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Depuis la réorganisation de la ville libre de Krakovie en 1833, les Cours protectrices ayant suivi d'un œil attentif le développement des réformes introduites à cette époque dans les lois organiques de ce pays, ont vu avec regret que l'effet de ces réformes n'a pas répondu à leur attente, quant aux améliorations qui devaient en résulter, pour le rétablissement de l'ordre et d'une marche plus régulière de l'administration. Au milieu des grands désordres qui se sont succédé coup sur coup, le gouvernement n'a montré ni assez de prévoyance pour les prévenir, ni assez d'énergie pour les réprimer. Les avis les plus salutaires, comme les plus sérieuses remontrances adressées au sénat, restaient sans effet. L'audace des artisans de troubles, augmentant avec l'impunité des crimes, la sûreté personnelle et la tranquillité publique ont été gravement compromises, et les trois Cours, persuadées avec la dernière évidence de l'impuissance du sénat à remédier à ce mal toujours croissant, ont enfin été obligées de lui prêter l'assistance de leur force armée, pour rétablir l'ordre et la sécurité dans ce malheureux pays, dont le bien-être s'est trouvé à la merci de quelques obscurs anarchistes.

Le moment étant venu où, après le rétablissement de la tranquillité publique, le gouvernement de Krakovie doit être de nouveau abandonné à ses propres forces, les trois Cours alliées croiraient manquer aux devoirs que leur impose, vis-à-vis de ce pays, leur position de puissances protectrices, si elles n'avisaient pas aux moyens de prévenir le retour d'événements pareils à ceux qui ont motivé l'occupation militaire du territoire krakovien, et dont le renouvellement serait aussi funeste au bien-être de la ville libre que compromettant pour le maintien de ses bonnes relations avec les Etats voisins et protecteurs, qui forment la condition essentielle de sa prospérité et de son existence politique... L'expérience ayant plus que suffisamment démontré que le relâchement des ressorts administratifs, ainsi que la faiblesse et l'irrésolution du gouvernement qui s'est laissé dans toutes les occasions si facilement intimider par l'audace des fomentateurs de troubles, ont été sinon la seule, au moins la principale cause de tous ces désordres, les Cours protectrices ont principalement fixé leur attention sur les moyens de prêter au sénat la force et l'énergie qui lui manquaient jusqu'à présent, et de remplacer par leur appui moral le secours de la force matérielle qu'elles sont sur le point de lui retirer 1. C'est principalement dans ce but qu'ont été rédigés les amendements aux statuts organiques du sénat et des assemblées politiques, que les soussignés ont l'honneur de communiquer sous ce pli au sénat, d'ordre et d'après l'autorisation de leurs augustes Cours, en l'invitant à les mettre à exécution dans le plus bref délai possible. Les hautes Cours protectrices, ayant également consenti à la modifi-, cation des articles VII et XI de la charte constitutionnelle, que le sénat avait proposé, afin de les mettre en harmonie avec les principes qu'il a adoptés pour la réorganisation de la police, la rédaction de ces articles amendes se trouve jointe ci-après. Elles ont en même temps jugé nécessaire d'ajouter à la constitution l'article additionnel ci-annexé, portant suppression des maires des communes et des juges suppléants, dont l'institution n'a fait qu'entraver la marche de l'administration et en compliquer les rouages. Il s'entend de soi-même que toutes les dispositions des différents statuts et de la constitution en vigueur depuis 1833, qui seraient contraires aux amendements spécifiés dans les annexes de la présente note, doivent être considérés comme abrogées.

1. Ceci était dit en 1837, et pourtant l'occupation n'a cessé qu'en 1842. (Note du directeur.)

Les soussignés aiment à se persuader que le sénat recevra cette communication avec reconnaissance comme une nouvelle preuve des dispositions bienveillantes de leurs augustes Cours, qui ont constamment à cœur de contribuer autant qu'il est en elles à rétablir à Krakovie un ordre des choses compatible avec le bien-être de cette ville et la sécurité des États voisins. Ce but sera facile à atteindre si le sénat, pénétré de l'importance de ses devoirs, sait profiter de l'appui moral que les trois Cours protectrices se sont montrées prêtes à lui accorder, et user avec discernement des moyens qui sont mis à sa disposition, tant pour résister aux factions qui voudraient troubler l'ordre public que pour comprimer les discordes qui pourraient naître dans son propre sein.

