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contre toutes les pertes que nous pourrions faire. >>

Cela fut trouvé très-juste; une convention est intervenue à cette époque, non sans quelques petites difficultés; on trouvait que cela n'était pas régulier, mais enfin on passa par dessus, et aujourd'hui vous êtes obligés de payer à titre d'intérêt toute la perte que donnent à cette compagnie les chemins de fer du Luxembourg.

Il y a même mieux dans le compte que l'on vous fait, on vous réclame 50 millions pour bénéfices espérés dans huit ou dix ans et que l'on ne fait pas encore.

Voilà, messieurs, des points que nous aurons à discuter, mais que j'étais bien aise de vous signaler. (Très-bien! Parlez !)

Vous connaissez maintenant l'ensemble de la situation du réseau des chemins de fer de l'Est. Premier réseau revenu réservé; faculté pour le Gouvernement de partager le bénéfice après 8 p. 100 du compte de premier établissement. Ce qu'il y a d'étrange, messieurs, c'est que ce compte de premier établissement n'est pas encore clos. Ainsi pour le chemin de Strasbourg, qui est construit depuis longtemps, le compte de premier établissement n'est pas arrêté; on y ajoute encore quelque chose chaque année; il est vrai que c'est fort peu de chose.

Ensuite, faculté d'opérer le rachat moyennant une annuité égale au revenu des dernières années, déduction faite des moins productives.

Pour le nouveau réseau, faculté d'émettre des obligations, nécessité de notre part de compléter ce qui manquera pour payer l'intérêt; faculté de rachat qui ne pourra s'exercer qu'après les quinze premières années d'exploitation, et dans le cas où ce rachat serait operé avant ces quinze années, on ne prendrait pas pour base le revenu des chemins de fer qui, il faut le reconnaitre, dans ces quinze premières années, n'auraient pas donné tout ce qu'ils pouvaient donner, mais seulement le coût de leur construction.

J'ajoute, messieurs, que nous sommes maintenant en présence de concessions portées toutes, de quarante ans qu'elles étaient à l'origine, à quatre-vingt-dix ans, et que c'est cette situation que nous avons à subir.

J'avais oublié ici quelque chose que je suis bien aise de rappeler à propos de cette prorogation. Cette prorogation, pour le chemin de Strasbourg, a eu lieu en 1852. Mais savez-vous et voulez-vous que je vous donne la mesure des avantages, qu'à cette époque nous fimes à ce chemin de fer? Lorsqu'on viendra nous parler de question d'équité, de sentiment, il faut bien qu'on sache tout ce que nous avons fait pour ces chemins de fer qui n'ont pas été déshérités. Nous leur avons accordé une prorogation de concession de quatre-vingt-dix

ans...

M. Courcelle. Et les obligations?

M. Clapier. Je parlerai des obligations. Les actions à cette époque étaient à 500 fr.; après la fusion, elles se sont cotées à 965; 1,047 fr. en 1861; 1,205 en 1862. Voilà quels furent les effets de l'augmentation de durée que nous donnâmes à cette époque.

A la même époque, l'Est donnait 78 fr. de dividende. Comment donnait-il ces 78 fr.? Le

compte de premier établissement vous le dirait peut-être!... Mais il y a quelque chose qui me frappe. A cette époque, il donnait 78 fr. de dividende; aujourd'hui, lorsqu'il est reconnu que plus les chemins de fer se développent, plus leurs dividendes doivent augmenter, il n'est plus que de 33 fr., et les actions qui, à cette époque, s'étaient élevées à 1,200 fr., sont tombées à 525 fr. Comment tout cela se fait-il? Je ne me charge pas de l'expliquer; mais il y a là quelque chose de très-extraordinaire.

Je reviens maintenant à la situation actuelle. L'ancien réseau a une longueur de 994 kilomètres; il a coûté, en actions, 292 millions, et en obligations, 23 millions; total, 315,665,598 fr. 25 c.

Voilà ce que coûte l'ancien réseau, auquel nous garantissons 29,000 fr. par kilomètre par

année.

Pour le nouveau réseau, sa longueur est de 1,903 kilomètres en exploitation complète; les obligations s'élèvent à 759,453,000 fr.

Ainsi voilà à quoi cela se résume: nous avons fourni, nous, 106 millions pour le chemin de fer de Strasbourg; la compagnie a fourni 292 millions d'actions, elle a émis pour 782 millions d'obligations.

