Page images
PDF
EPUB

de ma nation, je dois m'attendre qu'elle voudra me faire connaître ses sentiments. Ma confiance n'aura d'autres bornes que celles qu'elle y mettra elle-même; et plus tôt Votre Majesté voudra nous accorder un secours immédiat et efficace, plus aussi elle aura droit à notre reconnaissance, et plus aussi elle pourra sauvegarder sa propre dignité.

Au milieu de mes inquiétudes et de mes peines, ce qui me console, c'est que jamais cause ne fut meilleure, ni dans le cas d'avoir pour appui un allié plus respectable et plus loyal, aux yeux des contemporains et de la postérité.

Tout ce que Votre Majesté voudra dire au maréchal Potocki, porteur de la présente, sera compris et exécuté ponctuellement, car, moi et toute la nation, nous avons une confiance illimitée dans son caractère.

Je suis, avec la plus sincère amitié et une parfaite estime, de Votre Majesté, etc. Stanislas-Auguste, Roi.

Contre-déclaration de la Diète constituante polonaise à la déclaration de guerre de la Russie, du 7-18 mai, et qui protégeait la confédération de Targowiça, formée sous les auspices de Catherine II. Varsovie, 1er juin 1792'.

La Déclaration que M. de Boulghakoff, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de S. M. l'Impératrice de toutes les Russies, a remise à Varsovie, le 7-18 du même mois passé, tout en présentant un état de choses inattendu, propre à affecter d'un sentiment douloureux une nation libre, amie de la paix et de la justice, occupée uniquement à pourvoir à sa conservation, à sa sûreté et à son indépendance, offre en même temps dans la série des motifs qui appuient le résultat une considération bien capable d'atténuer, l'aspect des suites affligeantes pour l'humanité, que le premier coup d'œil attache à cette déclaration. C'est que l'impulsion qui l'a dictée, aussi étrangère sans doute à la magnanimité connue de S. M. l'Impératrice qu'au vrai caractère des faits qui la motivent, porte visiblement l'empreinte des impressions défavorables, ouvrage d'une imposture adroite et intéressée, qui, empruntant le masque du

1. Chodzko, Ann. polon. Ms. (1792).

civisme, a su surprendre la confiance d'une souveraine, dont elle connaissait l'âme accessible à la voix du patriotisme.

Il suffira d'un développement suivi et raisonné des objets contenus dans cette déclaration, pour détruire complétement le faux jour sous lequel la malveillance s'est efforcée de représenter les détails les plus simples, pour les dénaturer. L'ascendant de la vérité dévoilée pourrait-il ne pas trouver d'accès dans l'esprit équitable de Sa Majesté Impériale?

La liberté et l'indépendance de la Pologne, ces deux attributs essentiels de son existence politique, sont reconnus, par la déclaration même, pour être l'objet de l'intérêt de tous ses voisins. Aussi leur affermissement avait constamment dirigé tous les vœux et les efforts de la Diète actuelle.

Pour montrer aux yeux de l'Europe, comme à ceux de S. M. l'Impératrice, que les libertés nationales, loin d'avoir reçu des atteintes imputées aux vues ambitieuses d'une prétendue faction dominante, trouvent, au contraire, dans les lois récentes, sagement combinées, des sauvegardes puissantes contre toute usurpation, l'on se bornera à un simple exposé de la marche et des résultats des travaux de la présente assemblée. Il en présentera l'ensemble également exempt des vices de l'illégalité qu'on lui reproche, autant que des caractères incompatibles avec les principes républicains.

Convoquée sous les auspices heureux de l'esprit public, dont l'énergie se développa bientôt, la Diète actuelle avait commencé ses opérations avec toute la faveur de l'opinion nationale. Cet avantage indiquait l'époque des réformes utiles: aussi, fut-elle saisie avec empressement. Mais, pour être efficace, une telle entreprise s'adaptait mal à la durée et aux formes d'une Diète ordinaire. On sentit la nécessité de la transformer en Diète confédérée, mode connu et usité, même dans des circonstances moins importantes. Les heureux effets de cette démarche en manifestèrent bientôt la convenance. Le concert, la marche active des délibérations, un esprit de fraternité qui s'y développait de jour en jour, annoncèrent une révolution heureusement opérée dans les idées et dans les dispositions nationales. La voix publique, applaudissant au patriotisme qui réunissait tous les efforts au bien de la chose publique, encouragea les législa

teurs à donner à leurs travaux plus de latitude que la teneur de l'acte de confédération, conçu dans la première fermentation des idées vagues d'amélioration, ne paraissait le désirer.

Par un enchaînement naturel des différentes parties de l'administration, une réforme partielle n'eût produit que des résultats incomplets ou incohérents. La justice, les finances, la police, l'armée nationale, tous ces objets appelaient également l'œil éclairé de l'examen et se trouvèrent approfondis. L'approbation générale suivait de près et justifiait chaque réforme effectuée. De nouvelles élections, motivées par l'expiration du terme biennal, en doublant le nombre des représentants, imprimèrent encore une sanction plus imposante de la volonté nationale aux travaux déjà consommés, et en autorisa la continuation. Aussi vit-on, sous peu, l'esprit des nouveaux représentants s'amalgamer avec celui des anciens. Une telle réunion de volontés et de sentiments renforçait nécessairement le système des vues patriotiques, à mesure que les opinions s'éclairaient par la discussion, que les idées se généralisaient ou s'acheminaient de plus en plus vers la conviction que les meilleures lois manqueraient le bien qu'elles avaient pour objet, et si l'on ne s'attachait à perfectionner les moyens d'exécution et à prévenir ces orages périodiques qui exposaient les meilleures institutions à un sort incertain. Il en résulta un plan de constitution qui reçut aussi sa sanction dans la journée du 3 mai 1791, et qui n'est que le résumé d'un projet de réforme du gouvernement ordonné par la Diète, et soumis à sa délibération neuf mois auparavant.