De Hartmann.
D'Ungern-Sternberg.
Lichmann.

Adresse des représentants de la Diète de Krakovie, aux trois Sourerains protecteurs de la République, en leur exposant l'état de misère et les malheurs qui accablent le pays, par les changements continuels de ses lois, statuts, tribunaux, etc., opérés par l'entremise des trois résidents austro-prusso-russes.

Krakovie, le 7 février 18381.

Très-hauts, très-puissants et très-augustes souverains protecteurs, Plus d'une fois déjà les assemblées législatives de la ville libre de Krakovie ont été l'organe des sentiments dont tous ses habitants sont pénétrés envers les augustes personnes des gracieux protecteurs de cet Etat. L'assemblée actuelle, au moment de terminer ses travaux, se croit d'autant plus en devoir de suivre cet exemple, que les événements qui ont rempli le cours des deux dernières années, ainsi que la nature de quelques-uns des objets soumis aux délibérations de la chambre, ont fait craindre que si elle ne venait pas réitérer l'expression toujours également sincère du plus profond respect et de la plus vive reconnaissanc pour les trois hautes Cours protectrices, et si en même temps elle n'implora pas leur pitié pour la position actuelle du pays, ce silence de l'assemblée des représentants pût faire supposer qu'elle est indifférente à tous les bienfaits dont jusqu'à ce moment ce pays a été comblé de leur part, ou qu'elle n'a pas une confiance assez ferme dans ce qu'il peut en attendre encore pour l'avenir. Telle n'est certainement pas la conviction des habitants de ce pays; et quand l'assemblée législative, poussée par une nécessité impérieuse, prend la liberté de recourir à la protection immédiate des augustes souverains, elle le fait dans l'intime persuasion que cette démarche est en harmonie avec les sentiments de tout le pays, qui, confiant dans la magnanimité de ses protecteurs, attend uniquement d'eux la réalisation des espérances qu'il ose concevoir sur son sort. Les vœux et les prières que l'assemblée des représentants vient de déposer aujourd'hui au pied des trônes des augustes protecteurs ne sont que l'expression des besoins de tous les habitants, manifestée en partie d'une manière explicite par la pétition que les corps des métiers de notre ville ont adressée à la Chambre.

1. Archives de Krakovie.

Puisse cette voix humble et suppliante, qui peint fidèlement les malheurs et les misères de cet État, arriver jusqu'à ses augustes protecteurs, qui, après l'avoir appelé spontanément à une existence politique, daigneront encore, nous n'en doutons pas, lui continuer leur gracieuse bienveillance et leur protection, sur lesquelles repose exclusivement sa prospérité!

Il n'est pas qu'il ne soit parvenu à la connaissance de Vos Majestés que depuis quelques années le commerce et l'industrie de notre pays ont été ruinés et les sources de sa prospérité taries; et, en effet, on trouverait difficilement un pays où cet état d'appauvrissement et de misère générale fût plus frappant que dans le nôtre.

Ce malaise matériel est rendu plus pénible encore par cette considération, que les droits individuels des sujets de ce pays ne trouvent aucune garantie dans ses institutions actuelles..

Les habitants de la ville libre de Krakovie se voient donc privés de deux conditions essentielles à la prospérité publique : à savoir, la faculté pour l'industrie de s'exercer dans les limites indispensables à son développement, et une protection suffisante de l'intérêt particulier contre l'arbitraire.

Les délibérations de la présente assemblée offrent un tableau fidèle des souffrances qui se sont fait sentir à tout le pays, sous ces deux rapports.