Sur les 759 millions d'obligations consacrés à la construction du nouveau réseau, son revenu actuel ne suffit pas pour payer les 4 fr. 65 que nous lui devons, et nous lui payons chaque année une différence qui s'élève à 4,317,300 francs; c'est là ce que nous lui avons donné pour la dernière annuité.

Ensuite, elle distribue 33 francs à ses actionnaires, ce qui fait environ 6 1/2 pour 100. Ces 33 francs sont distribués au moyen du revenu réservé sur l'ancien réseau.

Voilà, messieurs, quelle était la situation de la compagnie de l'Est au moment où la guerre a éclaté.

Par suite de la guerre et du traité de Francfort, la compagnie de l'Est a été privée d'une partie de son réseau. Sur les 994 kilomètres de l'ancien réseau, elle a dû en céder 464. Sur les 1,900 kilomètres du nouveau réseau, elle a dù en céder 279.

On dit, on répète et on répétera que cette cession d'une partie de son réseau non-seulement la prive du bénéfice afférent à cette partie-là, mais encore exerce une influence défavorable sur la partie qui lui reste. Il est donc essentiel d'apprécier quelles sont celles de ses lignes qui ont été ainsi écourtées et de savoir quel était leur revenu.

Sur les lignes écourtées vous n'avez pas perdu de vue que le revenu réservé est de 29 mille francs, et que nous leur conservons ce revenu réservé au moyen de l'indemnité demandée.

Voyons ce qu'elles peuvent avoir perdu.

Dans l'ancien réseau, la convention a accordé au gouvernement prussien, sur la ligne de Paris à Strasbourg, 107 kilomètres sur 519 kilomètres.

Cette ligne rapportait 79,000 francs par an et par kilomètre sur lesquels il faut déduire environ 25,000 francs de frais d'exploitation.

La ligne de Frouard à Forbach a été écourtée de 90 kilomètres sur 122 kilomètres. Cette ligne produisait 60,000 francs sur lesquels il faut. déduire 25,000 francs de frais d'exploitation.

La ligne de Vendenheim à Wissembourg a perdu 67 kilomètres. Elle ne rapportait que 22,000 francs, et les frais d'exploitation s'élevaient à 25,000 francs, c'est-à-dire qu'il y avait un déficit.

La ligne de Metz à Thionville rapportait 40,000 francs par an, sur lesquels il faut également déduire 25,000 francs. Elle rapportait donc moins que le revenu de 29,000 francs garanti-par l'Etat.

Enfin, la ligne de Strasbourg à la frontière suisse rapportait 62,000 francs par an.

Voici maintenant ce qui s'est passé, par suite du traité intervenu entre le Gouvernement français et le gouvernement allemand, relativement à la partie des lignes de la compagnie de l'Est qui se trouvait comprise dans les terrains qui ont été séparés de la France. Le gouvernement allemand a désiré se faire céder ces lignes; nous lirons plus tard le texte du traité, mais il faut vous indiquer la pensée qui lui a servi de base.

Le gouvernement allemand a dit au Gouvernement français: « Je vous impose l'obligation de me céder ces lignes qui sont dans le territoire qui m'appartient et d'en faire le rachat à la compagnie de l'Est. Vous ferez ce rachat comme vous l'entendrez; je vous impose l'obligation de le faire. Je dois à la compagnie de l'Est une partie des approvisionnements qui se trouvaient dans ses magasins; en bonne justice, il faut les lui restituer; vous, Gouvernement français, vous vous chargerez de ce soin. Pendant la guerre, j'ai administré et j'ai mis sous le séquestre toutes les lignes de la compagnie de l'Est; pour l'emploi que j'en ai fait dans l'intérêt de mes armées, c'est là un fait de guerre, et je ne lui dois rien. Mais, pour l'exploitation commerciale que j'en ai faite, à raison de laquelle j'ai perçu les frais de transport, j'ai été son mandataire, et, en bonne justice, je lui dois restitution des sommes que j'ai commercialement perçues sur les lignes de chemins de fer que j'avais mises sous séquestre pendant la guerre. Eh bien, vous, Gouvernement, vous lui payerez cela. Maintenant, il pourrait y avoir des réclamations de certains créanciers, de certains ayants-droit; celles-là, je ne les connais pas; mais, quelles qu'elles soient, vous allez, vous, Gouvernement français, me les garantir, et toute espèce de réclamation qui pourrait s'élever contre moi, vous, Gouvernement français, vous les prendrez à votre charge. C'est là une obligation illimitée qui ne sera peut-être pas considérable; mais vous vous en tirerez comme vous pourrez. »

Voilà, messieurs, ce que le gouvernement allemand nous a dit, et il a ajouté Pour tout cela, je vais vous donner à vous Gouvernement français 325 millions. Ces 325 millions yous en ferez l'usage que vous jugerez convenable; cela ne me regarde pas.

