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Si la manière de voir du gouvernement de Sa Majesté sur cette question avait été partagée par l'Autriche et la Prusse, comme elle l'était par la France, les représentations des quatre puissances auraient probablement été couronnées de succès, mais l'Autriche et la Prusse ayant été d'accord avec la Russie dans son interprétation du traité de Vienne et ayant appris les changements que le · gouvernement russe se proposait de faire dans la constitution polonaise, il était évident que les remontrances de la Grande-Bretagne et de la France ne pourraient être efficaces, à moins d'être soutenues par une menace de guerre, menace dont l'exécution rencontrait trop d'obstacles, et par l'état général de l'Europe et par les négociations dans lesquelles la Grande-Bretagne a été et est encore engagée avec la Russie.

En appelant l'attention sur les affaires de Pologne, il faut donc user d'une grande délicatesse et de beaucoup de prudence. Il ne siérait pas à la puissance et à la dignité de l'empire britannique d'insister trop fortement sur certains points que, d'après les considérations qui précèdent, il serait inopportun, sinon impossible d'imposer par les armes. D'un autre côté, le gouvernement de Sa Majesté ne peut voir prendre des mesures qu'il croit en opposition avec le véritable esprit du traité de Vienne et qui ont causé une si grande sensation en Europe, sans exprimer clairement, quoique amicalement son opinion à cet égard.

Votre Seigneurie devra donc traiter l'abrogation de la constitution de la Pologne de mesure que le gouvernement britannique regrette profondément comme étant incompatible avec la véritable interprétation du traité de Vienne et funeste aux intérêts de la Russie elle-même. Vous rappellerez en même temps les représentations qui ont déjà été faites à ce sujet par l'ambassadeur de Sa Majesté à la Cour de Saint-Pétersbourg, mais vous n'insisterez pas à cet égard de façon à courir la chance, sans profit pour la Pologne, d'augmenter les difficultés qui existent déjà sur les divers objets sur lesquels votre attention est appelée dans cette dépêche.

Les traités de 1815, auxquels la Russie a participé (non-seulement l'acte général du congrès de Vienne, mais les traités séparés entre la Russie et la Prusse, stipulent clairement que la nationalité des Polonais sera maintenue. Mais le gouvernement de Sa Majesté a reçu des renseignements qui, s'ils étaient véridiques, tendraient à montrer de la part de la Russie l'intention bien arrêtée d'anéantir la nationalité de la Pologne et de la priver de tout ce qui, soit comme forme, soit comme fond, donne à ce peuple le caractère d'une nation séparée.

La suppression du drapeau polonais, l'introduction de la langue russe dans les actes publics, la translation en Russie de la bibliothèque nationale et des collections publiques renfermant des legs faits par des personnes à la condition qu'ils ne sortiront jamais du royaume de Pologne; la suppression des écoles et autres établissements d'instruction publique; le transport d'un grand nombre d'enfants en Russie, sous prétexte de les élever aux frais publics; la transportation de familles entières dans l'intérieur de la Russie; l'étendue et la sévérité de la conscription militaire; l'introduction considérable de Russes dans les emplois publics de Pologne; l'intervention dans l'Église nationale; tout cela semble être le symptôme d'une intention bien arrêtée d'effacer la nationalité politique de la Pologne et de la changer petit à petit en une province russe.

Il est évident, après la moindre réflexion, qu'un tel projet ne pourrait être mis à exécution. Vouloir changer quatre millions de Polonais assez compléte

ment pour leur donner le caractère de Russes, serait une tentative au succès de laquelle il serait difficile de fixer une limite, soit de temps, soit de persévérance. Mais la tentative amènerait l'exercice continuel et sévère de l'arbitraire qui créerait alors un sentiment général et puissant contre la Russie, et qui devrait être considéré comme étant une violation manifeste des engagements contractés par la Russie à Vienne en 1815.

