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Vous partagez sans doute nos convictions; nous croirions manquer à ce que nous nous devons, si nous ne profitions pas de la proximité des frontières pour entreprendre cette expédition.

Nous marchons en masse, sous notre étendard national. Par notre conduite, nous indiquons aux peuples le chemin d'une solidarité réciproque. En ce moment, nous payons l'ingratitude par la gratitude, et nous ne serons pas désavoués.

En quittant la France, nous ne cessons pas pour cela de faire partie de l'émigration polonaise; vous nous trouverez toujours prêts à agir avec vous: mais le triomphe de la révolution étant encore incertain, nous devons vous considérer comme un corps de réserve; restez donc en France, en attendant l'heureux résultat qui couronnera nos efforts; si nous devons succomber, renieznous, mais vivez et travaillez pour notre sainte cause nationale par tous les moyens qui sont en votre pouvoir.

Le colonel, Louis Oborski, président.

Le lieutenant-colonel, Michel Jackowski, secrétaire.

Oukaze de l'empereur Nicolas Ier relatif à la répression de l'expédition polonaise, tentée au mois de mars 1833, sous la conduite du colonel Joseph Zaliwski.

Saint-Pétersbourg, le 11/23 avril 1833 '. Considérant que, dans notre royaume de Pologne, quelques individus s'efforcent d'égarer l'esprit des habitants par des bruits absurdes, et de fomenter par là de nouveaux troubles; que ces sortes de manœuvres étant nuisibles à la tranquillité du pays et à la sûreté des habitants, ne peuvent être tolérées;

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Art. 1. Jusqu'à ce que nous ayons promulgué une loi spéciale, aux termes de l'article 10 des statuts organiques octroyés par nous au royaume de Pologne le 14/26 février 1832, tous les crimes et délits politiques seront de la compétence des conseils de guerre.

Art. 2. L'appréciation des actes et des affaires qui doivent provoquer l'intervention des conseils de guerre, ainsi que la composition de ces conseils, sera abandonnée au gouvernement de notre royaume de Pologne,

Art. 3. Les sentences des conseils de guerre seront exécutées après qu'elles auront été confirmées par notre lieutenant. Art. 4. Nous chargeons notre lieutenant du royaume de veiller

1. Archives de Russie.

à l'exécution de ce décret, qui aura force et vigueur jusqu'à la promulgation d'une loi spéciale, conformément au susdit article 10 des statuts organiques.

Ainsi soit-il.

Nicolas.

Ordonnance du gouvernement prussien, relative à la répression de l'expédition polonaise, tentée sous la conduite du colonel Joseph Zaliwski.

Berlin, 3 mai 18331.

Conformément à un ordre du ministère de l'intérieur et de la police, les Polonais qui s'étaient réfugiés en France, et qui récemment ont de nouveau quitté ce pays pour se diriger vers la Suisse ou l'Allemagne, ne devront pas être admis dans les Etats prussiens si leurs passe-ports ne portent pas le visa de l'ambassade russe. Même dans le cas où cette formalité serait remplie, ils ne pourraient franchir la frontière prussienne que près de Saarbruck, Erfurth et Goerlitz, et devront se rendre en Pologne par Breslau, afin de ne point se montrer dans les résidences royales de Berlin et de Potsdam, ni dans le grandduché de Posen. La même défense est applicable aux réfugiés polonais qui auraient quitté la France pour se rendre aux eaux prussiennes.

Arrêté du grand conseil de l'Helvétie, confirmant les mesures prises par le conseil exécutif, dans le but de secourir les Polonais réfugiés venus de France.

Berne, le 9 mai 18332.

1o Le grand conseil approuve les mesures prises par le conseil exécutif, au sujet des réfugiés polonais;

2o Le conseil exécutif est chargé de s'adresser au directoire-fédéral, en l'invitant, au nom du grand conseil, à traiter cette affaire comme fédérale, et à faire des démarches auprès du gouvernement français, pour négocier la rentrée des Polonais en France;

3o En attendant l'issue de ces négociations, le conseil exécutif est autorisé à pourvoir à l'entretien des réfugiés, et à les répartir dans le canton, selon que les circonstances pourraient l'exiger;

4o Les subsides accordés aux réfugiés dépourvus de tous moyens d'existence et qui ne seront point entretenus aux frais des particuliers, ne pourront dépasser 6 batz par homme;

5° L'Etat ne cessera de payer ces subsides, dès que les réfugiés pourront rentrer en France, ou qu'ils quitteront le territoire du canton de Berne; 6o Les réfugiés seront invités à s'adresser au gouvernement français et à l'ambassadeur de cette nation en Suisse, pour obtenir la permission de rentrer

en France.