On nous a donné 325 millions qu'on a déduits sur l'indemnité de guerre que nous étions tenus de payer. Cela fait, le Gouvernement français s'est abouché avec la compagnie de l'Est pour remplir les obligations qui avaient été mises à sa charge et il lui a dit ceci J'ai été obligé, c'est un fait de guerre, un fait de force majeure, de céder au gouvernement allemand les chemins

de fer établis sur le territoire qui lui est cédé, je me suis chargé de vous indemniser.

Voyons un peu ce que je vous dois ...

Ah! ce n'est pas cela! a répondu la compagnie de l'Est; les 325 millions qui vous ont été donnés par le gouvernement allemand sont ma propriété. Payez-les moi! »

Messieurs, ce n'est pas le contrat, nous n'avons pas traité au nom de la compagnie de l'Est. Nous n'avons pas vendu ses chemins en son nom, nous nous sommes uniquement chargés de l'indemniser à nos risques et périls. C'était là une obligation trèsdure, car, à l'origine, si j'en crois ce qui m'a été dit, on ne nous offrait pour ce résultat que 125 ou 150 millions, et il a fallu toute l'intelligence et toute l'énergie de notre négociateur à cette époque pour faire élever cette somme à 325 millions.

La compagnie nous réclame donc les 325 millions comme étant sa propriété.

On lui dit, en outre: Mais le chemin ne vous appartient pas en totalité; vous n'avez qu'une jouissance limitée, vous êtes des usufruitiers pour soixante ans, si vous voulez, mais nous sommes nus propriétaires, vous êtes nos fermiers.

Non, répond la compagnie, les 325 millions m'appartiennent!

Et voici son raisonnement. Il reviendra, car c'est le principal moyen de défense de la compagnie, qui le reproduit sous toutes les formes. Ce qui est votre propriété, le gouvernement allemand l'a compté pour rien dans l'indemnité. Cela est si vrai qu'il ne vous a indemnisé en rien pour vos canaux, pour vos routes, pour vos forêts; par conséquent il ne vous doit rien pour le tréfond, pour le sol des chemins de fer. Si le chemin de fer vous eût appartenu en totalité, vous n'auriez pas un sou; et si l'on a donné 325 milions, c'est grâce à nous, c'est parce que nous étions là pour vous couvrir. »

Voilà son raisonnement; nous aurons à l'examiner dans la discussion; je pose les questions, je ne les discute pas.

Elle a ajouté Vous me devez 325 millions que vous avez employés à diminuer d'autant votre dette envers l'étranger. Si vous ne les aviez pas eus, vous auriez été obligés d'emprunter à 76,63, c'est-à-dire, à 6 1/2, 6 3/4 p. 100. Sur ces 325 millions, vous êtes donc obligés de me payer non pas un intérêt de 5 p. 160, mais le même intérêt de 6,25 à 6 30 p. 100 que vous avez payé à ceux qui ont été souscripteurs de votre emprunt, et. c'est votre rapt porteur qui l'ajoute, — j'ai été, à cette époque, souscripteur d'office et obligé de l'emprunt pour un capital de 325 millions; donnez-moi maintenant des titres de rente représentant ce que vous auriez dù donner à un étranger souscripteur de pareille somme. Cependant, par excès de faveur, je consens, après le délai de ma jouissance, à vous restituer ces mêmes rentes.

Voilà les prêtentions qui ont été émises par la compagnie.

Le Gouvernement est parti d'une autre base, à mon avis plus rationnelle, quoique arrivant au même résultat. Il a dit : « Les 325 millions donnés ne vous appartiennent pas, mais il faut que je vous indemnise de toute la perte que vous avez faite sur votre exploitation. Voyons

un peu quelle est cette perte. Vous perdez d'abord sur votre ancien réseau les 29,000 francs de revenu réservé pour toute la partie qui a été retranchée. Je vais vous maintenir dans la même situation, en vous payant une rente qui représentera les 29,000 francs sur les 464 kilomètres de l'ancien réseau qui vous ont été enlevés, de sorte que vous n'aurez rien perdu; vous serez avant comme après.