Votre Seigneurie s'efforcera d'obtenir des renseignements exacts sur ce qu'il peut y avoir de vrai à cet égard, et si vous trouvez que les renseignements qui sont parvenus au gouvernement de Sa Majesté sont véridiques, vous saisirez toutes les occasions favorables pour engager le gouvernement russe, au nom de Sa Majesté, avec l'insistance et en même temps avec le franc-parler d'un ami sincère, à adopter un système plus doux et plus juste, en vous appuyant sur le traité de Vienne comme base du droit de Sa Majesté, de faire intervenir l'erpression de ses sentiments sur les affaires de Pologne.

Il est inutile de rappeler à Votre Seigneurie qu'il est très-important, non-seulement pour la réalisation des divers objets désignés dans ces instructions, mais aussi pour les intérêts permanents de la Grande-Bretagne, d'entretenir et d'augmenter, s'il est possible, les relations amicales qui existent si heureusement aujourd'hui entre ce pays et la Russie. Votre Seigneurie choisira à sa discrétion le moyen de presser les différents sujets dont je l'ai entretenue, de façon à produire le plus d'effet possible, sans en même temps causer la moindre offense; et Votre Seigneurie ne perdra aucune occasion convenable de persuader l'Empereur de l'amitié sincère et cordiale que Sa Majesté porte à Sa Majesté Impériale, et de déclarer que le désir de Sa Majesté est de conserver et de rendre plus étroits, s'il est possible, les liens d'alliance qui attachent les deux puissances dont l'union doit avoir pour effet salutaire la conservation de la paix du monde.

Palmerston.

Dépêche diplomatique de lord 'Durham à lord Palmerston, "annoncant que la Russie agit avec d'autant plus de liberté contre la Pologne, qu'elle est appuyée en cela par la Prusse et par l'Autriche, et qu'elle repousse toujours l'intervention des Cabinets de Londres et de Paris dans les affaires polonaises,

(Extrait.)

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Saint-Pétersbourg, le 22 août 18324

Le seul objet contenu dans mes instructions au sujet duquel je n'ai pas encore entretenu votre Seigneurie est celui de la Pologne. Hajah they say aft Eu égard à la difficulté et au côté délicat d'un tel sujet, j'ai pensé qu'il était préférable de ne pas l'entamer à la légère et, même d'en toucher quelques mots avec le comte de Nesselrode, avant d'avoir eu plusieurs fois l'occasion de le convaincre, ainsi que l'Empereur, du sentiment amical à l'égard de la Russie qui avait guide Sa Majesté dans l'établissement de cette ambassade, et avant d'avoir pu acquérir, comme j'espère l'avoir fait, sa bienveillance et sa confiance.

En attendant, j'ai examiné les archives de l'ambassade ici, afin de m'assurer

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exactement de la nature et de l'étendue des représentations qui avaient été faites précédemment au gouvernement russe sur ce sujet.

J'envoie à Votre Seigneurie le résultat de cet examen dans l'extrait ci-inclus, d'après lequel il paraît que non seulement nous avons constamment et ferme ment fait des remontrances sur les mesures adoptées en Pologne par la Russie comme étant contraires au traité de Vienne, auquel nous avons pris part, mais que durant la guerre qui a précédé l'adoption de ces mesures, nous n'avons cessé de faire au Cabinet de Saint-Pétersbourg des représentations qui si elles ayaient été écoutées, auraient prévenu toute infraction à la lettre et à l'esprit de ce traité.

Il paraît aussi que lorsque malgré nos remontrances, la constitution polonaise a été abrogée, nous avons formellement protesté contre cette mesure qui était à notre avis contraire aux stipulations du traité de Vienne.

L'exactitude de cette extirpation fut niée par ce pays-ci, par l'Autriche et la Prusse, et affirmée par la France; avec cette protestation et cette affirmation d'un côté, la justification et la dénégation de l'autre, la discussion a été close le 6 août de cette année.

Il m'a semblé qu'à moins que nous ne soyons préparés à appuyer notre manière d'envisager la question par un appel aux armes, il était inutile de revenir d'une façon formelle sur un objet où il ne s'était produit aucun fait nouveau qui pût changer la détermination prise préalablement par la Russie et à nous annoncée comme définitive.

