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sens. Les colonnes mobiles de l'armée prussienne (landwehr) parcourant les villes et les campagnes, ont marqué partout leur passage par le pillage et le meurtre en se livrant envers les populations polonaises aux plus cruels excès.

Après quelques rencontres partielles à Gostyn, à Kozmin et à Raszkow, le général commandant en chef prussien ordonna d'attaquer nos cadres qui, d'après la convention, ne devaient pas être licenciés; et dans ce moment le sang coule par torrents. De cette manière, nos forces principales ont été désarmées, et ce qui en restait et qui devait former le noyau de notre future armee a été attaqué à l'improviste par des forces prussiennes infiniment supérieures. Dieu et l'histoire jugeront qui a violé la convention qui a provoqué cette effusion de sang qui coule déjà et qui sera suivie d'une lutte plus longue et plus meurtrière. Aujourd'hui nos ennemis ont la force pour eux et croient aussi avoir raison. La violation de la convention par nous est un des mille mensonges par lesquels on a dernièrement cherché à tromper l'opinion publique.

Le Comité national faisait tout ce qu'il était possible de faire. Voyant que son intervention auprès des autorités locales restait sans résultat, il envoyait une députation après l'autre à Berlin, suppliant le gouvernement de retirer les troupes et de commencer la réorganisation.

Lorsqu'enfin ne pouvant rien obtenir par cette voie, il s'aperçoit que le ministère prussien ne veut pas ou ne peut pas défendre les populations polonaises contre les excès de toute sorte de la soldatesque furieuse; lorsque ces exces se multiplient chaque jour davantage; lorsque les sympathies de l'Allemagne nous ont si amèrement trompés en procédant à l'œuvre de la réorganisation par un nouveau partage de notre pays, et en nous enlevant la moitié du grandduché de Posen avec sa capitale pour les incorporer à la Confédération germanique; lorsque ce dernier espoir s'est éteint de pouvoir faire prevalor la force de la vérité et de la justice contre les calomnies, les violences et l'arbi traire.

Le Comité national croit que, s'il ne veut pas passer aux yeux de ses competriotes et de l'histoire comme trahissant les intérêts nationaux, il ne peut pas négocier plus longtemps avec le gouvernement prussien, car il est persuadé que ce gouvernement n'accordera rien à la cause polonaise.

Le Comité national, ne voulant pas l'effusion du sang, se dévouait tant qu'l voyait la possibilité d'éviter cette catastrophe. Aujourd'hui s'apercevant qu'il lui est impossible d'accomplir cette tâche, le Comité se dissout en laissant à sa place une commission qui veillera à ce que la promesse solennelle donnée au peuple se réalise.

Protestons donc avec force, en face de l'Europe, contre les violences exercées sur nous; nous déposons le mandat qui nous a été confié par le peuple pour conduire la cause nationale par la voie légale et non par la violence. La force brutale a brisé notre plein pouvoir.

Nous le déposons avec un sentiment de la plus poignante douleur, mais aree une forte et constante détermination de ne pas rester inactifs et de nous sacrifier à notre sainte cause avec le plus inébranlable dévouement.

Nous rejetons de nous toute responsabilité pour les suites de cette violation des promesses solennelles de la part du gouvernement prussien. Que ceux-là seuls en soient responsables qui ont menti à la loyauté et à la bonne foi des nations.

Nous nous présentons courageusement devant le jugement de Dieu, devan! notre conscience et le monde entier pour protester que nous ne voulions pas li

guerre avec les Allemands et que nous ne l'avions pas provoquée par notre conduite. Le Comité national n'a jamais eu d'autre pouvoir que le pouvoir moral appuyé sur le patriotisme de ses concitoyens. En déposant ce pouvoir, nous rendons témoignage au patriotisme du peuple polonais.

Il est douloureux pour nous que tant de dévouement déposé entre nos mains n'ait pas porté de meilleurs fruits que ceux que nous déplorons aujourd'hui. Mais une nation qui a tant d'ardeur et qui est si prête aux sacrifices pour sa cause nationale, est digne de la liberté et de l'indépendance, et certes elle saura les regagner, avec la grâce de Dieu, avec son propre courage et avec l'appui des nations libres de l'Europe.

Joseph Choslowski. Jean Janiszewski,

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Cyprien Jarochowski. Mathias Mielzynski. - Jean Palacz.- Gustave Potwrowski. Alexis Prusinowski. Léon Szu

man.

Adresse de la députation polonaise à l'empereur Ferdinand I, en lui faisant connaître le bombardement de Krakovie par les Autrichiens, et ses résultats funestes.

Sire,

Vienne, le 1er mai 18481.

Au moment même où une constitution libérale était annoncée à tous les peuples soumis à votre empire, où l'Assemblée préparatoire de Frankfort retentissait des plus chaleureux souhaits en faveur de la nationalité polonaise, un acte odieux de vandalisme et de brutalité ensanglantait les rues de Krakovie.

