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toujours, relativement à cette question, sur le même terrain où il s'était deja placé, et que dans notre opinion, lorsqu'un traité a été signé par diverses puissances, trois ou un plus grand nombre d'entre elles ne peuvent, de leur propre autorité et sans le concours des autres, altérer les stipulations d'un semblable traité.

Palmerston.

Dépêche diplomatique du marquis de Normanby à lord Palmerston, lui annonçant que le cabinet des Tuileries s'unit à celui de Saint-James, pour protester contre l'anéantissement de la république de Krakovie.

París, le 27 novembre 18461.

Conformément aux instructions de Votre Seigneurie, j'ai donné connaissance à M. Guizot de la dépêche circulaire du 23 novembre adressée aux ministres anglais auprès des trois Cours. M. Guizot a interrompu ma lecture pour me faire remarquer que cette dépêche semblait avoir trait à une intention nourrie par les trois puissances, tandis qu'il avait été fait ici notification d'un acte irrevocablement arrêté. Je répondis que Votre Seigneurie avait annoncé à M. de Jarnac qu'elle avait reçu quelques jours auparavant communication de l'adoption J'aze semblable intention, et que vous lui aviez dit que vous aviez déjà préparé votre réponse.

Lorsque j'eus fini de lire la dépêche, M. Guizot me dit que son opinion était précinent la même, il l'avait exprimée déjà au conseil et avait attendu pour écrire à M. de Flahaut, jusqu'à ce qu'il connût l'opinion de Votre Seigneurie, afin de préparer et d'envoyer à Vienne une dépêche analogue.

Une fois les conditions de l'existence de Krakovie détruites dans leur essence, sa constitution anéantie, sa neutralité violée, son administration désorganisée, il n'était plus au pouvoir des hommes de rétablir ce qui avait cessé d'être. L'existence politique de Krakovie reposait sur la base d'une neutralité pacifique. Mais la faction qui a asservi moralement Krakovie a voulu la guerre. Elle l'a faite pendant quinze ans, tantôt en secret, tantôt ouvertement, et elle l'a entretenue jusqu'au moment où, en février de cette année, a eu lieu la levée de boucliers qui, d'après le plan des conjurés, devait bouleverser toute l'Europe. C'est à cette faction que Krakovie est redevable de la perte de son indépendance, si toutefois la cessation d'un état de choses, lequel, dans les suppositions précitées constituait une situation contradictoire, et la réunion à une puissance qui peut et qui veut accorder la tranquillité, l'ordre et la justice ne sont pas un avantage plutôt qu'une perte pour la partie loyale et pacifique de la population

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Première Note circulaire diplomatique du Cabinet prussien, adressée par M. de Canitz, ministre des affaires étrangères, aux envoyés de la Prusse à l'étranger, déclarant que les trois puissances copartageantes de la Pologne avaient le droit légitime de consommer le septième partage en incorporant la république de Krakovie à la monarchie autrichienne..

Monsieur le ministre,

Berlin, le 29 novembre 1846'.

Vous aurez appris par les feuilles publiques que le 16 de ce mois, il a été pris possession du territoire de l'ancienne république de Krakovie au nom de S. M. l'empereur d'Autriche et que ce territoire a été incorporé dans les États impériaux, dont il a fait partie de 1795 à 1809. Des considérations et des rapports politiques m'ont empêché jusqu'ici de vous adresser des communications à ce sujet; mais comme cette affaire est devenue l'objet de discussions publiques et qu'attendu les dispositions de l'époque actuelle, elle doit causer beaucoup de sensation et de bruit, je ne veux pas tarder plus longtemps à vous transmettre les explications suivantes, que vous voudrez bien communiquer au gouvernement près lequel vous êtes accrédité.

