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ligence avec l'Assemblée, mais il ne voulait lui faire aucune concession, et il était bien décidé à défendre pied à pied son pouvoir contre toute espèce d'usurpation ou de tyrannie.

La Commission de permanence, inquiète, mais immobile, se tiut sur la défensive et refusa d'avancer de quelques jours la réouverture des séances législatives. Les représentants étaient déjà revenus la plupart, et ils attendaient avec anxiété le Message qui devait être la véritable pierre de touche de la situation. Les meneurs, cependant, ne s'endormaient pas; ils complotaient, ils machinaient, ils intriguaient il y eut, avant la reprise des travaux de l'Assemblée, une conspiration parlementaire, très-sérieusement organisée, qui avait pour but de renverser le président de la République à coups de scrutin et de remettre dans les mains de l'Assemblée la souveraineté du Pouvoir.

Ainsi, depuis un an, la coterie orléaniste s'efforçait d'atteindre toujours au même but : elle s'alliait tour à tour avec les légitimistes et avec les républicains; mais l'impatience des conspirateurs avait été singulièrement accrue par leurs derniers succès, et ils étaient plus que jamais déterminés à poursuivre, sans relâche, une entreprise si bien commencée : la grande, la seule affaire, c'était donc la réquisition directe des troupes, par l'Assemblée ou par son président; c'était l'armée tout entière à faire passer dans le camp parlementaire.

Trois des questeurs, MM. Baze, Leflô et de Panat, se chargèrent de présenter une proposition, qui, sans affecter une pareille importance, renfermait toutes les armes de guerre, dont leurs complices voudraient se servir contre le Pouvoir exécutif.

CHAPITRE XXXIII.

Le 4 novembre, l'Assemblée rentra en séance et les nouveaux ministres se trouvèrent en face d'elle. Il y avait parmi les représen

tants une agitation et une impatience qui n'étaient pas seulement de la curiosité.

On sentait que l'Opposition avait recruté des forces nouvelles sur lous les bancs et dans toutes les nuances d'opinion; on reconnaissait les chefs qui comptaient leurs soldats et rangeaient leurs batteries.

Le ministre de l'intérieur, M. de Thorigny, monte à la tribune et donne lecture du Message, dans lequel le président de la République présentait un compte sommaire des faits accomplis depuis son Message précédent.

Au début de cet exposé, il exprimait l'intention de passer sous silence les événements, qui, malgré lui, avaient « pu produire certains dissentiments toujours regrettables. » Il se contentait de rappeler, par cette allusion voilée, le conflit qui existait encore, au fond des choses, entre les deux Pouvoirs. L'exorde et la péroraison du Message en contenaient la pensée dominante. Voici cet exorde où LouisNapoléon invite l'Assemblée à s'unir à lui pour sauver la France.

« La paix publique, dit-il, sauf quelques agitations partielles, n'a pas été troublée, et même à plusieurs époques, où les difficultés politiques étaient de nature à affaiblir le sentiment de la sécurité et à exciter les alarmes, le pays, par son attitude paisible, a montré dans le Gouvernement une confiance, dont le témoignage m'est précieux.

<«< Il serait, néanmoins, imprudent de se faire illusion sur cette appa rence de tranquillité. Une vaste conspiration démagogique s'organise en France et en Europe. Les sociétés secrètes cherchent à étendre leurs ramifications jusque dans les moindres communes; tout ce que les partis renferment d'insensé, de violent, d'incorrigible, sans être d'accord sur les hommes et sur les choses, s'est donné rendezvous, en 1852, non pour bâtir, mais pour renverser.

« Votre patriotisme et votre courage, à l'égal desquels je m'efforcerai de marcher, épargneront, je l'espère, je n'en doute pas, à la France, les périls dont elle est menacée; mais, pour les conjurer, envisageons-les sans crainte comme sans exagération, et tout en élant convaincus que, grâce à la force de l'administration, au zèle

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éclairé de la magistrature, au dévouement de l'armée, la France ne saurait périr, réunissons tous nos efforts, afin d'enlever au génie du mal jusqu'à l'espoir d'une réussite momentanée.

« Le meilleur moyen d'y parvenir m'a toujours paru l'application de ce système, qui consiste, d'un côté, à satisfaire largement les intérêts légitimes; de l'autre, à étouffer dès leur apparition les moindres symptômes d'attaques contre la religion, la morale et la société.

Ainsi, procurer du travail en concédant à des Compagnies nos grandes lignes de chemins de fer, et, avec l'argent que l'État retirera des concessions, donner une vive impulsion aux autres travaux dans tous les départements; encourager les institutions destinées au développement du crédit agricole ou commercial; venir, par des établissements de bienfaisance, au secours de toutes les misères; telle a été et telle doit être encore notre première sollicitude, et c'est en suivant cette marche, qu'il sera plus facile de recourir à la répression, lorsque le besoin s'en fera sentir. >>

Le président de la République abordait ensuite, avec la clarté et la précision qui caractérisent son talent d'analyse, l'examen des travaux exécutés et des résultats obtenus dans chaque branche de l'administration ministérielle.

Le ministère de l'intérieur avait dû quelquefois avoir recours à des mesures sévères pour assurer l'ordre et maintenir la sécurité dans les provinces; il s'était vu forcé d'expulser des réfugiés politiques qui entraient dans des affiliations dangereuses, et de réclamer la mise en état de siége de plusieurs départements, qui avaient été le théâtre de graves désordres; mais, en même temps, il n'avait rien épargné, pour que son action s'étendit à tous les moyens de stimuler le travail, « cette première condition du bien-être et de la tranquillité. » De là, les deux vastes projets adoptés par la municipalité de Paris, la construction des Halles, et le prolongement de la rue de Rivoli jusqu'à l'Hôtel-de-Ville.

Un autre projet de loi témoignait de la sollicitude personnelle du neveu de l'Empereur, pour les vieux débris des armées de la République et de l'Empire. « Des circonstances indépendantes de ma vo

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