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treprise si salutaire, pour fonder par des assurances non équivoques la confiance qu'elle cherche de perpétuer dans l'esprit des Polonais, pour ôter tous les nouveaux subterfuges aux soupçons, aux mauvaises interprétations, aux influences de l'envie et de la jalousie, et à tant d'inspirations sinistres qui ont excusé le précipice où la nation est tombée, l'ambassadeur de S. M. Impériale de toutes les Russies fera connaître ici les sentiments et les dispositions inaltérables de sa souveraine, qu'elle-même lui a ordonné de rendre publics :

1o Que S. M. Impériale, toujours sincèrement touchée des malheurs dont la nation polonaise est affligée, est résolue d'employer les derniers efforts, dictés par sa générosité et sa fermeté, pour concilier les esprits et pour pacifier les troubles;

2o Que S. M. Impériale invite la nation à se réunir en déposant toute haine particulière et en se garantissant contre les vues intéressées des particuliers qui l'ont entraînée dans tous les malheurs, et à s'occuper sérieusement des moyens de mettre fin aux calamités de leur patrie;

3o Que S. M. Impériale voyant avec regret que le faux jour sous lequel sa participation aux affaires de la République a été représentée chez une partie de la nation par les envieux du repos public, contribue malheureusement à nourrir et entretenir les troubles, a donné les ordres les plus précis à son ambassadeur de travailler à ramener les esprits, en les éclairant sur les vraies intentions de l'impératrice, et en concertant avec la nation même les moyens de la tranquilliser sur tous ses droits;

4° Que pour parvenir à cette fin, il est nécessaire que les bien intentionnés, qui aiment véritablement leur patrie, s'entendent avec l'ambassadeur sur les moyens de pacifier la République et d'en déraciner tous les troubles par les voies les plus légales;

5° Que l'ambassadeur apportera dans la négociation toutes les facilités qui peuvent convaincre la nation du désintéressement de Sa Majesté, et qu'elle n'a jamais rien fait ni souhaité qui puisse nuire à l'indépendance de la République ;

6° Que ceux de la nation qui se sont laissé entraîner à la séduction et à l'erreur sur les sentiments et les actions de l'impératrice, au point de prendre les armes pour se précautionner contre des terreurs imaginaires, et, en attendant, accablent leur

patrie sous le poids des maux les plus réels et les plus pressants, sont également invités à donner accès à un amour de la patrie mieux éclairé et plus salutaire en entrant dans les voies légales de pacification qui vont leur être ouvertes, et dont le succès est aussi certain pour le bonheur de tous que la violence a été fatale à tout l'État, et continuera de l'être si l'on n'y renonce volontairement;

7° Que, pour cet effet, chacun de ceux mêmes qui ont porté jusqu'ici les armes pour augmenter les malheurs de leur patrie, et qui désormais voudraient rester tranquilles dans leurs maisons et s'abstenir de toutes hostilités, sont sûrs de n'être point poursuivis ni inquiétés par les troupes de S. M. Impériale;

8° Que les ordres les plus précis et les plus clairs sont déjà annoncés pour cet effet à tous les chefs et commandants des troupes impériales qui se trouvent en Pologne, aussi bien qu'un ordre immédiat, signé de sa haute main, pour observer la plus exacte discipline, dont les habitants, autant que la nécessité absolue de pourvoir à la subsistance des troupes le permet, sentiront l'effet le plus prompt et le plus salutaire.

Après avoir exposé les vues, les désirs et les intentions magnanimes de S. M. Impériale de toutes les Russies, son ambassadeur, en se félicitant de l'honneur de les annoncer à l'illustre nation polonaise, se bornera à ajouter, pour sa personne, que l'impartialité, le travail, le zèle et l'activité qui, en lui, sont l'effet du devoir, le seront aussi d'un penchant vivement senti à sacrifier ses dernières forces pour faire le bien et pour servir dignement à un si grand dessein. Comte de Saldern.

Dépêche confidentielle du roi Frédéric II à son ambassadeur en Russie, comte de Solms, en témoignant sa joie des intentions de Catherine II pour hater le partage de la Pologne.

Potsdam, 14 juin 1771'.

Je suis si satisfait de votre dépêche du 2 de ce mois, que quand même je n'acquerrais pas un village de la Prusse polonaise, la façon de penser de la Cour de Pétersbourg, sincère et aimable, me tiendrait de toute possession ultérieure. Cepen

1. Archives de Prusse.

dant, comme cette Cour se trouve dans des dispositions aussi avantageuses, je crois, pour commencer par ce qui me regarde, je crois qu'on pourrait lui proposer la possession de la Pomérellie, excepté Dantzig, et, pour équivalent de cette ville, la starostie de Culm (Chelmno) et de Marienbourg (Malborg), ou, si cette proposition paraissait trop difficultueuse, au lieu de la Pomérellie: la Warmie, Elbing, Marienbourg et Culm. Mais la première proposition sera toujours la plus avantageuse, si vous pouvez l'arranger ainsi, parce qu'elle me donne une communication avec la Prusse ducale, dont autrement je demeure toujours coupé par la Pologne. Je me confie à votre zèle et à votre habileté de faire réussir la première.

Quant aux affaires qu'il s'agit de traiter à l'occasion de cette acquisition, je crois qu'il est absolument nécessaire qu'il se fasse une convention, entre les deux Cours, de leurs acquisitions mutuelles, et, pour cet effet, vous en trouverez le plan ci-joint.

Je n'entre point dans la portion que la Russie se destine, et j'y ai laissé exprès table rase pour qu'elle la règle selon ses intérêts et son bon plaisir.