Que si l'on désire se former une idée de ce qu'est devenu le bien-être matériel du pays, il suffira de lire le compte-rendu officiel présenté à la chambre par le sénat dirigeant, et d'entendre les plaintes douloureuses déposées par la corporation des marchands et les corps des métiers de notre ville. Et c'est en présence de cette détresse même que l'on exige de l'assemblée des représentants qu'elle accorde un immense budget, un budget double de celui que la commission d'organisation a trouvé possible de prélever sur le pays, au milieu de circonstances bien autrement faites pour favoriser sa prospérité!

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Voilà deux années que, séquestrés en quelque manière dans nos étroites frontières, nos rapports de libre communication ont été interrompus avec les Etats limitrophes, et surtout avec le royaume de Pologne, en sorte que les produits de notre industrie ont un débit difficile et restreint, tandis que les objets d'exportation des Etats voisins trouvent un libre marché sur notre place. L'Université de Krakovie qui, par la fréquentation de la jeunesse des pays limitrophes, conformément au traité de Vienne, aurait pu assurer au pays un certain bien-être. et l'avantage d'un mouvement scientifique important, trouve aujourd'hui dégarnie d'étudiants, par la défense faite à la jeunesse des provinces limitrophes d'y faire ses études. Cette mesure est maintenue, quoique l'Université ait été réorganisée d'après les intentions des souverains protecteurs, et que les concours pour les chaires de professeurs soit soumis à la décision d'Universités situées dans les États des puissances protectrices de Krakovie. Comment s'étonner que le crédit, l'industrie et le commerce aient disparu dans ce malheureux pays, où chaque mois apportant de nouveaux changements dans ses institutions, rend son existence toujours plus problématique et plus incertaine ?

Bien que la Constitution n'ait éprouvé, en septembre 1837, que de légères modifications, cependant les changements apportés en même temps dans les statuts organiques ont eu pour effet de créer une foule de pouvoirs et de juridictions indépendantes les unes des autres, de sorte que, dans cette confusion, les habitants de la ville libre de Krakovie et de son territoire ne savent plus à quels pouvoirs ou lois ils doivent avoir recours? Ces changements, ôtant à la

Chambre des représentants l'élection des fonctionnaires publics, attribution qui lui avait été garantie par la Constitution, elle se trouve aujourd'hui privée d'un de ses droits les plus essentiels. Ces changements enfin ont dépouillé le gouvernement de la force et de la considération morale, si nécessaires au maintien de l'esprit d'ordre et à la confiance que l'autorité doit inspirer.i

L'état des choses introduit en 1833, seulement par la volonté spontanée de nos augustes protecteurs, a été soumis de rechef à de nouvelles modifications, d'autant plus inquiétantes que le pays ignore encore jusqu'où elles doivent s'etendre. Les fonctions les plus importantes ont été confiées à des étrangers qui ne sont ni soumis ni responsables à notre gouvernement, et qui même se sont refusés à prêter serment aux lois du pays.

Il faut donc que des hommes malveillants, et désirant le malheur de ce pays, aient réussi à le rendre suspect auprès de ses augustes protecteurs, quand, le jugeant indigne des priviléges dont la jouissance lui avait été accordée, les hautes Cours ont trouvé nécessaire d'en soumettre l'exercice à de nouvelles et humiliantes restrictions.

L'assemblée des représentants s'est empressée d'accepter toute espèce de proposition où elle a cru apercevoir quelque trace que ce soit de la volonté de nos augustes protecteurs, et dans tous ses actes elle n'a cessé d'avoir en vue le vif désir de les porter à la connaissance de hautes Cours par l'entremise de leurs représentants, qui assistaient à ses délibérations.

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Bien plus, partageant avec la généralité des habitants de cet Etat cette profonde conviction que tout le bonheur et tout l'avenir de notre pays dépend de ses augustes protecteurs, l'assemblée des représentants vient recommander à leurs gracieux et paternels égards le peuple au nom duquel elle élève la voix, et qui, par son mandat, lui a confié ses plus chers intérêts. Elle vient supplier Vos Majestés d'avoir pitié de la misère immense de ce pays, de daigner considérer ses habitants avec les mêmes sentiments de bienveillante générosité qu'elles portent à leurs propres sujets.

