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et les relations les plus étroites de l'amitié et de bon voisinage entre la république et notre empire. A cette fin, et comme gage de sa reconnaissance pour nos bienfaits, qu'aussitôt après son élévation à la royauté, il terminera tous les différends relatifs à la délimitation des frontières entre nous et la Pologne, conformément à la justice et à notre pleine et entière satisfaction; que, durant tout le temps de son règne, il envisagera l'intérêt de notre empire comme le sien propre, et qu'il l'appuyera dans toutes les circonstances possibles; qu'en conservant un attachement sincère à notre personne, il accomplira toujours nos légitimes desseins. Nous n'admettons pas qu'il pût nous refuser cette garantie, car, comme patriote vertueux et noble, il doit sentir qu'en l'élevant sur le pavois, nous sauvons sa patrie ébranlée jusque dans ses bases et prête à sa chute complète; nous délivrons ainsi la Pologne du droit d'hérédité et de toutes les infractions qu'avait essuyées sa liberté durant le règne des princes étrangers. Le candidat peut d'ailleurs être sûr qu'à côté des preuves si évidentes de notre bienveillance pour lui, ses adversaires mêmes ne sauraient mal interpréter nos intentions pures et salutaires.

IV. Nous croyons comme un fait accompli que le comte de Keyserling, guidé par sa prudence, par celle des princes Czartoryski, et par ceux de tous les chefs de notre parti dans ce payslà, a déjà tout arrangé ce qui regarde le candidat proposé par nous. Nous ordonnons donc que lui et tous ceux qu'il a gagnés reconnaissent qu'en leur offrant notre appui et notre bienveillance, nous les offrons en même temps à leur patrie; il faut, par conséquent, prendre des mesures décisives, n'épargner rien, même dans le parti opposé, pour qu'à la première Diète on nous accorde le titre impérial, à nous et à notre couronne; que le duc de Courlande, rétabli par nous, soit de nouveau confirmé, qu'à la Diète de couronnement soit créée une commission spéciale qui, conjointement avec nos commissaires, aura à reconnaître et à restituer les terres qui nous appartiennent; à rendre les déserteurs ou ceux qui ont passé en Pologne; à accorder une tolérance illimitée à tous ceux qui professent le rite grec, et à leur restituer les églises, les couvents et les terres qui leur furent jadis arrachés. Cette même commission prendra les me

sures nécessaires pour empêcher à l'avenir la désertion par l'extradition, et mettre ainsi un terme aux brigandages par des punitions sévères. Nous nous flattons que des Polonais sages et bien pensants, persuadés de nos intentions si sincères et si franches, s'employeront, actuellement et dans l'avenir le plus reculé, à écarter tous les empêchements quelconques qui tendraient à déranger la paix, la bonne harmonie, le bon voisinage et les communications amicales entre les sujets des deux pays. V. Mais rien ne vous méritera plus notre grâce et ne profitera plus à votre gloire personnelle, que si vous parvenez, comte Keyserling et prince Repnine, à ce que la République tout entière, assemblée en diète, demande notre intervention et notre solennelle garantie des lois fondamentales, constitutions, priviléges et libertés de la république, et que, par un autre acte public et officiel, cette même république témoigne toute sa reconnaissance d'avoir rétabli l'ancien duc de Kourlande.

VI. Nous ne voyons pas la nécessité de vous indiquer, par un écrit spécial, les moyens que vous employerez pour attirer les Polonais dans nos desseins. Votre propre jugement et votre capacité sauront suppléer à ce qui manque aux présentes instructions; vous trouverez l'occasion opportune, avec quoi, comment et par qui il vous sera utile de gagner les seigneurs polonais; nous nous abandonnons en cela à la parfaite connaissance des choses et des hommes et à la longue expérience du comte de Keyserling.

VII. Vous devez travailler aussi à ce que, outre une adresse ordinaire pour nous, vous pouviez obtenir du primat lui-même qu'un personnage considérable vienne ici demander formellement notre protection, la conservation de la loi de la libre élection du roi futur, et nous prier que nous ne permettions à personne d'y intervenir, sauf nous. Par là nous aurons un prétexte plausible d'influer sur un fait si important, et nous pourrons, à notre aise, choisir tous les moyens à notre convenance.

VIII. Au milieu d'opérations si variées et si nombreuses, il est impossible de prévoir tous les besoins et de parer, en temps et lieu propres, à tous les événements; c'est pourquoi nous vous envoyons vingt blanc-seings de différente forme et grandeur; nous les confions à votre expérience et à votre fidélité

éprouvée, et que vous en ferez usage afin d'arriver à nos fins exposées ci-dessus. Vous délivrerez toutes les notes, déclarations, manifestes, ordres ou passe-ports en notre nom. Nous vous recommandons de la manière la plus expresse que notre dignité et notre nom ne soient exposés à aucun outrage.

IX. Nous voyons bien que plus cette grave et importante affaire est difficile à mener et à terminer, plus aussi elle attirera l'attention et la jalousie de toute l'Europe. Aussi il nous est difficile de préciser pour le moment les moyens qui vous paraîtront nécessaires. Nous ne bornons point le chiffre des sommes que vous aurez besoin de répandre; nous le laissons à votre honneur et à votre probité; cependant, vous nous avertirez d'avance de ce qui vous sera nécessaire, afin que nous prenions le temps et les mesures pour vous l'envoyer sans trop de perte pour notre trésor.