A présent, j'entre en discussion de ce que demande l'exécution de ce plan, et je commence par applaudir sincèrement au comte de Painne, qui, en communiquant aux Autrichiens ses propositions de la paix, n'a fait aucune mention de la Pologne et de son démembrement, parce qu'il est prudent d'attendre les sentiments de la Cour de Vienne sur la paix avant de lui faire de nouvelles propositions.

J'espère qu'on aura à la Cour de Pétersbourg assez de confiance en moi pour croire que, si je puis rendre le prince de Kaunitz coulant par mes représentations, je le ferai, mais à présent je suis bien éloigné de gouverner ces gens qui, dans le fond, demeurent les ennemis irréconciliables de ma Maison. Après tout, quand il s'agit de faire une paix de l'importance, la Cour de Pétersbourg doit se préparer à trouver des obstacles, quoique avec vérité il faut avouer qu'en considérant ses succès, ses propositions sont modérées, mais il faut se préparer à cela, et, avec un peu de fermeté et de liant dans la négociation, l'impératrice de Russie réussira dans le gros de l'affaire. Je crois donc

qu'il ne faudra parler de nos droits respectifs, dont, de notre côté, les déductions sont prêtes, que lorsque la négociation avec les Turks aura commencé à prendre consistance. Les raisons en sont qu'il ne faut pas effaroucher tout à fait la Cour de Vienne par des objets trop multipliés, et que lorsque la négociation de la paix sera arrivée à un certain point de consistance, il ne dépendra plus des Autrichiens de la rompre, si nous déclarons alors unanimement nos vues sur la Pologne, en nous fondant sur l'exemple que la Cour de Vienne nous en a donné par sa prise de possession de certaines starosties, dont on la laisse jouir tranquillement. Elle n'aura premièrement rien de bon à répondre, parce qu'elle a été la première à nous montrer le chemin. En second lieu, j'ai tâché de me mettre en ce temps aussi bien au fait que possible de ses ressources, et voici ce qui m'en revient. Elle ne peut compter en rien sur l'assistance de la France, qui se trouve dans un état d'épuisement si affreux, qu'elle n'a pu donner aucun secours à l'Espagne, qui se trouvait sur le point de déclarer la guerre à l'Angleterre, et si cette guerre ne s'est pas faite, il faut l'attribuer uniquement au bouleversement des finances de la France. Or, voici donc comme je raisonne si la Cour de Vienne a même envie de faire la guerre, voudra-t-elle la déclarer, sans espoir d'aucun allié, à la Russie et à la Prusse en même temps? Cela ne me paraît ni vraisemblable, ni probable; ainsi, nous n'avons rien à craindre avec le projet d'acquisition sur la Pologne. Je garantis aux Russes tout ce qui se trouve de leur convenance, ils en feront autant envers moi, et, supposé que les Autrichiens trouvassent leur portion en Pologne trop faible, en comparaison de la nôtre, et qu'on voulût les satisfaire, il n'y aurait qu'à leur offrir cette lisière de l'État de Venise qui les coupe de Trieste, pour les mettre en repos, et quand même ils feraient les méchants, je vous réponds sur ma tête que notre union bien constatée avec la Russie les fera passer par tout ce que nous voudrons. C'est pourquoi je prends sur moi toutes les garanties que la Russie exigera, des terrains qu'elle trouve convenables à son arrondissement, et je crois que je ne risque certainement pas la guerre à donner ces garanties. Cette affaire ne demande que de la contenance et de la fermeté, et je réponds d'autant plus de la réus

site, que ceux qui pourraient s'y opposer, savoir les Autrichiens, ont affaire à deux puissances et n'ont personne pour les épauler.

J'espère que vous ferez un bon usage de cette dépêche, et qu'au retour du courrier vous me renverrez la convention signée. Frédéric.

Convention entre l'Autriche et la Turquie à l'occasion de la guerre actuelle entre la Russie et la Turquie, et pour sauvegarder les triples intérêts politiques, militaires et commerciaux de l'Autriche, de la Pologne et de la Turquie contre les rapacités moskovites.

Constantinople, 6 juillet 1771'.

Comme la Cour impériale et la Sublime-Porte-Ottomane se sont toujours occupées à remplir avec sincérité les devoirs mutuels, fondés sur le puissant lien d'un bon voisinage et d'une paix perpétuelle, et n'ont jamais cessé de rechercher avec affection et cordialité les moyens les plus propres à consolider et à resserrer de plus en plus les nœuds fortunés de la bienveillance réciproque; sur ces entrefaites, le cours du repos des nations et de la prospérité publique ayant été interrompu par le commencement et la durée d'une guerre qui depuis quelque temps s'est élevée entre la Sublime-Porte et la Russie, par un concours d'accidents, les deux Cours, en conséquence de leurs sentiments mutuels, ont cru devoir prendre amicalement en considération la manière la plus efficace pour faire cesser au plus tôt un fléau aussi préjudiciable à la tranquillité générale, en rétablissant la paix d'une façon convenable à la dignité de l'empire ottoman, et comme à cette fin on a cru à propos et jugé nécessaire, pour la prompte exécution d'un dessein aussi salutaire, d'établir de concert une convention sur certains points, et les désirs et les vœux des deux parties ne pouvant que se réunir pour l'augmentation d'un objet qui devait produire un succès si heureux, à cet effet, et pour commencer et régler au plus tôt cet ouvrage salutaire, la Sublime-Porte ayant constitué pour ses plénipotentiaires le très-excellent Ali-Mehemed-Emir-Effendi Kardilesker, actuel de Natolie, et Bey-Ismael Beg, substitué à

1. Martens, t. II, p. 19.

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