Le baron Krieg, dont le nom seul rappelle de si cruels souvenirs (car il est le fils de l'organisateur des massacres de Galicie en 1846) en retardant à dessein l'organisation de la garde nationale et l'admission dans son sein des émigrés polonais, nécessaires pour la compléter, a fait avorter toutes les dispositions de votre conseil pour relever cette ville déjà éprouvée par tant de malheurs.

Une première manifestation a eu lieu le 25 avril à l'effet d'obtenir le passage pour soixante émigrés arbitrairement retenus à Szczakowo, manifestation qui aurait cessé à l'instant même sans la mauvaise foi évidente et les refus du commissaire impérial, et surtout si la garde nationale avait eu des armes pour contenir le peuple impatient de revoir ses frères.

Toutefois, pressé par nos instances et reconnaissant la justice de nos réclamations, le baron Krieg a remis entre les mains du comité national les deux arrêtés suivants :

1° Que l'émigration polonaise serait libre de séjourner indéfiniment à Krakovie;

2° Que la garde nationale recevrait des armes selon le décret impérial du 16 avril.

De plus, le baron Krieg, en se séparant du Comité, a garanti sur sa parole d'honneur l'exécution de ces arrêtés. Cependant, dès le lendemain, des mesures de rigueur ont été prises pour empêcher les habitants de se procurer des faux et des lances déposées dans les magasins de la ville; et, finalement, ces

1. Ostrowski Christian, Lettres slaves, p. 137.

objets ont été transportés dans le château. C'est alors que, sans aucun prétexté même apparent, sans aucune sommation préalable, sans aucune agression de la part des habitants, le feu a été commandé sur plusieurs points, et, après un combat d'une courte durée à la suite duquel les troupes se sont retirées hors de la ville, le bombardement a commencé. Les édifices de Krakovie, ces glorieux monuments de notre passé de dix siècles allaient être livrés aux flammes; quand le Comité national, indigné de cette violation d'une promesse récente, a delegué deux de ses membres au général comte Castiglione, commandant les troupes autrichiennes, à l'effet d'obtenir une suspension d'armes de quelques heures, et, sur le refus du général, l'émigration polonaise, pour éviter la destruction totale d'une ville sans défense, a quitté le sol de la patrie qu'elle revoyait pour le première fois depuis dix-sept ans.

Les écrits publics de Vienne ont déjà rapporté les détails de cette catastrophe du 26 avril, journée de deuil pour les deux nations, journée de joie pour les oppresseurs étrangers. Toutefois, nous attestons devant Dieu et devant les hommes qu'aucune provocation directe ni indirecte n'a pu autoriser cette répression barbare, digne pendant des massacres de Galicie. Le baron Krieg luimême, qui se trouvait la veille sous la sauvegarde du Comité polonais, a dû reconnaitre tout ce qu'il y avait de modération et de dignité dans l'esprit da peuple polonais et de l'émigration.

Le cœur encore déchiré par l'impression de ce funeste événement, nous nous présentons devant vous, Sire, pour vous demander une éclatante et prompte réparation. Qu'une enquête sévère soit ouverte à l'instant même par des juges équitables; et de quelque côté que soit venue la première violation du traité, que les auteurs en soient exemplairement punis! Ne souffrez pas, Sire, que le sang polonais soit encore répandu par les instigateurs ou les agents de l'étranger; que les lois tutélaires qui ont garanti la nationalité de Krakovie soient anéanties, foulées aux pieds pour satisfaire aux sombres vengeances de ceux qui sont chargés de les faire exécuter; que, pour les sentiments de fraternité dont naguère encore nous étions pénétrés envers la nation allemande, nous recevions de ses mains la destruction et la mort! Rappelez-vous, Sire, que la plupart de vos soldats sont de même origine que nous; des frères de doivent pas etre immolés par des frères !

Malgré le cruel souvenir de ce jour, nous vous crions du fond du cœur que nous ne sommes point les ennemis du peuple allemand; que nos ennemis communs sont ceux qui voudraient nous priver, à tout jamais, du bienfait de notre nationalité. Craignez qu'ils ne profitent un jour de nos divisions! Cette voix de justice s'élève vers vous, de la cité même où le nom immortel de Jean Sobieski est gravé sur chaque pierre de votre palais impérial!

Le baron Krieg et le général Castiglione, en arrachant à la ville polonaise une capitulation désastreuse, ont outre-passé leurs pouvoirs; déchirez cette page sanglante de votre histoire et remplacez-la par une page de réparation et de clémence!

Nous espérons, Sire, que cette voix parviendra jusqu'à vous, et que la ville qui nous a délégués entendra bientôt des paroles de paix et de réconciiation.

(Suivent les signatures.)

Adresse de la Diète polonaise de 1831, réunie en France, à l'Assemblée constituante, en lui demandant une coopération active et armée pour le rétablissement intégral de la Pologne de 1772. Paris, le 22 mai 1848'.

