoutės, languissants et pâlis dans les souterrains; poussés dans les rangs de nos envahisseurs, et subissant toutes les souffrances que l'humanité peut endurer.

Nos oppresseurs nous disputent notre gloire; ils nous défendent de parler notre langue, ils ne nous permettent pas de suivre la foi de nos pères; ils cpposent des barrières insurmontables à l'amélioration de notre état social; ils arment les frères contre les frères, ils sèment la calomnie contre les plus honorables enfants de la patrie.

Frères! encore un pas, et la Pologne ne sera plus, et même il n'y aura plus un seul Polonais.

Nos petits-fils maudiront notre mémoire si au plus beau pays de la terre il ne reste que des déserts et des décombres; si nous permettons de mettre des fers au peuple le plus guerrier de l'univers; s'ils sont forcés de professer un culte étranger, de parler une langue étrangère et de devenir esclaves des violateurs de leurs droits.

La cendre de nos pères, martyrs de la cause nationale, nous crie du tombeau, de les venger; les enfants à la mamelle nous crient de leur conserver la patrie que Dieu nous a confiée; les nations libres du monde entier nous appellent à ne pas laisser détruire les principes les plus sacrés de notre nationalité; Dieu même nous y invite, lui qui, un jour, nous en demandera compte.

Nous sommes vingt millions; levons-nous comme un seul homme, et aucune force ne pourra écraser notre puissance; nous aurons une liberté comme on n'en a jamais eu sur la terre; nous reconquerrons un état social dans lequel chacun, selon son mérite et sa capacité, jouira des biens de la terre; aucun privilége, sous quelque forme que ce soit, n'aura plus lieu; chaque Polonais y trouvera pleine garantie pour lui, pour sa femme et pour ses enfants; celui qui sera inférieur dès la naissance, par l'esprit ou par le corps, trouvera, sans humiliation, l'assistance infaillible de toute la société ; la terre possédée jusqu'ici, et conditionnellement, par les paysans, deviendra leur propriété absolue; les corvées, les jours des seigneurs et toutes autres charges semblables cesseront sans aucun dédommagement, et ceux qui se seront sacrifiés, les armes à la main, pour la cause nationale, obtiendront une indemnité en fonds de terre, de biens nationaux.

Polonais! dès ce moment nous ne reconnaissons plus aucune différence parmi nous; nous sommes désormais frères, fils d'une seule mère-patrie, d'un seul père Dieu, dans le ciel! Invoquons son appui et il bénira nos armes et nous donnera la victoire. Mais pour qu'il exauce nos vœux, ne nous déshono.ons pas ni par l'ivrognerie ni par les rapines; ne souillons pas notre arme Lénie, par l'arbitraire ou par le meurtre, ni sur les autres croyants ni sur les étrangers désarmés : car nous ne luttons pas avec les peuples, mais avec nos oppresseurs.

Et, maintenant, en signe d'union, arborons la cocarde nationale et prêtons le serment suivant : « Je jure de servir la Pologne, ma patrie, de mes conseils, «de ma parole et de mes actes; je jure de lui sacrifier toutes mes vues person<< nelles, ma fortune et ma vie; je jure obéissance au gouvernement national

« établi à Krakovie, le 22 de ce mois, à huit heures du soir, dans la maison « de Krysztofory, et à toutes les autorités instituées par ce gouvernement. Ainsi, que Dieu me soit en aide! »

Ce manifeste sera inséré dans le journal officiel du gouvernement, réimprimé séparément et répandu dans toute la Pologne, notifié immédiatement dans toutes les églises, du haut de la chaire, et dans toutes les communes, affiché dans des lieux publics.

Dépêche diplomatique de lord Westmoreland, ambassadeur anglais à Berlin, à lord Aberdeen, ministre des affaires étrangères, sur les événements de Posen, de Krakovie et de Galicie.

(Extrait.)

Berlin, 23 février 18461.

Le mouvement de troupes vers le duché de Posen a continué depuis que j'ai écrit à ce sujet à Votre Seigneurie : le but proposé est de garantir les populations allemandes dans le cas où elles seraient attaquées par les habitants polonais du pays qui sont soupçonnés d'avoir pris part à la conspiration, et qui se sont armés en conséquence.

On a jugé absolument nécessaire d'amener dans le voisinage de Posen une force suffisante pour permettre au gouvernement de désarmer en toute sécurité les habitants allemands, tout en leur donnant l'assurance d'une protection assurée par la présence d'une force militaire importante.

Votre Seigneurie sait que, sur la demande du sénat de Krakovie aux ministres résidents de l'Autriche, de la Prusse et de la Russie, il a été décidé qu'un contingent de troupes de chacune de ces puissances entrerait sur le territoire de cet État, et que, comme les Autrichiens étaient les plus rapprochés, ils passeraient immédiatement la frontière, ce qui a été fait.

Les troupes prussiennes ont reçu les mêmes ordres, et le baron Canitz ne doute pas qu'elles aient déjà passé également la frontière.

L'occupation de Krakovie est annoncée comme devant n'être que d'une nature temporaire, et ne durer qu'aussi longtemps que le sénat et le gouvernement du pays la demanderont.

Westmoreland.

Ordre du jour du gouvernement national de la République polonaise, repoussant les calomnies de ses ennemis à l'intérieur et à l'extérieur.

Polonais!

Krakovie, le 24 février 18462.

Après les calomnies les plus odieuses contre les habitants les plus tranquilles de Krakovie et de son territoire, afin de justifier l'attaque projetée des troupes autrichiennes, on a fait une attaque de ce genre le 18 de ce mois, et par des violences on a excité un mécontentement général. Là-dessus une lutte sérieuse s'est engagée avec l'ennemi, et plusieurs de nos vaillants frères se sont sacrifiés pour la cause nationale. Ils sont tombés héroïquement comme des fils de la patrie, et ont donné ainsi un exemple digne d'imitation. A peine l'ennemi eut fait quelques pertes, qu'une terreur générale s'empara de lui, car Dieu

1. Archives d'Angleterre.

2. Lesur, p. 110.

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