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contestées, et dureront à jamais dans le souvenir de la nation polonaise, dont les vœux ont été remplis par l'élévation d'un Piast à la couronne, en conséquence d'une élection unanime, enfin, la concorde, si nécessaire pour la conservation de la Constitution, a repris sa nouvelle force dans un temps où cette constitution paraissait toucher au moment d'être anéantie.

S. M. l'Impératrice, ma très-gracieuse souveraine, constamment guidée par les mêmes vues, et cédant aux instances des Polonais les plus distingués par leur amour pour la patrie et par la sagesse de leur conduite, s'est chargée de la garantie des résolutions prises par la dernière Diète, pour le redressement des abus qui s'étaient glissés dans le gouvernement, et qui affligeaient la nation entière. La seule crainte des entreprises que les étrangers pourraient tenter de faire contre ces règlements, l'a portée à cette démarche, et il n'y a point de patriote sensé et impartial qui ne soit convaincu de cette vérité.

Dans la même Diète, S. M. Impériale a rendu à la République une partie de ses membres, qu'une haine injuste et le fanatisme, couverts du manteau de la religion, avaient persécutés au point qu'à peine leur avait-on laissé la libre jouissance de l'air; et, en cela, elle n'a fait que suivre ses sentiments d'humanité, et remplir les anciens engagements contractés par son empire, de veiller à la conservation de cette portion de citoyens.

Les conventions les plus sacrées et les plus solennelles imposent également à tous les princes, qui professent la même religion que ces citoyens, le devoir de les défendre. Aussi l'ont-ils rempli de leur côté, tant en faisant les remontrances les plus pressantes, qu'en se concertant publiquement ensemble pour le soutien d'une cause si légitime, et qui a été défendue avec tant de persévérance par S. M. l'Impératrice.

La sérénissime République de Pologne se flattait qu'en resserrant, par la conclusion d'un traité aussi juste que nécessaire, les liens de l'amitié qui l'unit avec l'empire russe, qu'en tarissant les sources des troubles domestiques, qu'en corrigeant les vices du gouvernement, et qu'en établissant la constitution sur des fondements solides et inébranlables, elle recueillerait les fruits de sa sagesse et de son amour pour l'équité, et jouirait

d'une paix non interrompue, tant dans l'intérieur qu'au dehors du gouvernement.

Mais, tout à coup, des gens envieux du bonheur de la République, et jaloux de la gloire de S. M. l'impératrice de toutes les Russies, ont fait évanouir toutes ces espérances. La Diète avait à peine achevé ses salutaires opérations, qu'une multitude de séditieux, qui ne consultent que leurs passions, et qui se sont laissé éblouir aux attraits d'une séduction étrangère, s'est révoltée contre le pouvoir suprême et législatif dont la Diète seule est revêtue, et dont elle s'est servie avec tant de prudence. Ces rebelles, non contents d'avoir bravé la puissance suprême et d'avoir déclaré la guerre à leur patrie, ont poussé l'insolence et la témérité à laquelle ils ont joint les plus infâmes artifices, jusqu'à prendre les armes directement contre l'empire russe, en attaquant les troupes auxiliaires que S. M. l'Impératrice avait accordées à la République de Pologne, par un mouvement d'amitié, et dans la seule vue du salut de cette même République. Iis se sont même efforcés de corrompre les sujets les plus fidèles de l'empire russe, et les ont excités à la révolte. Se voyant, quelque temps après, dans l'impuissance d'exécuter par euxmêmes leurs projets insensés, et n'imaginant cependant d'autres moyens de prévenir leur ruine que le bouleversement total de leur patrie, ils sont parvenus à étouffer en eux-mêmes tout sentiment d'amour pour leur patrie et pour leur religion, ainsi que toute espèce de pudeur, au point d'engager l'ennemi éternel du nom chrétien à prendre leur défense et à faire la guerre à la Russie même, dans la Pologne, et de lui proposer, de leur propre mouvement, un partage des provinces de la République dont la conservation a coûté tant de sang aux Polonais et à tous les chrétiens.

Il est vrai que jusqu'ici les confédérés rebelles ont caché à leurs concitoyens ces criminelles manœuvres, et qu'ils ont tâché de couvrir du prétexte de la défense de la religion chrétienne, cette guerre, que le destructeur de la foi n'a entreprise qu'avec leur secours, et dont les prétendus succès ne peuvent être suivis que de l'esclavage le plus dur et le plus affreux de plusieurs milliers de chrétiens et de citoyens libres. Ce prétexte spécieux de religion, inventé avec tant d'artifice, et toutefois

suffisamment dévoilé par leurs actions, semblables à un poison subtil, a fait une impression si vive et si prompte sur le peuple, que la vue des dangers qui menacent les particuliers et la République entière, ne peut le guérir de son erreur. Les rapines et les passions aveugles et criminelles du grand nombre se prêtent un aliment et une force réciproque. Plus les rapines se multiplient, plus l'avidité s'augmente, et il n'y a pas en ce moment un seul endroit en Pologne où la vie, les propriétés et l'honneur des citoyens soient en sûreté. Les lois établies pour punir ces violences sont sans vigueur; le commerce est anéanti; en un mot, rien n'est à l'abri du pillage et des excès de ces brigands furieux, qui ne subsistent et ne font subsister leurs pareils que par des vols et des massacres.

S. M. Impériale, voyant l'état déplorable des affaires de Pologne, a ordonné qu'on rassemblât ses troupes dans les provinces de la République les plus voisines de l'empire ottoman, et m'en a confié le commandement, pour faire échouer, par tous les moyens possibles, les projets injustes de l'ennemi commun de la chrétienté, et ceux de ces séditieux qui, pour s'allier avec lui, n'ont pas craint de faire les plus grands sacrifices.