Je savais que ni mon souverain ni ses ministres n'étaient préparés à continuer une guerre pour faire prévaloir notre interprétation du traité; que s'ils Teussent été, le temps d'une intervention militaire était passé et j'étais certain bien plus qu'à aucun temps que le Parlement d'Angleterre aurait donné son assentiment à une semblable guerre quelque pussent être les sentiments excités et la sympathie exprimée à la nouvelle des événements qui ont si malheureusement eu lieu dans ce malheureux pays.

Pour ces diverses raisons, je me décidai à ne pas remettre une Note officielle au comte de Nesselrode, sachant que dans ce cas je ne recevrais en réponse qu'une répétition de la dénégation formelle de la justice de notre raisonnement, et craignant que la publicité de notre intervention n'obligeât l'Empereur soit à prendre de nouvelles mesures de sévérité afin de prouver à ses sujets russes qu'il n'avait à subir aucun contrôle d'une puissance étrangère sur ce qu'ils considéraient comme étant l'administration de leurs affaires intérieures, soit que Sa Majesté Impériale se trouvât forcée pour les mêmes raisons de retarder ces mesures de conciliation qu'elles peuvent avoir en vue.

On ne peut nier qu'il existe une opinion publique en Russie; elle existe sans doute dans une classe et elle est exprimée d'une manière et par des voies qui different complétement de celles de notre pays, mais cependant quand cette opinion émane des nobles et des militaires, l'Empereur, malgré toute sa puissance, est obligé d'y céder,

Il existe depuis longtemps de la jalousie, non, de la haine entre les Russes et les Polonais. La dernière guerre était celle de laquelle semblait dépendre l'existence même de l'empire russe, plus spécialement après la déclaration des Polonais que l'Empereur était déchu de ses droits au trône. Tout acte de clémence ou de faveur de la part de l'Empereur à l'égard des Polonais a été et est encore regardé par les Russes avec jalousie et désapprobation.

Dans de telles circonstances, il m'a paru préférable de suivre la ligne de con

duite suivante. J'ai dit au comte de Nesselrode que dans mes instructions, j'étais chargé de lui parler des affaires de Pologne; que je sentais parfaitement combien cette question était délicate; qu'après un examen minutieux de tout ce qui s'était passé à cet égard entre lui et lord Heytesbury, j'avais trouvé que chacun des objets contenus dans mes instructions avait été déjà discuté avec lui, et présenté à l'Empereur; que je ne me croyais pas en conséquence appelé à renouveler par écrit les mêmes arguments et à protester contre les actes accomplis en Pologne, mais que je le priais néanmoins de bien comprendre que nous adhérions toujours et complétement à notre première opinion. Je lui dis aussi que les rapports qui étaient parvenus en Angleterre au sujet des sévérités déployées contre les Polonais avaient produit l'impression la plus défavorable sur l'opinion publique, aucune contradiction de ces actes n'ayant eu lieu, que lorsque j'en parlai au prince de Lieven il nia la véracité de ces bruits dans les termes les plus énergiques, mais me dit qu'il était au-dessous de la dignité de l'Empereur de s'occuper de telles calomnies.

Je dis que je regrettais profondément qu'une telle ligne de conduite ait été adoptée, que les motifs de ce silence n'étaient pas connus ou appréciés; qu'en même temps on ajoutait foi à ces accusations, ce qui créait un sentiment contre lequel aucun ministre en Angleterre ne pouvait lutter avec succès, dans l'impossibilité où il se trouvait soit de justifier ou de contredire les allégations erronées; qu'en conséquence il était de la plus grande nécessité que je fusse à même d'obtenir quelque renseignement qui pût relever tout d'un coup le gouvernement russe des imputations qui pesaient sur lui et de justifier l'aveu de ces sentiments d'amitié et de cordialité que le Cabinet anglais était si désireux de professer à l'égard de la Russie.