1. Archives de Prusse.

2. Kubalski, Mémoires, etc. p. 109.

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Note diplomatique de la Confédération germanique, adressée au gouvernement suisse, contre les Polonais réfugiés venus de France.

Frankfort-sur-Mein, le 15 mai 1833'.

A la haute Confédération suisse,

L'irruption en Suisse de plusieurs centaines de Polonais armés, leur but avoué de révolutionner l'Allemagne, et la part que quelques-uns de ces réfugiés ont prise à l'émeute de Frankfort du 3 avril, sont des faits notoires. La Diète germanique est autorisée, et c'est même pour elle une obligation, de veiller au maintien de la tranquillité et de l'ordre public dans les États de l'Allemagne. Elle a le droit d'exiger que les États voisins, qui entretiennent avec elle des relations amicales, s'opposent à l'établissement, sur leur territoire, d'un foyer de conspirations qui tiendrait les nations voisines dans 'de continuelles alarmes et les mettrait dans la nécessité de se tenir toujours prêtes à repousser une invasion soudaine de la part d'hommes dont le but avoué est de semer la révolte et le trouble.

Pleine de confiance dans la sagesse et les dispositions amicales de la Confédération, la Diète germanique ne doute pas qu'elle n'emploie tous les moyens qui sont à sa disposition pour empêcher les effets désastreux que les menées des Polonais en Suisse pourraient attirer sur les États qui l'avoisinent et pour prévenir les complications fâcheuses qui naîtraient d'une conduite opposée. C'est ainsi qu'elle dispensera la Diète germanique de recourir à des mesures que réclamerait impérieusement le soin de sa propre sûreté.

Adresse des Polonais réunis en Suisse, remise au voroort helvétique, à l'occasion de la Note diplomatique autrichienne et de celle de la Diète germanique, datées du 15 mai 1833, communiquées à la Confédération helvétique, sur l'entrée des Polonais en Suisse. Porentruy, le 20 mai 18332.

Au Directoire fédéral.

Très-honorés citoyens, lorsqu'au commencement du mois passé, une poignée de Polonais fuyant les rigueurs et les vexations du gouvernement français (appliquant, arbitrairement, la loi exceptionnelle du 21 avril 1832), prit

1. Archives d'Allemagne, et Kubalski, Mémoires, etc. p. 111.

2. Chodzko, Ann. polon. Ms. (1833.)

la résolution désespérée de chercher un asile en Suisse, elle était bien éloignée de croire que la politique des Cabinets exploiterait cette démarche commandée par le malheur, pour la représenter comme dangereuse à la sécurité du Gouver

nement.

Soumis aux lois des pays qui nous reçurent, jamais on ne nous vit portés à les enfreindre. A peine arrivés sur le territoioe helvetique, nous nous empressâmes d'envoyer nos délégués à Zurich, pour vous exposer, très-honorés citoyens, les motifs de cette nouvelle émigration et les sentiments qui nous animaient. Fidèles à votre système de neutralité comme aux traditions de l'antique hospitalité suisse, vous avez accueilli le malheur, et la générosité des cantons s'est empressée de prendre des mesures pour assurer notre existence.

:

En vain les petits et les grands princes d'Allemagne frappés d'une terreur panique, par suite de la fermentation croissante qui agitait leurs États, accumulaient-ils les forces sur leurs frontières, vous assaillaient-ils de représentations et de menaces, en vain la politique des potentats du Nord poursuivait-elle de sa haine toujours vivace des malheureux dont elle avait anéanti la patrie, convoitant une dernière proie qui lui avait échappé impassibles au milieu de ces intrigues, sourds aux menaces de la diplomatie, vous sûtes conserver le calme et la dignité qui conviennent aux représentants d'un peuple libre et Votre décision a prouvé combien vous étiez jaloux de conserver cet haute position, à laquelle tant de puissances purent renoncer sans rougiro-insnsfood, Sas

Respirant après tant de persécutions, rassurés sur notre sort, en jouissant en Suisse de la protection des lois du pays (bienfait que la France nous a si durement refusé), nous nous occupions paisiblement des moyens d'assurer notre existence future; nous étions bien loin de croire que la politique des Cabinets, fidèle au système qu'elle poursuit avec ardeur, viendrait nous susciter de nouvelles entraves. Quels n'ont pas été notre étonnement et notre douleur en lisant la Note que la Confédération germanique vient de vous adresser par l'intermédiaire du ministre d'Autriche! Taxant faussement d'irruption armée notre entrée paisible en Suisse, nous prêtant des projets imaginaires et une part gratuite aux troubles du 3 avril, elle s'efforce de vous prévenir contre nous, de vous engager à nous ravir votre protection, elle veut vous contraindre à vous livrer à des investigations rigoureuses, et créant un fantôme de conspiration, elle s'autorise de cette fiction pour vous demander d'établir sur cette terre de liberté un système inquisitorial,

