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dant en conséquence comme nécessaire, à cause des prétentions récemment manifestées, de pourvoir aux moyens de repousser toute agression à laquelle leurs propres possessions ou celles de l'un d'eux pourraient se trouver exposées en haine des propositions qu'ils auraient cru de leur devoir de faire et de soutenir d'un commun accord par principe de justice et d'équité, et n'ayant pas moins à cœur de compléter les dispositions du traité de Paris, de la manière la plus conforme qu'il serait possible à son véritable sens et esprit, à ces fins, ont résolu de faire entre eux une convention solennelle et de conclure une alliance défensive.

Art. I. Les hautes puissances contractantes s'engagent réciproquement, et chacune d'elles envers les autres, à agir de concert avec le plus parfait désintéressement et la plus complète bonne foi, pour faire que, en exécution du traité de Paris, les arrangements qui doivent en compléter les dispositions, soient effectués de la manière la plus conforme qu'il sera possible au véritable esprit de ce traité; que si, par la suite et en haine des propositions qu'elles feront et soutiendront d'un commun accord, leurs possessions étaient attaquées, alors, et dans ce cas, elles s'engagent à se tenir pour attaquées toutes trois, à faire cause commune entre elles, et à s'assister mutuellement pour repousser une telle agression, avec toutes les forces spécifiées. ci-après.

Art. II. Si, par le motif exprimé ci-dessus, et pouvant seul amener le cas de la présente alliance, l'une des hautes parties contractantes se trouvait menacée par une ou plusieurs puissances, les deux autres parties devront, par une intervention amicale, s'efforcer, autant qu'il sera en elles, de prévenir l'agression.

Art. III. Dans le cas où leurs efforts pour y parvenir seraient insuffisants, les autres puissances contractantes promettent de venir immédiatement au secours de la puissance attaquée, chacune d'elles avec un corps de 150 000 hommes.

Art. IV. Chaque corps sera respectivement composé de 120 000 hommes d'infanterie, et de 30 000 hommes de cavalerie, avec un train d'artillerie et de munitions proportionné au nombre des troupes.

Art. V. Les parties contractantes n'ayant aucune vue d'agrandissement, et n'étant animées que du seul désir de se protéger dans l'exercice de leurs droits, s'engagent, pour le cas où (ce qu'à Dieu ne plaise!) la guerre viendrait à éclater, à considérer le traité de Paris comme ayant force pour régler, à la paix, la nature, l'étendue et les frontières de leurs possessions respectives. Metternich.

Talleyrand.

Castlereagh.

Note circulaire diplomatique de lord Castlereagh, adressée au Congrès de Vienne, en protestant contre toute espèce de partage de la Pologne, et de la nécessité de la rétablir dans ses limites de 1772. Vienne, le 12 janvier 1815.

En désirant que la présente Note relative aux affaires de Pologne soit insérée au protocole, le soussigné, principal secrétaire d'État de Sa Majesté Britannique pour le département des affaires étrangères, et son plénipotentiaire au Congrès de Vienne, n'a pas le projet de faire renaître des difficultés ni d'arrêter la marche des arrangements dont on s'occupe.

Il a seulement pour objet de se prévaloir de cette occasion, pour y consigner, d'après l'ordre positif qu'il en a reçu de sa Cour, l'opinion du Gouvernement britannique sur une question qui pour l'Europe est de la plus haute importance.

Dans le cours des discussions qui se suivent à Vienne, le soussigné a eu occasion de s'opposer plusieurs fois avec force, au nom de sa Cour, pour des motifs qu'il n'est pas nécessaire en ce moment de déduire, au rétablissement d'un Royaume de Pologne, en union avec la Russie, et comme devant faire partie de cet Empire.

Le vou que sa Cour a constamment manifesté a été de voir en Pologne un Etat indépendant, plus ou moins considérable en étendue, qui serait régi par une dynastie distincte et formerait une puissance intermédiaire entre les trois grandes monarchies. Si le soussigné n'a pas eu l'ordre d'insister sur une semblable mesure, le seul motif qui ait pu retenir a été la crainte de faire naître parmi les Polonais des espérances qui auraient pu devenir ensuite une cause de mécontentement, puisque d'ailleurs tant d'obstacles paraissent s'opposer à cet arrangement.

L'Empereur de Russie, ainsi qu'il a été déclaré, persistant d'une manière invariable dans son projet d'ériger en Royaume, pour faire partie de son Empire, la portion du grand-duché de Varsovie qui doit lui revenir, ainsi que le tout ou partie des provinces polonaises qui appartiennent déjà à Sa Majesté Impériale; et Leurs Majestés l'Empereur d'Autriche et le Roi de Prusse, qui sont le plus immédiatement intéressés dans cet arrangement, ayant cessé de s'y opposer, il ne reste plus au soussigné, qui néanmoins ne peut se départir de ses premières représentations sur ce sujet, qu'à former sincèrement le vœu qu'il ne résulte, 1. Kluber, IX, 40; Martens, NS I, 377.

pour la tranquillité du Nord et l'équilibre général de l'Europe, aucun des maux que cette mesure peut faire craindre, et qu'il est de son pénible devoir d'envisager.