Le comte de Nesselrode me répondit qu'il était très-sensible au caractère amical et à la délicatesse des motifs qui m'avaient engagé à adopter ce mode de lui mentionner ce sujet, qu'il n'était sûrement pas nécessaire d'entamer de nouveau une question déjà résolue, que nous avions déclaré notre interprétation du traité de Vienne qui n'avait pas été partagée par trois des grandes puissances; que notre protestation avait été enregistrée. Il ne supposait pas que nous voulussions demander plus qu'un accusé de réception de cet acte, et que la Russie ne consentirait jamais à accepter l'exactitude de notre manière d'interpréter le traité, son opinion ayant été appuyée par l'Autriche et par la

Prusse.

Il se servit à peu près des mêmes expressions que le prince de Lieven, au sujet des accusations portées contre eux dans les journaux, en nia la véracité et me dit qu'avant mon départ je serais mis en possession de détails tels que je serais convaincu combien le gouvernement russe avait été calomnié.

Je lui assurai que je recevrais ces détails avec grand plaisir et que je serais heureux d'être ainsi le moyen de contredire des allégations și funestes aux intérêts des deux gouvernements, et je terminai la conversation en disant que tout acte de clémence que l'Empereur serait capable d'accomplir à l'égard des Polonais ne pourrait que produire un effet favorable en Angleterre.

J'ai relaté dans tous ses détails à Votre Seigneurie ce qui s'est passé entre le comte de Nesselrode et moi au sujet de la Pologne. Si vous pensez qu'une Note officielle doive être envoyée, veuillez avoir la bonté de me le faire savoir; j'ai donné mes raisons pour ne pas l'avoir fait jusqu'ici. Je pense que l'honneur de l'Angleterre a été suffisamment défendu par les déclarations précédentes, et je crains que la présentation d'une telle Note aujourd'hui puisse avoir pour effet

l'empêcher ou d'arrêter l'exécution de ces mesures de clémence à l'égard des Polonais, dont ce doit être notre plus vif désir de favoriser l'adoption.

Durham.

Ordre de Bloudoff, ministre de l'intérieur russe, à Loubianoffsky, gouverneur civil de Podolie, en lui expliquant les catégories des nobles polonais qui doivent être déportés en Kaukase.

Saint-Pétersbourg, le 14/26 août 1832'.

Dans votre rapport du 27 juillet, vous désirez voir éclaircir vos doutes au sujet de la transplantation au Kaukase des ci-devant gentilshommes polonais, aujourd'hui bourgeois et affranchis. Puisque toutes vos démarches ont été inutiles pour décider ces gens à une transplantation volontaire, vous voulez savoir si, sans égard à la non-demande, vous devez les faire transplanter, selon l'oukase du sénat du 3 mai 1832, et selon les règlements à ce sujet, confirmés par Sa Majesté, le 25 mai 1832. Le comité a décidé que ce sont seulement les gentilshommes propriétaires, et appartenant aux deux premières classes, qui doivent être désignés pour la transplantation.

Les gentilshommes serviteurs, employés chez leurs maîtres, les avocats, etc., ne doivent pas être transplantés avant que la nouvelle colonisation soit un peu organisée.

Le 9/21 juillet 1832, n° 587, je vous ai fait savoir l'ordre suprême qui ordonne au gouverneur du Kaukase qu'il soit prêt à recevoir les ci-devant gentilshommes polonais destinés à être incorporés désormais au Kaukase, dans le corps des Kosaks..

Si les gentilshommes polonais n'ont pas envie de se faire transplanter, vous êtes autorisé à les y contraindre par la force.

Bloudoff.

Circulaire du gouverneur civil de Podolie, Loubianoffsky, aux autorités de police russe, en leur indiquant le chiffre des familles polonaises à enlever dans chaque district, et à transporter dans

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Kamienieç-Podolski, septembre 1832*

<< On doit, pour la première fois, faire transplanter:

« Du district de Kamieniec..

150 familles.

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