Nous ne venons aujourd'hui réclamer aucune espèce de nouvelle prérogative constitutionnelle; tous nos vœux se réduisent à ceux qu'il est permis de former aux fidèles sujets de Vos Majestés; tous nos désirs ne tendent qu'à pouvoir jouir avec une certaine sécurité d'une existence calme et tranquille, dans un bienêtre procuré par un travail assidu et productif.

Nous supplions Vos Majestés de déléguer une nouvelle commission aussi impartiale que consciencieuse pour vérifier l'état des choses actuel et constater notre innocence.

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Nous vous supplions de restituer au Sénat gouvernant son ancienne autorité, et, en le replaçant en tête de tous les pouvoirs, de rétablir l'unité de gouvernement qui n'existe plus aujourd'hui.

Daignez permettre qu'il soit apporté des allégements dans les rapports de commerce et les échanges journaliers que nous faisons avec les habitants de vos États. Permettez enfin que la jeunesse des provinces limitrophes puisse fréquenter nos écoles et nos universités, organisées conformément aux bases, que vousmêmes avez tracées.

Quelle que soit la décision qu'il plaira à Vos Majestés de prendre au sujet de cette humble pétition de l'assemblée des représentants, le pays et les habitants de Krakovie la recevront avec respect et reconnaissance, habitués qu'ils sont à attendre d'elles seules le soulagement des maux et des souffrances d'un Etat qui jouit déjà de l'immense bonheur de se trouver sous leur gracieuse protection,

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protection dont les heureux effets ne tarderont certainement pas à rejaillir sur lui, et à cicatriser les plaies que le temps et un malheureux concours de circonstances ont occasionnées.

Fait à Krakovie, à la séance de l'assemblée des représentants de la ville libre de Krakovie, le 7 du mois de février 1838.

Vincent Wolff, président.

François Lipczynski, assesseur de la Diète.
Antoine Helzel, assesseur de la Diète.

Hilaire Meciszewski, secrétaire de la Diète.

Adresse de la Diète de Krakovie aux trois puissances protectrices, en les priant de revenir aux stipulations primitives, et pour que les troupes étrangères quittent la ville.

Krakovie, le 25 février 18381.

La diète de Krakovie en terminant sa session sollicite des trois puissances protectrices:

1o Que l'armée autrichienne quitte le territoire de la république de Krakovie; 2° Que les frontières de cette république soient ouvertes au commerce et aux voyageurs, conformément à la constitution octroyée en 1816 par le Congrès de Vienne;

3° Que les institutions et règlements de 1833 soient remis en vigueur;

4° Que l'autorité, la force et la considération dont le sénat jouissait anciennement soient rétablies;

5° Que ce soit dorénavant le sénat qui gouverne, et non la commission composée des trois résidents des puissances protectrices et du général commandant le corps autrichien d'occupation;

6° Que la direction de la police et celle des douanes soient remises entre les mains des autorités locales de la république de Krakovie.

Cette adresse a été remise aux trois résidents, qui se sont chargés de la faire parvenir à leurs cours respectives.

Note du sénat de Krakovie, aux trois résidents austro-prusso-russes, en leur envoyant la copie de l'adresse du 7 février 1838, à laquelle jusqu'à présent les trois Cours copartageantes de la -Pologne, n'ont pas encore répondu.

1.5

Krakovie, le 18 avril 18382.

La Chambre des représentants a voté une adresse aux souverains protecteurs de la République de Krakovie, en chargeant le Sénat de la faire parvenir aux pieds des trônes de LL. MM. par l'entremise de MM. les résidents. Le Sénat, désirant s'assurer si l'adresse en question sera agréée, a l'honneur d'en communiquer la copie à la Conférence, en la priant de vouloir bien l'instruire à cet égard.

1. Archives de Krakovie.

2. Idem.

Joseph Haller, président.

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