Vous avez ensuite perdu 279 kilomètres du nouveau réseau; pour ces 279 kilomètres, i! était dit qu'en cas d'expropriation, on vous paierait non pas le revenu, mais le coût de ces mêmes chemins. Combien cela vous a-t-il coûté? Je suis prêt à vous rembourser.

On a fait un compte; il se monte à deux millions de rente, je crois, et de ces deux sommes accumulées, on est arrivé à une rente de 15 millions 500,000 francs.

Eh bien, a dit l'Etat, je vous dois cette

somme.

Pourquoi donc le Gouvernement porte-t-il la rente à 20 millions? Le voici : Il faut, dit-il, tenir compte à la compagnie des approvisionnements qui lui ont été enlevés; c'est juste; - il faut lui tenir compte de l'exploitation que la Prusse a faite de son chemin de fer pendant six mois, exploitation qui a éte représentée par un bénéfice de 36 à 37,000 francs, c'est encore juste, sauf le chiffre, de pius il faut lui tenir compte de ses bénéfices sur le chemin du Luxembourg, et enfin il faut lui tenir compte de ce que ses chemins raccourcis n'auront plus la même valeur. Eh bien, tout cela vaut bien un complément de 20 millions de rentes.

La compagnie n'a pas été satisfaite et voici ce qu'elle a demandé. Elle nous doit pour les avances que nous lui avons faites, pour combler les intérêts annuels de ses obligations, une somme de 95 millions. (Bruit.)

Mon Dieu! les chiffres ne sont pas amusants. Je réclame un peu de patience. Cette somme de 95 millions n'est pas remboursable tant que les revenus du nouveau réseau et l'excédant de l'ancien réseau ne suffiront pas pour payer les intérêts des obligations. Lorsque l'excédant du revenu de l'ancien réseau et le bénéfice du nouveau réseau suffiront à payer l'intérêt des obligations qui ont été émises, alors on nous remboursera toutes les avances que nous aurons faites. Ces avances s'élèvent en l'état à 95 millions.

Eh bien, dit la compagnie, voyons, abandonnez-moi ces 95 millions! Vous m'avez déjà donné 20 millions de rente. Abandonnez-moi en sus ces 95 millions.

Non, a dit le Gouvernement: c'est excessif! Mais, a répliqué la compagnie, ces 95 millions ne sont remboursables qu'à terme. Vous n'entrerez en remboursement probablement que dans vingt ans, et si nous réduisons ces 95 millions de ce qu'ils sont aujourd'hui à ce qu'ils seront dans vingt ans, ils représentent à peine 40 millions.

On oublie de dire que ces sommes portent intérêt à 4 p. 100, et que de réduction il n'en est pas besoin.

Voici ce que propose le Gouvernement. Ceş 40 millions, valeur actuelle de 95 millions dans vingt ans on les coupe en deux, et l'on propose d'abandonner 20 millions.

Ainsi, voi:à nos sacrifices: 20 millions de ANNALES. - T. XVIII.

rente, plus la moitié de notre créance de 95 millions, voilà ce qu'on nous demande.

Et nous ne sommes pas encore au bout La compagnie nous dit Mon réseau a été tronqué, et, pour ramener entre les différents tron. çons une sorte d'harmonie qui me permette de rétablir les communications, il faut m'accorder en compensation environ 250 kilomètres de nouveaux chemins de fer dans les localités que j'indique.

M. Ricot. La compagnie n'y tient pas ! M. Clapier. Alors il ne fallait pas les demander.

Pour construire ces nouveaux chemins, comme il est entendu que moi, compagnie, je ne dois jamais donner un denier, c'est là la base de ma situation, - j'ai droit aux bénéfices, s'il y en a, mais je ne puis jamais perdre. Eh bien, nous agirons pour ces 250 kilomètres, dont la valeur est évaluée à 90 millions, comme nous avons agi pour l'ancien réseau, c'est-à-dire que nous les construirons à l'aide d'obligations que nous allons émettre. Mais il est bien entendu que c'est vous, Gouvernement, qui paye. rez l'intérêt, car moi, je ne veux, en aucune façon, toucher à mon revenu de réserve.