Citoyens représentants, la Diète polonaise de 1831, dans sa sollicitude de prolonger la lutte nationale, lors même que les forces de l'ennemi empêcheraient une plus longue résistance sur le sol natal, statua sur les conditions dans lesquelles ses travaux à l'étranger pourraient avoir lieu légalement. Pendant les années écoulées, depuis cette époque, la Diète ne trouva pas moyen d'agir avec une entière indépendance, et les événements aussi graves que l'insurrection de Krakovie, la jacquerie galicienne, et le nouveau partage accompli par l'annexion de Krakovie à l'Autriche, se succédèrent si rapidement, et grâce à un odieux système, passèrent si vite dans la catégorie des faits accomplis, que la Diète n'aurait pu rendre alors d'autres services à la cause polonaise que de publier à ce sujet une protestation stérile.

Mais aujourd'hui, quand votre glorieuse révolution amena tant et de si grands événements; quand la sympathie et la conscience des peuples ont pu enfin élever leur voix; quand l'ancien système oppressif s'écroule partout, pour faire place aux sentiments de justice, de liberté et de fraternité, les membres de la Diète ont cru devoir se réunir pour réclamer en faveur des droits imprescriptibles de la Pologne, et pour seconder de tout leur pouvoir les efforts, soit individuels, soit collectifs de ceux qui, par sympathie, principes, ou devoir, veulent travailler à rétablir l'intégrité et l'indépendance de l'ancienne Pologne, et assurer l'émancipation de toutes les classes de ses habitants.

Les Chambres législatives avant le 24 février, avec moins de pouvoir que vous, Citoyens représentants, ont pourtant réclamé, sans résultats, il est vrai, mais avec une noble persévérance, la conservation des droits de la nationalité polonaise!

Ne ferez-vous pas davantage, Citoyens représentants; vous dont chaque parole retentit dans toute l'Europe et va porter l'espérance aux nations les plus éloignées? Pourquoi en douterions-nous? vous êtes faits pour comprendre toute la grandeur de votre noble mission.

Vous n'êtes pas liés par les traités de 1815, imposés aux vaincus par le congrès de Vienne, et tant de fois violés jusque dans les garanties assurées à la Pologne par ses oppresseurs eux-mêmes.

Vous ferez également justice des nouveaux attentats commis par l'Autriche et la Prusse dans leurs provinces polonaises. Le bombardement de Krakovie, la mauvaise foi des autorités prussiennes, les cruautées insignes qui continuent à être exercées, par leurs ordres, sur les habitants du duché de Posen, le nouveau partage, enfin, de la Pologne, accompli dans cette province et qui a provoqué une guerre d'extermination, soulevèrent votre indignation et vous porteront à embrasser, avec énergie, la cause des opprimés, et à chercher les moyens d'arrêter les scènes de carnage dont ils sont les victimes.

Vous évoquerez la cause polonaise, et vous prendrez des mesures efficaces pour assurer l'avenir de la Pologne, car c'est le seul moyen d'empêcher les malheurs amenés par de continuelles et inévitables réactions, qui se renouvel

1. Archives de la Diète.

leront tant que durera l'assujettissement actuel de ce pays, tant que respirera le dernier de ses fils.

Il n'y a pas un homme d'État qui ne soit convaincu qu'une barrière contre les envahissements du sauvage absolutisme, est indispensable aux nations civilisées. Cette barrière existait; le despotisme l'a renversée; c'est à la liberté de la relever.

Peut-on jeter les yeux sans frémir sur la situation actuelle de l'infortunée Pologne, qui, seule au milieu des peuples qui voient se développer leur liberté; n'a, pour manifester sa vie, que la voix de quelques-uns de ses représentants, et celle de ses enfants exilés; mais cette voix, toute faible qu'elle paraisse, deviendra puissante dès que vous y joindrez la vôtre.

Citoyens représentants, mandataires d'un peuple dont les sympathies génėreuses et ardentes n'ont jamais manqué à la Pologne, vous veillerez à ce que ces sympathies se traduisent en faits utiles à sa cause, et à ce que la France prenne l'initiative sur la question importante du rétablissement de la Pologne indépendante.

Adam Czartoryski, sénateur-palatin.

Narcisse Olizar, sénateur-castellan.
Thade Tyszkiewicz, sénateur-castellan.

Stanislas Barzykowski, nonce d'Ostrolenka.

Alois Biernacki, député de Siéradz.
Xavier Godebski, nonce de Luck.
Joseph Kaszyc, nonce de Nowogrodek.
Adam Kolysko, nonce d'Upita.

Théodore Morawski, député de Kalisz.

Caliste Morozewicz, nonce de Lublin.

Charles-Ursin Niemcewicz, nonce de Brzesç-Litewski.
Wladislas Plater, nonce de Wileyka.

Joseph Potocki, nonce de Bielsk-Litewski.

Antoine Przeciszewski, nonce de Rosienié.

Joseph Swirski, nonce de Hrubieszow.

Bohdan Zaleski, nonce de Taraszcza.

Aimé Zarczynski, nonce de Winnica.

Résolution de l'Assemblée nationale constituante sur l'Allemagne, la Pologne et l'Italie.

Paris, le 24 mai 1848'.

République française.

Liberté, Egalité, Fraternité.

L'Assemblée nationale a adopté la résolution dont la teneur

suit:

L'Assemblée nationale invite la Commission du pouvoir exécu

1. Archives de France.

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