On sait qu'à la dissolution de l'ancien royaume de Pologne en 1795, la ville et le territoire de Krakovie échurent à l'Autriche. La guerre de 1809, qui se termina par le traité de Vienne du 10 octobre, les enleva à l'Autriche, et Napoléon les réunit au duché de Varsovie, nouvellement créé et dont il nomma souverain le roi de Saxe. Déjà en 1807, il avait été question de rétablir l'ancienne Pologne, et l'érection du duché de Varsovie devait être regardée comme un acheminement vers ce but. Peu importe maintenant de rechercher si l'empereur des Français a jamais nourri ce projet, ou si plutôt ses vues à ce sujet ne se trouvent pas exprimées dans ces paroles : « Il me faut des Polonais, mais point de Pologne. » Un fait historique constant, c'est que l'érection du duché de Varsovie n'a point été une restauration de l'ancien royaume de Pologne, mais un quatrième partage de ce pays au profit d'un quatrième souverain. L'issue de la campagne de 1812 fit passer le duché de Varsovie sous la domination de l'empereur de toutes les Russies, dont les armées ne rencontraient plus d'ennemis depuis la défaite de la grande armée que Napoléon avait conduite à Moskou. Les traités passés à Vienne le 3 mai 1815 entre l'Autriche, la Prusse et la Russie. et ratifiées par les trois monarques directement intéressés dans les affaires de Pologne, ont réglé cette question, et créé en même temps la république de Krakovie au moyen d'une convention spéciale des trois puissances, dans laquelle devait être fixée la constitution de cette petite république. Les résultats ne répondirent pas aux espérances qu'on avait conçues alors. La liberté, l'indépendance et la neutralité perpétuelle assurées à cette république ont été, après maints efforts infructueux, renversées au printemps de cette année par une insurrection préparée de longue main, et dont les auteurs, aussitôt qu'ils eurent proclamé la transformation de l'état libre de Krakovie en une « république polonaise », avaient provoqué le soulèvement des sujets des trois monarques et fait immédiatement une irruption en Galicie. Personne ne niera qu'il n'y ait dans ces faits manifestes une flagrante atteinte du statu quo (de cet état de choses légalement établi).

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1. Archives de Prusse, et Martens, N. R., t. X, p. 96.

A l'exception de quelques, chefs de la rébellion qui ont trouvé un asile à l'étranger, personne ne s'est fait le panegyriste de cette conduite; cependant on a pretendu que les trois puissances, malgré l'anéantissement de fait de cet état libre, auraient dû le maintenir, ou que, comme on ne pouvait revenir sur des faits accomplis, elles auraient dû le reconstituer sur de nouvelles bases.

Vous ne méconnaîtrez pas, monsieur le ministre, la grande différence qui existe entre l'établissement d'une république créée sous forme d'essai, il ya trente ans, et son, renouvellement dans les circonstances actuelles. Si dejà e 1815 on pouvait élever de sérieuses objections contre la fondation d'une republique polonaise au milieu des trois monarchies dont faisaient parties des provinces autrefois polonaises, on devait, maintenant que ce petit État était devenu le centre d'un gouvernement révolutionnaire qui voulait, par les moyens les plus affreux du soulèvement, fonder une république polonaise sur les ruines de l'ordre de choses établi, on devait, dis-je, reconnaître l'impossibilité de rétablir la république de Krakovie et d'en faire de nouveau un État libre, independant et neutre. Personne n'aurait su gré aux trois puissances protectrices de cette tentative de restauration, les chefs et les partisans de la rébellion farraient regardée et exploitée comme une concession, tous les amis de l'ordre lauraient déplorée comme un essai malheureux; les gouvernements qui y étaient le plus intéressés se seraient exposés au reproche de ne s'en prendre qu'à euxmêmes des suites inévitables et funestes de cette restauration, on lastan

Après de mûres délibérations, les trois puissances, sans faire sentir à ce peti pays l'empire de la force qu'avaient si hardiment provoquée les insurgés, acquirent la conviction qu'il était impossible de rétablir la république comme elles l'avaient créée en 1815. La question était donc de savoir ce qu'on ferait de la ville et de son territoire? On tomba d'accord de rompre les relations qui avaien existé jusqu'ici des trois puissances protectrices et d'abandonner le territoire de la république à la monarchie qui en avait été auparavant en possession, dont la législation y était déjà en vigueur et avec laquelle elle avait le plus de rapports naturels. Les trois puissances auraient pu, il est vrai, donner à la république une nouvelle constitution, en maintenant le texte de l'ancienne convention et les limites telles qu'elles étaient tracées sur la carte, de sorte que son indépendance aurait été conservée en apparence. Elles n'ont pas voulu jouer cette comédie, et tout homme d'Etat qui juge des choses impartialement et sans préjugés ne pourra que les approuver de ne pas l'avoir fait. Ce qui ne peut plus exister de fait ne doit pas non plus exister de nom, pour ne pas favoriser les entreprises les plus funestes. 910 Vglas men197662 24 25