Donc, troisième chef de la proposition qui vous est faite : Concession à la compagnie d'un certain nombre des nouveaux chemins de fer à construire, et cela dans les conditions de l'ancien réseau, c'est-à-dire des obligations émises par elle et l'engagement par l'Etat de garantir l'intérêt de ces obligations, c'est-à-dire une garantie d'environ 4,500,000 fr. Ainsi, nous payons d'abord 20 millions chaque année, nous payons pour l'insuffisance du nouveau réseau 4 millions, et on vient nous demander encore une seconde garantie, qui peut s'élever à 4,500,000 fr. Total, 28,500,000 fr. que nous aurons à donner.

Voilà, messieurs, l'ensemble de tout ce qu'on vous demande; voilà, analysé, le projet de loi sur lequel vous avez à délibérer.

Or, sur ce projet de loi, et j'en indique ici les grandes lignes, nous discuterons après; j'ai voulu seulement vous en faire connaître l'importance, trois amendements vous ont été proposés.

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Le premier, c'est celui de M. de Janzé. Il vous dit A. ce compte-là, il vaudrait bien mieux acheter tout le chemin de fer, nous ne payerions pas beaucoup plus; nous serions maitres de toutes ses lignes, et très-probablement la nouvelle compagnie à laquelle nous l'affermerions nous couvrirait de toutes les dépenses que l'on nous demande. Voilà le système très-complet, très-radical, exposé dans une brochure qui nous a été remise, et que M. de Janzé lui-même vous fera connaître.

Le second amendement a été présenté par celui qui a l'honneur de vous parler en ce moment et que vous favorisez de votre bienveillante attention. (On rit. Parlez! parlez!)

Get amendement se résume en deux mots; il est fort simple. Il dit à la compagnie : Nous vous devons 15 millions 500,000 francs pour couvrir les pertes que vous avez faites, maintenir vos 29,000 francs de revenu réservé dans l'anci réseau et payer l'intérêt de la somme employée pour la construction du nouveau réseau qui vous est enlevé. C'est le chiffre qu'a posé le Gouvernement; pas de diffi

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culté à cet égard. Nous vous devons des indemnités à raison des approvisionnements qu'on vous a enlevés; nous devons encore vous tenir compte des revenus de votre chemin de fer pendant le temps qu'il a été en séquestre. Pour le chemin du Luxembourg, je ne suis pas de cet avis; on ne peut réclamer des revenus pour un chemin de fer qui n'a jamais produit que des pertes.

Quant aux bénéfices éventuels à raison des raccourcissements des chemins de fer, nous vous prouverons, pièces en mains, que ce sont précisément les parties des chemins de fer les plus mauvaises, les plus improductives qui vous ont été enlevées et que ce sont les meilleures qui vous ont été laissées, de telle sorte que vous aurez encore plus gagné que vous n'avez perdu par le fait du raccourcissement.

Ainsi donc payement immédiat de votre rente de 15,500,000 fr., pour les deux chefs que je viens de vous indiquer. Vous me devez de votre coté mes 95 millions. C'est un compte à faire; mais cela n'a rien à voir avec votre expropriation. Ce qui vous est dûù actuellement, immédiatement, c'est votre rente; il faut l'inscrire immédiatement; mais quant à vos indemnités, il faut produire les pièces.

Le traité de Francfort a dit que le gouvernement prussien mettrait à notre disposition toutes les pièces nécessaires pour établir ce compte. On ne les lui a jamais demandées; quand on les aura, quand ce compte sera établi, liquidé, nous verrons les compensations qu'il y a à établir. Si vous êtes nos créanciers, nous vous donnerons ce qui vous est dû; mais vous ne pouvez, dès maintenant, mèler cette question d'un compte à faire avec ce compte parfaitement liquide des 15 millions 500,000 fr. que nous vous devons.

Pour ce qui concerne les concessions de lignes nouvelles, je pense et je dis qu'il faut les ajourner après un plus ample examen; aujourd'hui ce seraient des concessions prématurées. On ne peut accorder des concessions nouvelles, qu'après des enquêtes préalables, et ces enquêtes n'ont pas été faites. On nous propose des concessions de chemins de fer sans que les populations aient été consultées, sans dire où ils doivent passer, sans aucune des formalités préalables établies par la législation pour ces sortes de concessions.

