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Ordonnance du roi de Prusse Frédéric II pour défendre à ses sujets d'inquiéter les Polonais pendant l'interrègne.

Berlin, ce 25 novembre 1763'.

Nous, par la grâce de Dieu, roi de Prusse, margrave de Brandebourg, archi-chambellan du Saint-Empire romain, et électeur, etc.;

Faisons savoir à tous et un chacun que comme notre intention fut toujours que les sujets de nos provinces limitrophes de la Pologne vivent en bonne intelligence avec ceux de la république leurs voisins, et ne leur donnent aucun juste sujet de plainte, principalement par des excès que la méchanceté est capable de suggérer: c'est pourquoi nous avons ordonné et enjoint, comme nous ordonnons et enjoignons par les présentes, qu'aucun de nos sujets et habitants des endroits de la Pomeranie, qui avoisinent la Pologne, n'ait à commettre aucune violence et user de voie de fait envers leurs voisins les Polonais, surtout pendant la vacance actuelle du trône, ni de passer les frontières pour y faire bande avec des gens sans aveu et adonnés au pillage, sous peine de punition corporelle ou même de mort, suivant l'exigence du cas. Déclarons en outre que ceux de nos sujets qui contreviendront à notre présente ordonnance seront réputés voleurs publics, et que s'il arrive qu'ils soient arrêtés, ils ne jouiront comme tels d'aucune assistance de notre protection royale. Frédéric.

Déclaration publique et officielle de Catherine II, en annonçant aux Polonais qu'elle maintiendra toujours les libertés et l'indépendance de la Pologne, qu'elle ne partagera point ce pays et qu'elle s'opposera même à ce partage si jamais une puissance quelconque formait un pareil projet; qu'enfin elle ne déviera jamais du chemin de la justice, de la vérité, de la magnanimité et de l'humanité, durant tout son règne.

(Cette déclaration fut remise à Varsovie par les ambassadeurs Keyserling et Repnine, chargés d'exécuter les instructions secrètes du 6 novembre 1763 rapportées à la page 3.)

1. Joubert, t. I, p. 219.

Saint-Pétersbourg, 15/27 décembre 17631.

Si jamais l'esprit de mensonge a pu inventer une fausseté complète, c'est lorsqu'on a audacieusement répandu que, dans le dessein que nous avons de soutenir l'élection d'un Piast, nous n'avions pour but que de nous faciliter les moyens d'envahir, par son secours ou par son concours, quelque morceau du territoire de la couronne de Pologne ou du grand-duché de Litvanie, pour le démembrer du royaume et le mettre sous notre domination par usurpation. Ce bruit, si peu fondé et inventé aussi mal à propos, tombe par lui-même comme dénué de toute sorte de vraisemblance.

Notre système et notre sentiment sont de rendre nos peuples si heureux sans faire de conquêtes sur les étrangers. Nous sommes dans une entière persuasion que les vues des plus grands monarques doivent être toutes dirigées au bonheur et à la prospérité de leurs propres sujets. La justice, l'humanité et la magnanimité sont la règle de notre conduite, ce sont elles qui nous ont placée sur ce trône et sur qui nous fondons la réputation que nous attire la manière dont nous gouvernons notre empire.

Nous devrions passer sous silence et entièrement mépriser de si fausses et de si basses imputations; mais afin que la vérité paraisse et que la pureté de nos intentions soit manifestée à toute la sérénissime République, et que l'erreur et le doute soient éclaircis vis-à-vis de ceux mêmes qui sont le moins au fait des affaires, nous déclarons de la façon la plus solennelle que nous sommes sincèrement et constamment résolue de maintenir la république dans son état actuel, ses lois, ses libertés et ses maximes, comme aussi dans ses possessions, conformément au traité de 1686, et comme nous avons à cœur la conservation de l'intégrité de la couronne de Pologne et du grand-duché de Litvanie, nous sommes fort éloignée de permettre ou de souffrir qu'elle éprouve aucun détriment de la part de qui que ce soit.

En même temps, nous ferons connaître à tous que, par suite d'une véritable amitié et d'un bon voisinage avec la sérénissime République, nous souhaiterions qu'à la future élection de son 1. Chodzko, la Pologne pittt. et illust., t. III, p. 142.

roi, elle plaçât sur son trône un Piast, né en Pologne, de père et de mère, et d'une véritable noblesse polonaise. Eh! quel roi conviendrait mieux à la République et la gouvernerait mieux selon ses droits et ses maximes qu'un Polonais qui, ayant reçu, pour ainsi dire, avec la vie la connaissance des lois sous lesquelles il est né, élevé, s'y trouve accoutumé par une suite de devoir, de respect et d'obéissance? Dans un pareil choix, l'intérêt véritable et naturel du pays se trouverait, sans être altéré par aucun mélange d'influence, de maximes et de liaisons étrangères qui ne saurait qu'apporter du préjudice à la République. Un roi choisi et pris dans le cœur de la nation ne saurait prudemment se proposer d'autre but que celui de rendre. son royaume tranquille et heureux; alors les soupçons et toutes les inquiétudes que peut causer aux puissances voisines un prince étranger, régnant sur les Polonais, n'aurait plus lieu, et la confiance parfaite, l'amitié et le bon voisinage seraient assis sur les fondements les plus inébranlables. Catherine.