Mais afin d'obvier autant que possible aux funestes conséquences qui peuvent en résulter, il est d'une haute importance d'établir la tranquillité publique dans toute l'étendue du territoire qui composait anciennement le Royaume de Pologne, sur quelques bases solides et libérales qui soient conformes à l'intérêt général, et d'y introduire, quelle que soit d'ailleurs la différence des institutions politiques qui s'y trouvent actuellement établies, un système d'administration dont les formes soient à la fois conciliantes et en rapport avec le génie de ce peuple.

L'expérience a prouvé que ce n'est pas en cherchant à anéantir les usages et les coutumes des Polonais que l'on peut espérer d'assurer le bonheur de cette nation, et la paix de cette partie importante de l'Europe. On a tenté vainement de leur faire oublier, par des institutions étrangères à leurs habitudes et à leurs opinions, l'existence dont ils jouissent comme peuple, et même leur langage national. Ces essais, suivis avec trop de persévérance, ont été assez souvent répétés et reconnus comme infructueux. Ils n'ont servi qu'à faire naître le mécontentement et le sentiment pénible de la dégradation de ce pays, et ne produiront jamais d'autres effets que d'exciter des soulèvements et de ramener la pensée sur des malheurs passés.

D'après ces motifs, et pour se joindre cordialement à l'unanimité des sentiments que le soussigné a eu la satisfaction de voir partagés par les divers Cabinets, il désire avec ardeur que les augustes monarques auxquels ont été confiées les destinées de la nation polonaise, puissent être amenés, avant de quitter Vienne, à s'engager les uns envers les autres de traiter comme Polonais la partie de ce peuple qui pourra se trouver placée sous leur domination respective, quelles que soient d'ailleurs les institutions politiques qu'il leur plaira d'y créer.

La connaissance d'une telle détermination, en honorant ces souverains, tendra plus que toute autre chose à leur concilier l'affection de leurs sujets Polonais; et de semblables moyens paraissent être les plus directs et les moins dangereux pour les disposer à vivre tranquilles et satisfaits sous leurs Gouvernements respectifs.

Si ce résultat peut être heureusement obtenu, l'objet que Son Altesse Royale le Prince Régent a le plus à cœur, savoir le bonheur de ce peuple, se trouvera accompli; et il ne lui restera plus qu'à souhaiter que l'indépendance de l'Europe n'ait à courir aucun des dangers que l'on peut si justement appréhender pour elle, de la réunion de la puissante monarchie de Pologne à l'Empire de Russie, plus puissante encore, s'il arrivait que les forces militaires de ces deux Etats se trouvassent, par la suite des temps, entre les mains d'un prince ambitieux et guerrier.

Castlereagh.

Réponse à la précédente Note circulaire de lord Castlereagh, présentée par MM. les Plénipotentiaires russes.

Vienne, 19 janvier 1815'.

La Note remise par M. le vicomte de Castlereagh, secrétaire d'État de Sa Ma1. Kluber, IX, 44; Martens, NS I, 379.

jesté Britannique, insérée au protocole des conférences et qui a trait aux arrangements des affaires de Pologne, a été portée à la connaissance de Sa Majestė l'Empereur de Russie.

Les soussignés, après avoir pris à cet égard les ordres de leur auguste maître, se font un devoir de communiquer la réponse suivante et prient également leurs collègues de la faire insérer dans le protocole.

La justice et la libéralité des principes consignés dans la Note anglaise, ont fait éprouver à Sa Majeste Impériale la plus vive satisfaction. Elle s'est plu à y reconnaître les sentiments généreux qui caractérisent la nation anglaise et donnent la juste mesure des vues grandes et éclairées de son Gouver

nement.

Leur conformité avec ses propres intentions, et surtout les développements que le plénipotentiaire de Sa Majesté Britannique a donnés dans cet écrit à des maximes politiques, en les appliquant à la négociation actuelle, ont été envisagés par Sa Majesté Impériale comme très-propres à favoriser les mesures conciliatrices proposées par elle à ses alliés, dans l'unique but de contribuer à l'amélioration du sort des Polonais, autant que le désir de protéger leur nationalité peut se concilier avec le maintien d'un juste équilibre entre les puissances de l'Europe, qu'une nouvelle répartition de forces doit désormais établir.