Après cela, et c'est là une question plus grave, on nous demande de faire ces chemins sous les conditions du nouveau réseau-; on veut perpétuer ces conditions détestables du dernier réseau, on veut leur donner une nouvelle sanction, tandis que dans toutes les concessions nouvelles que vous avez faites, vous n'avez plus accordé de garantie d'intérêt, vous avez condamné le système des emprunts sans limite, vous avez exigé que les concessionnaires commençassent par former la moitié du capital avec leur argent, et qu'on n'émit des obligations qu'autant qu'elles seraient garanties par un capital égal à ces obligations.

Voilà la législation nouvelle que vous avez sagement introduite, dont vous ne devez pas vous départir.

Eh bien, qu'est-ce qu'on vous demande? On vous demande de condamner tout ce que vous avez fait, de vous départir de cette législation sage que vous avez commencé d'introduire,

pour revenir à la détestable législation des obligations émises sans limite, sans mesure, et dont l'intérêt, grâce aux comptes de premier établissement, finit par peser de tout son poids sur le Trésor. Voilà pourquoi je pense que cette question des nouvelles lignes doit faire une question à part, qu'elle doit être examinée d'après les nouveaux principes, traverser les préliminaires indispensables à toute espèce de concession; voilà pourquoi je pense qu'aujourd'hui la demande qui nous est faite est évidemment prématurée.

Il y a un trolsième amendement, celui du M. le colonel Denfert. Je ne discute pas ces questions; quand elles viendront nous leur donnerons un bien autre développement. (Oh! oh!) Ah! c'est un long procès, c'est vrai!

M. le colonel Denfert admet la propriété au profit de la compagnie des 325 millions, mais il dit je ne veux en payer l'intérêt qu'à raison de 5 p. 100. La rente qu'il accorde est de 16,500,000 francs au lieu de 15,500,000 francs que le Gouvernement indiquait et que j'accorde; mais, dit-il, avec cela la compagnie doit nous tenir quittes de tout.

M. le colonel Denfert demande la concession de trois chemins qu'il regarde comme indispensables pour rétablir l'harmonie et les communications entre les chemins de fer qui ont été coupés et disloqués; il n'admet que ces trois chemins en présence d'une indispensable nécessité; pour tout le reste, vous allez trop vite, dit-il; il faut les examiner, et, sous ce rapport, il rentre complétement dans le système que j'indique dans mon amendement.

Voilà donc, messieurs, la question sur la quelle vous avez à délibérer et les observations que j'avais à vous présenter dans la discussion générale du projet de loi.

Vous avez trois systèmes: le projet du Gouvernement, un peu agrandi par la commission, qui trouve que le Gouvernement a fait trop peu pour la compagnie, qu'on ne lui a pas donné assez... (Réclamations au banc de la commission.)

Pardon! vous voulez porter à 102 millions le chiffre qui n'était que de 90 millions (Dénégations.) Il est dit dans le rapport que, indépendamment de ce que nous donnons, nous demeurons responsables de tous les dommages indirects que l'Etat a causés: c'est ce que nous aurons à examiner.

Le projet du Gouvernement est celui-ci : 20 millions de rente; réduction de moitié sur la créance des 95 millions; concession de huit ou dix lignes de chemins de fer sous les conditions de la loi relative au second réseau, c'està-dire avec engagement, de notre part, de payer les intérêts des obligations qui seront émises pour la construction de ces nouveaux chemins de fer.

Voilà le premier point de départ.

Le second point de départ est celui de M. de Janzé qui dit: Rachetons.

Le troisième consiste dans mon amendement qui propose de payer immédiatement une rente équivalente à la partie du revenu réservé, et à liquider exactement les dommages accessoires qui pourraient être dus, sauf compensation avec ce qui est dù au Trésor.

Le quatrième est celui de M. Denfert-Rochereau, qui propose de payer une rente plus

forte, mais de liquider tout de suite et de réduire le nombre des chemins dont on demande la concession.

Voilà sur quelles propositions vous aurez à vous prononcer lorsque vous examinerez les détails de la question; il s'agit ici d'une somme énorme à payer par le Trésor; il faut donc bien examiner toutes les propositions avant d'en adopter une.

A tout événement, mon but aura été atteint si je vous ai fourni quelques documents suffisants pour suivre avec fruit la discussion qui va avoir lieu. Si ces préliminaires n'avaient pas été posés devant vous, à chaque pas vous auriez pu être arrêtés dans les détails de la question qui vous est soumise.