Déclaration du roi de Prusse aux États de Pologne.

Varsovie, 24 janvier 17641.

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Les faux bruits qui se sont répandus et que les ennemis de la tranquillité publique ne cessent de divulguer, que les cours de Prusse et de Russie voulaient profiter des circonstances présentes pour démembrer la Pologne ou la Litvanie, et que le concours de ces deux cours tendait uniquement à y faire des acquisitions aux dépens de la république, ces bruits, qui sont aussi dénués de vraisemblance que de fondement, ont porté le soussigné à les démentir, non-seulement de vive voix, mais aussi par une note préalable remise au prince-primat, et le soussigné en ayant fait tout de suite rapport au Roi son maître, Sa Majesté, justement indignée de ces bruits, si contraires à sa façon de penser, a non-seulement approuvé tout le contenu de ladite note, mais elle a aussi chargé le soussigné de la renouveler en son nom. C'est en conséquence de ces ordres exprès du roi de Prusse que le soussigné déclare de nouveau par la présente que l'amitié intime et la bonne harmonie

1. Archives de la Diète.

qui subsistent si heureusement entre les deux cours de Prusse et de Russie sont fondées sur un principe trop juste et trop équitable pour qu'on pût seulement présumer qu'il ait jamais été question entre elles d'un pareil dessein; qu'au contraire, loin de songer à s'agrandir, S. M. le roi de Prusse ne travaille et ne travaillera constamment qu'à maintenir les États de la République en leur entier.

S. M. l'impératrice de Russie ayant le même objet pour but, ce n'est que dans une pareille vue que le Roi s'est concerté avec elle. Benoît.

Déclaration de Marie-Thérèse, communiquée par son ambassadeur à Varsovie, de Mercy, en assurant la Pologne de l'intérêt que l'Impératrice-Reine prend à la République, au maintien de ses libertés, du système électif, et que jamais la cour de Vienne ne prendra part à aucun partage de la Pologne.

Varsovie, 16 mars 1764.

Dès le commencement de cet interrègne, l'impératrice-reine de Hongrie et de Bohême s'est fait une espèce d'obligation de faire connaître l'intérêt qu'elle prend, comme voisine et alliée de la République, au maintien de tous ses droits, à la conservation de ses domaines, à la pleine jouissance de ses prérogatives en général, et surtout de celle qu'elle a de nommer au trône vacant par une élection libre et volontaire. Mais Sa Majesté étant informée des bruits qui se sont répandus en Pologne, comme si l'on avait raison d'y douter de la réalité et de la fermeté de ses intentions, elle a jugé nécessaire de les manifester par une déclaration authentique.

En conséquence, S. M. Impériale et Royale déclare de la manière la plus forte et la plus solennelle qu'elle considère la République de Pologne comme un État souverain et indépendant, dont le droit que lui assure les lois et les constitutions du pays, de se choisir un roi par la liberté des suffrages, ne peut être en aucune manière restreint, que par conséquent l'exclusion d'aucun candidat ne saurait avoir lieu sans porter atteinte à son indépendance et à son entière liberté, qui n'admettent ni exception ni limitation, et que les voies de fait ou les menaces que l'on pourrait employer pour lui en

empêcher l'exercice sont également incompatibles avec ses prérogatives.

C'est sur ces principes et le dispositif des traités qui depuis longtemps subsistent heureusement entre les États de Sa Majesté et la République, qu'elle a dessein de régler ses démarches à tout événement; elle s'engage même, dès ce jour, de reconnaître pour roi celui qui aura été élu au trône par une élection libre et conforme aux lois. D'ailleurs, Sa Majesté étant résolue de ne point gêner le suffrage de la nation, directement ni indirectement, elle ne voit pas quels obstacles on serait fondé d'y apporter.

Tels sont les vrais et invariables sentiments de l'impératricereine envers la République de Pologne, et à l'égard de l'élection d'un roi, sentiments dont elle fait donner part aux puissances voisines et qui justifient la pureté de ses vues. Au reste, S. M. Impériale et Royale a sujet de croire que l'on songe d'autant moins à mettre la violence en usage contre la liberté de la nation polonaise, qu'en ce cas, toutes les puissances qui s'intéressent à la conservation des droits de la République se verraient obligées de s'opposer à de pareilles entreprises.

De Mercy.

Traité d'alliance entre la Prusse et la Russie.

Saint-Pétersbourg, le 31 mars-11 avril 1764 '.

Article secret. Comme il est de l'intérêt de S. M. le roi de Prusse et de S. M. l'impératrice de Russie d'employer tous leurs efforts pour que la République de Pologne soit maintenue dans son droit d'élection, et qu'il ne soit permis à personne de rendre ledit royaume héréditaire dans sa famille, ou de s'y rendre absolu; S. M. le roi de Prusse et S. M. Impériale ont promis et se sont engagés mutuellement, et de la manière la plus forte, par cet article secret, non-seulement à ne point permettre que qui que ce soit entreprenne de dépouiller la République de Pologne de son droit de libre élection, de rendre le royaume héréditaire ou de s'y rendre absolu, dans tous les cas où cela pourrait arriver; mais encore à prévenir et à anéantir

1. Moser, Versuch, t. VII, p. 225; Martens, Recueil, t. I, p. 229; Wenck, t. III, p. 486.

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