La Pologne, en établissant la succession du trône, y a été amenée à la suite d'une longue et cruelle expérience, acquise dans les troubles des interrègnes. Ce résultat paraît même favoriser les intérêts des puissances voisines, en tarissant une source d'inquiétudes pour les cabinets; parce que leur intervention, souvent involontaire, ne saurait ne pas être pernicieuse à leur propre tranquillité. Le bienfait de l'hérédité, si favorable aux intérêts intérieurs et extérieurs, semblait suffisamment dédommager des sacrifices de ces prérogatives éphémères dont les suites dangereuses ont déjà été reconnues

même pour toutes les nations, jalouses de leur liberté, et professant un extrême attachement à la forme républicaine.

Par cette même expérience, la nation a connu le mal provenant de l'organisation vicieuse du pouvoir exécutif, qui, dans ses divisions, avait une apparence de force, mais qui, en réalité, était peu actif. Ce pouvoir, circonscrit dans de certaines bornes, et déposé maintenant entre les mains du roi, a acquis de l'unité; on ne peut en abuser, car les ministres sont responsables; l'assemblée législative les surveille, et est toujours prête à punir l'oubli de leurs devoirs. Un pareil système augmente la force gouvernementale, en tant que les règles d'une forme républicaine le comportent, et en même temps il favorise les relations extérieures par la certitude de la durée des rapports politiques avec la Pologne.

De cette manière, la constitution du 3 mai, basée sur la prévoyante modération de ses principes, se défend d'elle-même des accusations de despotisme que cherchent à répandre les mécontents ennemis du bonheur et de la tranquillité de leur patrie, en inquiétant d'un côté la conscience de la nation, et de l'autre en éveillant perfidement l'attention des puissances voisines. C'est en vain que ces mécontents cherchent à représenter sous de noires couleurs la journée mémorable du 3 mai!

Si le patriotisme, préoccupé de l'importance de cette œuvre et craignant de laisser trop de temps à l'intrigue, n'a pas observé avec une rigoureuse exactitude certaines formalités en usage, il n'en est pas moins vrai que la séance du 5 mai suivant a coupé court à tout reproche à cet égard, en donnant à cette œuvre le cachet d'une unanimité réfléchie. Bientôt un concert de louanges s'éleva dans tout le royaume. Différentes assemblées de citoyens, différentes réunions de personnes envoyaient successivement au roi des adresses respirant le plus patriotique enthousiasme, et les expressions de leur reconnaissance pour la sanction d'une constitution qui faisait le bonheur de la nation. Cette reconnaissance devint plus générale encore aux diétines, au point que l'Europe entière en a été frappée. Le serment prêté volontairement, par tout le monde, pour le maintien de cette constitution, les remercîments sanctionnés solennellement, et confiés aux délégués envoyés au roi

et à la Diète, prouvent le degré d'estime et d'admiration dont est entourée cette œuvre. Ces preuves éclatantes ne résultent nullement de l'influence occulte que quelques palatinats ou districts peuvent exercer: mais c'est le témoignage général et unanime de la volonté de toutes les contrées du pays; c'est l'expression de ce profond sentiment dont le puissant relief n'a jamais pu être le fruit de l'intrigue, de la contrainte ou de la tromperie. La preuve en est dans l'intime attachement de la nation à cette œuvre, car elle y voit l'affermissement de ses franchises, la certitude de sa prospérité et la consolidation de sa tranquillité.

Cet état de choses, fidèlement retracé ici, détruit les soupçons sur l'existence d'un parti qui, selon la lettre de la déclaration russe, n'aurait eu pour but que de satisfaire les vues d'une domination personnelle au détriment de l'égalité générale, et de représenter l'acte par lequel la Russie avait garanti les constitutions de la Pologne comme un joug pesant et avilissant.

Toute la nation polonaise n'a qu'une opinion sur la nature d'une garantie qui est d'accord avec les principes du droit public reconnus dans tous les siècles et chez tous les peuples. Les efforts de pareils actes ne peuvent intéresser des tiers qui voudraient attenter à un État dans ses prérogatives garanties par une autre puissance; et, dans ce cas-là, la garantie devient une sauvegarde de la tranquillité publique : toute autre explication donnée à cela ne saurait être que préjudiciable et nuisible à l'indépendance nationale. L'exemple de l'empire germanique n'est point une exception à cette règle généralement adoptée. Cet empire, composé de plusieurs États indépendants, trouve dans une garantie mutuelle la confirmation solide des droits qui leur sont propres contre les usurpations mutuelles. Cet exemple ne peut être ni cité ni adapté à la République polonaise, parce qu'elle forme un seul et unique corps politique. Un acte de garantie appliqué à un État et qui pourrait être tourné contre le garant, serait en contradiction manifeste, dans sa lettre et dans ses effets, avec lui-même, d'autant plus que ce n'est que le pouvoir légal de la République qui pourrait seul faire appel à une intervention jugée nécessaire; mais que quelques citoyens isolés, mécontents du gouvernement régulièrement établi, cherchent cette même intervention, et, en se pa

« PreviousContinue »