Vous connaissez maintenant les points de repère de la question qui vous est soumise; ils vous seront utiles lorsqu'on développera les détails du problème à résoudre et de la résolution à adopter. (Approbation sur divers bancs.) M. de Fourtou. Je demande la parole. M. le président. M. Méline est inscrit pour prendre la parole en ce moment.

M. Méline. J'ai cédé mon tour de parole à M. de Fourtou.

M. le président. M. de Fourtou a la parole.

M. de Fourtou. Messieurs, l'Assemblée voudra certainement me permettre de défendre devant elle le projet de loi actuellement soumis à ses délibérations.

Je ne puis oublier, en effet, que j'ai eu l'honneur, il y a quelques mois, de le présenter moi-même, au nom du Gouvernement; s'il a cessé d'engager ma responsabilité parlementaire, il engage toujours ma responsabilité morale, et cette raison m'impose le devoir de ré pondre à l'honorable orateur qui m'a précédé à cette tribune. (Très-bien! très-bien ! · Parlez!)

Messieurs, la convention dont il s'agit, con clue, sous la réserve de votre approbation, entre la compagnie des chemins de fer de l'Est et l'Etat est, à mes yeux, dans toutes ses parties, une conséquence absolument nécessaire du traité de Francfort.

En effet, ce traité a créé pour la compagnie de l'Est une situation qui nous impose aujourd'hui deux choses également inévitables et également légitimes: un règlement d'indem. nité tout d'abord, et ensuite la concession d'un système de lignes ferrées destinées à reconstituer à l'intérieur de notre nouvelle frontière ces puissantes voies de transit international que nous possédions, avant la guerre, dans PAlsace-Lorraine.

J'examinerai successivement la convention à ces deux points de vue et ne me contenterai pas de rester sur le terrain des préliminaires que M. Clapier a, ce me semble, un peu dépassé; je discuterai la question tout entière.

Mais, avant d'aborder le fond de la discussion, il est nécessaire de vous exposer quelques faits qu'il est absolument indispensable d'avoir constamment à la pensée dans tout le cours de ces débats.

Avant la guerre, le réseau de la compagnie de l'Est embrassait dans son développement total 3,165 kilomètres, dont 2,886 en exploitation. Ce vaste groupe de chemins de fer exploités comprenait pour le nouveau réseau

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M. Clapier. La moins productive!

M. de Fourtou. Aussi, lors de la signature de l'armistice, et pendant le cours des préliminaires de Versailles, la compagnie de l'Est fit les plus grands efforts pour conserver la possession des lignes qui se trouvaient sur le territoire annexé. J'ajoute qu'il était naturel qu'elle la conservat, car le nombre est grand des compagnies qui possèdent et qui exploitent des chemins de fer en dehors des limites de leur territoire national. Une note fut remise, à cet effet, à M. le Président de la République ; mais il fut impossible, dans les préliminaires du 26 février 1871, d'insérer, à cet égard, une stipulation favorable.

De nouvelles tentatives eurent lieu. A la date du 4 mars, l'honorable M. Delebecque, président du syndicat des chemins de fer, remettait à M. le prince de Bismarck une note qui tendait à réclamer pour toutes les compagnies de chemin de fer leur réintégration dans leurs réseaux. Cette note fut suivie d'effet, et, à la date du 9 mars 1871, une convention signée à Ferrières remit toutes les compagnies en possession de leurs lignes, à l'exception, pour la compagnie de l'Est, des lignes comprises dans le territoire annexé.

A partir de ce moment, la compagnie de l'Est perdit tout à fait l'espérance de recouvrer son réseau. Il n'y avait pour elle qu'à négocier pour arriver au règlement de l'indemnité qui devait lui ètre accordée pour sa dépossession.

Ici, messieurs, se place une circonstance que l'honorable M. Clapier n'a pas rappelée et qu'il est cependant bien nécessaire de connaître.

Il était admis, dans les rapports du gouver、nement français avec le gouvernement allemand que les choses se passeraient de la manière que je vais décrire: Le Gouvernement rachèterait à la compagnie de l'Est la fraction annexée de son réseau, rétrocéderait au gouvernement allemand cette fraction, et recevrait du gouvernement allemand une indemnité qui serait défalquée du montant total de l'indemnité de guerre.

Le prix fixé dans les rapports du Gouvernement français avec le gouvernement alle.nand était donc, à proprement parler, le prix de la rétrocession que le Gouvernement français fe

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