A cette considération se joignent celles non moins importantes qui démontrent l'impossibilité de faire renaître, dans l'ensemble de ses combinaisons primitives, cet ancien système politique de l'Europe dont l'indépendance de la Pologne faisait partie,

La réunion de ces motifs a dû nécessairement borner la sollicitude de Sa Majesté Impériale en faveur de la nation polonaise, au seul désir de procurer aux Polonais, sujets respectifs des trois parties contractantes, un mode d'existence qui satisfasse leurs vœux légitimes, et qui leur assure tous les avantages compatibles avec les convenances particulières de chacun des États sous la souveraineté desquels ils se trouvent placés.

Tel est l'esprit de modération qui a dicté toutes les transactions réglementaires que Sa Majesté Impériale a jugé nécessaire de proposer à ses augustes alliés; en favorisant et en appuyant, par la coopération la plus amicale, l'accomplissement des mesures tendantes à améliorer le sort des Polonais, et par cela même à cimenter leur attachement pour les dominations respectives auxquelles ils sont affiliés, l'Empereur croit avoir prouvé toute la droiture et la loyauté de ses sentiments. Sa Majesté envisage ce ralliement des Polonais à leurs Gouvernements et à leurs Souverains, moyennant une équitable conciliation de leurs intérêts les plus chers, comme l'unique garantie des rapports permanents qu'il est si essentiel de consolider entre les trois Etats, tant pour la sécurité réciproque de leurs possessions que pour le repos de l'Europe entière.

L'ambition d'un Souverain légitime ne peut tendre qu'à assurer le bonheur des peuples que la Providence lui a confiés et qui ne peuvent prospérer que sous l'égide d'une parfaite sécurité et par une attitude calme sans être agressive. Nulle force ne peut mieux garantir le repos universel de l'Europe et les vues pacifiques des États les uns à l'égard des autres que cette puissance de cohésion qui dérive de l'attachement d'un peuple pour sa terre natale, et du sentiment de la félicité.

Tels sont les liens par lesquels Sa Majesté Impériale désire attacher à son

Empire les Polonais placés sous son Gouvernement. Tels sont aussi les vœux qu'elle forme pour voir les mêmes résultats se réaliser dans les États des Souverains ses alliés, dont elle apprécie les vues éclairées et les intentions généreuses. En conséquence Sa Majesté se plaît à croire que le système conciliatoire et adapté aux circonstances qu'elle a suivi dans la présente négociation suffit pour bannir toute inquiétude et pour en faire disparaître jusqu'au moindre prétexte, si toutefois la réunion d'une partie de la nation polonaise à son Empire, par des liens constitutionnels, avait pu y donner lieu.

Mais, indépendamment même des considérations qui résultent des principes sur lesquels vont se fonder les relations entre les parties contractantes, l'Empereur en appelle avec confiance à sa conduite passée pour répondre à tout soupçon qui se perd dans le vague des combinaisons futures. Il est dans la ferme persuasion que le seul aperçu de ce qu'il a entrepris et achevé à la tête de son peuple, dans la vue de rétablir et de consolider l'indépendance des États européens, présente la garantie la plus rassurante du maintien de ce système d'équilibre qui, placé désormais sous la sauvegarde des puissances du premier ordre et à l'abri de toute prépondérance, aura acquis par la politique loyale de la Russie les moyens de résister, s'il le faut, à la force même qui aura le plus contribué à l'établir.

D'ailleurs, Sa Majesté Impériale s'applaudit de la conformité d'intentions et de sentiments manifestés en cette occasion par Son Altesse Royale le Prince Régent d'Angleterre, ainsi que de l'esprit de conciliation dont le vicomte de Castlereagh est constamment animé. Elle se plaît à en tirer le plus heureux présage pour l'issue des négociations actuelles.

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Réponse à la Note de lord Castlereagh, présentée par M. le premier plénipotentiaire de la Prusse.

Vienne, 30 janvier 18151.

Le soussigné ayant pris les ordres du Roi son auguste maître sur la Note de Son Excellence mylord Castlereagh concernant les arrangements des affaires de Pologne, s'empresse de témoigner à Son Excellence que les principes qui y sont développés sur la manière d'administrer les provinces polonaises placées sous la domination des différentes puissances, sont entièrement conformes aux sentiments de Sa Majesté.

Assurer la tranquillité de ces provinces par un mode d'administration adapté aux habitudes et au génie de leurs habitants, c'est là réellement l'établir sur la base solide et libérale d'un intérêt commun. C'est en agissant ainsi qu'on montre aux peuples que leur existence nationale peut rester libre de toute atteinte, quel que soit le système politique auquel le sort les a liés; qu'on leur apprend à ne pas confondre des idées qui, lorsqu'elles ne sont pas sagement séparées, ne cessent de faire naître, dans le repos même de la vie privée, des vœux et des espérances vagues de changements futurs; qu'on rattache fortement les sujets de nations différentes à un même gouvernement et qu'on les réunit dans une même famille.

Guidée par ces maximes que Sa Majesté Prussienne partage entièrement avec

1. Kluber, IX, 49; Martens, NS I, 384.

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