X. Il est présumable que les hommes envieux et jaloux de nos intérêts, et, par conséquent, hostiles à notre parti en ce pays, chercheront à traverser nos démarches et à nous nuire. Il arrivera sans doute que nos adversaires formeront une confédération spéciale, et chercheront à élire un autre roi. Nous vous ordonnons donc expressément que, dès que notre candidat sera élu et proclamé, vous le reconnaissiez solennellement et en notre nom, vous le ferez conjointement avec tous vos amis polonais. Que si quelqu'un osait s'opposer à cette élection, troubler l'ordre public de la République, former des confédérations contre un monarque légitimement élu; alors, sans aucune déclaration préalable, nous ordonnerons à nos troupes d'envahir en même temps sur tous les points le territoire polonais; de regarder nos adversaires comme rebelles, perturbateurs, et de détruire par le fer et le feu leurs biens et leurs propriétés. Dans ce cas, nous nous concerterons avec le roi de Prusse, et vous, de votre côté, vous vous entendrez avec son ministre résidant à Varsovie.

XI. Si, en dehors de toute prévision, toutes ces mesures si nombreuses et si bien organisées ne réussissaient pas, si nous ne pouvions pas nous passer de l'envahissement, et que nous fussions forcée d'établir et de maintenir le roi de notre choix, par la force de nos armes, alors les moyens indiqués ci-dessus

seraient mis de côté, et nous ne déposerions pas les armes, que toute la Livonie polonaise ne fût détachée et incorporée dans notre empire. En vous faisant savoir d'avance notre résolution, nous vous recommandons le plus grand secret, car nous n'employerons ce moyen que quand les autres paraîtront insuffisants. XII. Vous savez combien sont modiques, selon l'ancien état, les revenus du roi de Pologne, et il n'a pas les siens. Notre intérêt exige donc que vous employiez tout votre crédit pour augmenter son trésor particulier, pour maintenir l'éclat de la royauté; par ce moyen il ne se trouvera pas dans le cas de demander des secours étrangers.

XIII. Enfin, quoique nous ne devions pas supposer qu'un homme si noblement pensant que notre candidat voulût se laisser influencer par les conseils qui l'empêcheraient d'accepter la couronne, nous savons néanmoins positivement que nos adversaires, tant en Pologne qu'à l'étranger, employeront, à cet effet, les moyens les plus énergiques, et n'épargneront rien pour y arriver. Aussi, nous vous recommandons de veiller à cela avec toute la vigilance possible, et d'assurer notre candidat que, dès qu'il sera sous notre tutelle et notre protection, personne ne réussira à lui arracher la couronne.

XIV. En vous donnant à tous les deux ces instructions, et en confiant à votre expérience tous les moyens que vous croirez utile de prendre, il ne nous reste que d'attendre la réalisation de nos desseins. Nous n'en doutons point, connaissant bien votre zèle et votre fidélité: le comte de Keyserling employera à ce but ses talents éprouvés, et le prince Repnine montrera les siens en suivant les traces du premier. Ainsi unis, vous ne manquerez pas de mériter tous les jours davantage notre grâce impériale. Catherine.

Lettre de Catherine II à Wladislas-Alexandre Lubienski, prince-primat et inter-roi de Pologne après le décès d'Auguste III, en l'assurant de l'intérêt que la Tzarine prend à la République, à son bonheur et à ses libertés, qu'elle protégera dans toutes les cir

constances.

Saint-Pétersbourg, ce 28 octobre-8 novembre 17631. Ayant appris le décès inopiné de S. M. le roi Auguste III, 1. Joubert, t. I, p. 215.

notre bon voisin et ami, événement au sujet duquel nous témoignons, par la présente à Votre Altesse, nos sincères regrets, nous avons jugé nécessaire, pour assurer la République de Pologne de notre affection constante et de l'attention continuelle que nous apporterons à tout ce qui peut lui être avantageux, non-seulement d'accréditer de nouveau notre ambassadeur, le comte Keyserling, mais encore d'envoyer, pour le seconder, un ministre plénipotentiaire, titre dont nous avons revêtu le prince de Repnine, général-major de nos armées. Nous prions particulièrement Votre Altesse d'ajouter une entière confiance aux représentations de nos deux ministres: elles n'auront pour but que de procurer le bien de la République et en même temps de vous marquer le cas particulier que nous faisons de vous, dans des circonstances si intéressantes pour votre patrie. Nous mettons la plus grande confiance à votre habileté dans les affaires et en l'intelligence avec laquelle vous faites part de l'appui et de la protection que nous sommes dans l'intention d'accorder à tous les Polonais, qui, à la future élection du successeur au trône, auront sincèrement à cœur le maintien des lois et la liberté des suffrages. Vous assurerez toute la République en général que nous emploierons tous les moyens possibles pour empêcher que le premier et le plus précieux de ses droits, la libre élection de ses rois, ne souffre la moindre atteinte. Comme les sentiments patriotiques de Votre Altesse nous sont connus depuis longtemps, nous ne doutons point que vous n'appreniez avec plaisir la nature de nos dispositions, et que les trouvant conformes aux intérêts réels de la libre nation polonaise, vous ne leur donniez plus de force, en joignant à nos efforts le pouvoir que vous donnent non-seulement les lois, mais encore vos vertus, qui vous ont concilié l'estime, la confiance et l'amour de tous vos concitoyens. Nous vous recommandons d'ailleurs à la protection divine, nous vous assurons de notre constante bienveillance et du plaisir que nous nous ferons de vous rendre justice en toute occasion.

Catherine.

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