Nous voyons avec joie, très-honorés citoyens, la réserve avec laquelle vous

accueillez les assertions de la Diěte germanique, ue, n'appuyant ses accusations

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sur aucun acte justificatif, comment aurait-elle pu vous convaincre des faits et des projets qu'elle nous attribue? Elle vous parle d'irruption armée, à vous qui, par votre position, êtes à même de juger quelle créance méritent les bruits mensongers qu'on s'est plu à répandre.

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Nous osons espérer, très-honorés citoyens, qu'en appelant l'attention des États sur l'affaire qui vous est soumise, et en sollicitant des instructions à cet égard, vous daignerez plaider notre cause à la réunion prochaine de la Diète. Cette tâche ne vous sera pas difficile. Forts de votre neutralité, organes des sentiments qu'inspirent à la nation suisse les malheurs de la Pologne, vous saurez faire briller la vérité à travers les perfides insinuations que sème la malveillance pour égarer l'opinion de la Suisse.

Nous avons mis et nous mettons aujourd'hui en vous toute notre confiance.

Au nom de quatre cent soixante-dix compatriotes, nous réclamons votre protection et votre bienveillance. Nos ennemis sont puissants et dangereux. Ce même despote du Nord, qui après avoir écrasé, anéanti notre patrie, cherche encore, au milieu des décombres fumants de la Pologne, à exercer de nouvelles proscriptions; ces mêmes gouvernements qui, impassibles dans la lutte inégale que le désespoir nous fit entreprendre, s'acharnent à nous persécuter, après nous avoir accordé une compassion éphémère et une hospitalité illusoire. Tous s'efforcent aujourd'hui de nous ravir le dernier asile, que nous tenons de votre humanité, et que vient fortifier le caractère neutre de votre pays. Liés par une alliance qu'ils appelèrent sacrée, rêver l'infamie d'une extradition, ils ne nous pardonnent pas l'amour ardent que nous portons à notre malheureuse patrie, notre foi dans sa régénération et surtout cette sympathie dont nous entourent les peuples.

Représentants du peuple suisse, une poignée de Polonais proscrits, malheureux, repoussés partout, réclament votre protection soutenue contre les persécutions de la diplomatie et des Cabinets; elle a mis toute sa confiance en vous, elle est fermement persuadée que vous ne voudrez pas trahir son espoir, en l'exposant à la vengeance des bourreaux de sa patrie.

Louis Oborski, colonel..

Kasimir Paszkowicz, colonel.

Jean Lelewel, lieutenant-colonel.
Charles Stolzman, capitaine d'artillerie.
François Gordaszewski, capitaine.
Félix Nowosielski, capitaine.

Theodore Stefanski, lieutenant.

Emeric Staniewicz, lieutenant.

Pour le secrétaire : Constant Zaleski, capitaine.

Proclamation du feld-maréchal Paskévitsch, annonçant que plusieurs individus qui ont cherché à organiser une expédition, conduite par Joseph Zaliwski, ont déjà été pendus ou fusillés.

Varsovie, le 13/25 mai 1833'.

Habitants paisibles! des gens qui ont déjà une fois troublé votre repos, il y a deux ans, et vous ont entraînés dans le tourbillon des malheurs et des peines qu'amènent à leur suite une révolte et une guerre, n'ayant pu trouver un refuge dans les pays étrangers, sont revenus dans leur patrie. Ils menacent la tranquillité dont vous jouissez, en s'efforçant de créer de nouvelles complications dans le pays. Quatre-vingts de ces individus ont pénétré dans le palatinat de Lublin; vingt ont été saisis; trois ont subi la mort; les dix-sept restant sont encore devant les tribunaux. Dans la contrée de Kalisz, quinze malfaiteurs se sont montrés, et dans celle de Plock 25. Poursuivis par les soldats, ils se cachent dans les bois, sous le costume de paysans. Vous savez que le gouvernement a pris les mesures nécessaires pour les arrêter; mais comme pour échapper aux poursuites, ils prennent des habits de paysans, l'appui que vous nous

1. Archives de la lieutenance.

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