On a soulevé une autre objection plus importante contre la conduite des trois puissances intéressées dans cette affaire; on leur a contesté le droit de prendre des résolutions relativement à la république de Krakovie et de les exécuter sans le consentement préalable des autres puissances qui ont pris part aux délibé rations du congrès de Vienne. On sait que l'acte du congrès de Vienne a ete signé, le 9 juin 1815, par les plénipotentiaires d'Autriche, d'Espagne, de France, de la Grande-Bretagne, de Portugal, de Prusse, de Russie et de Suède, tandis que les traités conclus le 3 mai entre l'Autriche la Prusse et la Russie, relativement aux affaires des pays faisant anciennement partie du royaume de Pologne, avaient déjà été ratifiés par les trois monarques et que par conséquent l'affaire dont il s'agissait avait été réglée précédemment par les trois puissances, sans l'intervention des autres. Il est bien vrai que les dispositions de ces traités ont été enregistrées dans l'acte du congrès de Vienne; l'article 10 porte:

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« Les dispositions sur la constitution de la ville libre dé Krakovié, sur l'académie de cette ville et sur l'évéché et le chapitre de Krakovie, telles qu'elles ■ se trouvent énoncées dans les articles 7, 15, 16 et 17 du traité additionnel « relatif à Krakovie, annexé au présent traité général, auront la même force et « valeur que si elles étaient textuellement insérés dans cet acte..

Celle des puissances qui serait contrevenue de plein gré à ces dispositions, aurait incontestablement porté atteinte à la convention passée entre les trois puissances; toutefois ce serait faire violence à l'esprit et au texte de l'article du congrès de Vienne cité plus haut, ét lui attribuer une signification qu'il n'a jamais eue et ne pouvait jamais avoir, que d'en déduire l'obligation pour les trois puissances de tolérer dans un Etat créé par elles toute espèce de désordres et de troubles, depuis les menées secrètes les plus perfides jusqu'aux hostilités les plus patentes et de rétablir l'ancien état de choses après une violation de la paix aussi ostensible. S'il est impossible d'admettre une pareille interprétation de l'acte par lequel a été créée la république de Krakov e, il reste encore une question à faire, savoir si les trois seules puissances intéressées dans l'affaire n'auraient pas dû, avant de prendre leur résolution, s'assurer du consentement des autres puissances, dont les plénipotentiaires ont signé l'acte du congrès de Vienne. L'examen de cette question nous ramène au point de vue dans lequel les événements avaient placé l'affaire.

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Lorsque la conjuration, préparée de longue main dans le but de rétablir l'ancient royaume de Pologne, éclata a Krakovie pour se transformer immédiatement en une rébellion ouverte, et qu'à la même époque la tentation faite en! Galicie pour insurgeri, également dans ce but, le peuple des campagnes, amena une réaction et des scènes qui sont presque sans exemple dans l'histoire, il ne pouvait être question d'entamer des négociations politiques, mais il fallait intervenir de suite avec la plus grande énergie. Le détachement de troupes entré à Krakovie avant l'explosion de la révolution, était trop faible pour se maintenir dans la ville. Le Roi, notre auguste maître, à la première nouvelle de ces évé nements, ordonna de faire marcher des troupes dans le territoire de Krakovie.! Elles trouvèrent la ville déjà occupée par des troupes autrichiennes et russes: il n'existait plus de gouvernement légitime, d'autorités légalement constituées. Avec l'occupation militaire de la ville, il devenait absolument nécessaire d'établir un nouveau gouvernement. Ce fait de l'anéantissement de la république de Krakovie par suite de l'insurrection peut être perdue de vue à l'étranger: mais les trois puissances protectrices ne pouvaient le laisser passer inaperçu; elles devaient avant tout nommer un gouvernement provisoire; elles ne pouvaient pas protéger ce qui n'existait plus, et une situation provisoire de longue durée ne pouvait être avantageuse ni au pays ni aux Etats voisins. Les trois puissances ne pouvaient que se demander: si elles fonderaient un nouvel Etat de Krakovie ou ce qu'elles devaient résoudre relativement au territoire de l'Etat qui avait cessé d'exister. Quant à la première alternative, il résulte de ce qui a été dit plus haut que la restauration d'un Etat qui était devenu le foyer des menées criminelles de l'émigration polonaise, aurait eu maintenant une toute autre importance politique que sa création en 1815 et son maintien depuis cette époque jusqu'à l'explosion de la dernière conjuration. Pour ce qui est de la question de savoir ce qu'on ferait de ce pays, il s'agit avant tout de considérer quels sont ceux qui ont le droit d'en disposer, si ce sont les huit puissances qui ont signé l'acte du congrès de Vienne, ou les trois qui ont conclu entre elles les traités du 3 mai 1815 sans la participation des autres. Nous croyons pouvoir assurer que les trois