L'armée russe, dont j'ai été nommé le chef, commençant à marcher maintenant contre les ennemis, sous la grâce de Dieu, qui protége la justice et le christianisme, j'ai cru qu'il était de mon devoir d'exhorter tous les vrais citoyens et les amis de la patrie à seconder de tout leur pouvoir cette expédition, d'où dépend évidemment le salut de la sérénissime République de Pologne.

Les troupes que je commande sont prêtes à marcher contre les ennemis, pour défendre les intérêts de l'empire russe, et surtout pour soutenir la nation polonaise et mettre à couvert ses États et sa liberté; et je prie tous les citoyens de Pologne de n'envisager, en secondant mes opérations, que la propre cause de leur patrie. Quoique je ne doute nullement que mes exhortations ne produisent tous les effets que je peux en attendre, je me crois cependant obligé de faire savoir à tout le monde que s'il arrivait qu'on n'y eût pas égard, les troupes que ma trèsgracieuse souveraine a résolu de faire marcher contre l'ennemi de la chrétienté, et contre les rebelles confédérés qui se sont

ligués avec lui, agiront hostilement, sans exception, contre tous ceux qui mettront directement ou indirectement des obstacles à mes entreprises, et favoriseront ouvertement ou en secret celles des ennemis de S. M. Impériale. Ceux qui se seront mis dans ce cas, n'auront à attribuer qu'à eux-mêmes tous les maux qu'ils s'attireront par leur imprudence, leur témérité et leur perfidie. Comme c'est de ces mesures que dépendra tout le succès de mes opérations militaires, ainsi que la sûreté des troupes qui m'ont été confiées, il est d'autant plus essentiel qu'elles soient suivies ponctuellement, qu'il serait à craindre que, dans le cas contraire, S. M. Impériale n'obtint pas l'effet de la ferme résolution qu'elle a prise de conserver à la République toutes les possessions dont les rebelles se sont engagés à donner une partie à l'ennemi. Le prince Galitzyne.

Réponse de la Turquie, par l'entremise d'Ahmet-Sélim, pacha de Bender, de Silistrie et de la Bessarabie, au manifeste russe de Galitzyne, daté de Kiiow des 3-14 mars 1769.

Près Bender, à Katouschany, 30 mai (24 moharem 1183) 1769'. Ahmet-Sélim, aga, pacha de Bender, de Silistrie et de toute la Bessarabie, séraskir à trois queues, commandant les armées innombrables et invincibles de la Sublime-Porte-Ottomane, destinées à défendre nos voisins et amis les confédérés polonais de Bar contre les Moskovites violateurs de la religion, de la vérité et de la liberté polonaise. Que cette guerre obtienne une fin heureuse, bénie par le Tout-Puissant et assistée des prophètes!

Tout aussitôt que j'ai appris par nos fidèles musulmans qu'un manifeste moskovite, daté de Kiiow le 3-14 mars et signé par le prince Galitzyne, commandant les troupes moskovites dans les États libres de la République polonaise, a paru dans le public, j'ai voulu en prendre connaissance, et ce manifeste m'a été traduit par les braves confédérés polonais qui se trouvent près de moi.

Je me suis convaincu que ce manifeste est un tissu de mensonges; d'un bout à l'autre il ne contient que des calomnies;

1. Chodzko, Hist. popul. de Turquie, 1856, p. 69.

aussi je l'ai fait publier en notre langue, comme également je fais traduire en langue polonaise mon manifeste actuel, afin qu'il puisse être compris non-seulement par les citoyens de la Pologne et de la Lithuanie, mais encore par les Moskovites euxmêmes, qui mangent depuis si longtemps le pain de la Pologne, et qui, par conséquent, ont assez de temps pour apprendre l'idiome polonais.

Nous avons été instruits de tout de la manière la plus exacte par les Polonais les plus distingués, et nous avons voulu répondre par le présent manifeste, conformément aux ordres et au désir du plus grand et du plus puissant des souverains, Sa Hautesse le sultan Padischah, dont la sagesse règne sur trois parties du monde et devant l'omnipotence duquel toutes les têtes s'inclinent.

Personne n'ignore que la Russie est arrivée à un si haut degré de puissance uniquement par le mensonge, la perfidie et le mépris le plus audacieux des saintes promesses, son dernier procédé à l'égard de la Sublime-Porte-Ottomane en donne une preuve suffisante. La Russie a pareillement répandu les mensonges les plus odieux contre la Pologne, et cela uniquement afin de trouver une occasion de la soumettre à son empire et de lui ravir sa liberté.

Mais ce n'est là qu'une partie des motifs qui forcent la Sublime-Porte à déclarer la guerre à cette puissance. La SublimePorte n'est pas habituée aux trahisons, elle a toujours considéré une promesse faite à la face du monde comme sainte et irrévocable. Les livres de notre saint prophète nous ont ordonné d'être fidèles à notre parole, de dire la vérité hautement et publiquement, de la conserver toujours dans nos Notes officielles, sans l'altérer ni l'affaiblir en rien.

Mais cette nation de giaours, ce peuple d'infidèles se fait comme un plaisir de violer les traités du Pruth (1711), de Belgrade (1739) et de Karlovitz (1699), principalement en ce qui regarde l'indépendance de la Pologne et la liberté d'élection du roi, article cependant garanti de commun accord avec les puissances voisines, qui ont promis de ne jamais gêner la liberté de leurs délibérations ni celle de leurs cours de justice. Puisse le Seigneur, qui peut tout, répandre sa bénédiction sur nos âmes

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