puissances n'ont pas porté atteinte à des droits étrangers, mais qu'elles n'ont fait qu'exercer le leur, ainsi que l'exigeait l'état des choses.

Pour ce qui est de la Prusse en particulier, la population polonaise du grandduché de Posen a prouvé de la manière la plus évidente depuis 1815 jusqu'à présent qu'il n'existe pas dans cette province un motif et un prétexte de rébellion contre le gouvernement, mais que l'esprit d'insurrection y est entretenu et fomenté de l'étranger; que par conséquent il nous importe à un haut degré de ne pas tolérer ce foyer d'intrigues aux frontières de la monarchie prussienne ou même de le reprendre sous notre protection et de le rétablir après qu'il s'est détruit lui-même par l'excès d'une rebelle audace.

De Canitz.

Dépêche diplomatique de M. Guizot au comte de Saint-Aulaire à Londres, protestant contre l'incorporation de Krakovie à la monarchie autrichienne.

M. le Comte,

Paris, le 3 décembre 1846

Par ma dépêche du 19 novembre dernier, en informant M. le comte de Jarnar à Londres des communications qui m'avaient été faites par M. de Thom (envoyé d'Autriche à Paris) au sujet de la république de Krakovie et de son incorporation à la monarchie autrichienne, je l'ai chargé d'aller trouver lord Palmerston et de lui demander de notre part quelle conduite il se proposait de tenir dans cette circonstance, et s'il était disposé à s'en entendre avec nous. Lord Palmerston a répondu à M. de Jarnac, qu'ayant reçu quelques jours auparavant une communication pareille, il y avait déjà préparé une réponse que le Cabinet avait approuvée, qui serait expédiée le surlendemain, 23 novembre, et dont il enverrait une copie à lord Normanby à Paris, pour qu'il m'en donnât connaissance. Lord Normanby est venu, en effet, vendredi dernier, 27 novembre, me communiquer, sans m'en donner copře, une dépêche en date du 23, adressée par Lord Palmerston à Lord Ponsonby (ambassadeur de la Grande-Bretagne à Vienne) et dans laquelle, en établissant que la suppression de la république de Krakovie ne lui paraît point justifiée par la nécessité, et que les trois Cours de Vienne, de Berlin et de Saint-Pétersbourg ne sont point à elles-seules en droit, de l'accomplir, le gouvernement anglais proteste, en vertu du traité de Vienne du 9 juin 1815, contre l'exécution de la mesure qui lui a été annoncée. Je viens d'après les ordres du roi d'adresser à ses représentants auprès des trois Cours l'expression des sentiments de son gouvernement sur la destruction de l'État de Krakovie, et notre protestation formelle contre cette mesure. Je vous transmets ci-jointe ma dépêche, en vous invitant à en donner communication à lord Palmerston et à lui en remettre copie.

Dépêche diplomatique de M. Guizot au comte de Flahault à Vienne, en protestant contre l'incorporation de Krakovie à la monarchie autrichienne.

Monsieur,

Paris, le 3 décembre 1846.

Le chargé d'affaires d'Autriche est venu, le 18 du mois dernier, me commu1. Archives de France, et Martens, t. X, p. 111.

2. Idem, t. X, p. 116.

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