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Quant à l'organisation de la surveillance, le fait que l'article 55 ne contient aucune disposition formelle, autorise-t-il la conclusion que la Commission Européenne a, sous ce rapport, une latitude absolue et que le Congrès n'a pas indiqué les bases de cette organisation?

On peut affirmer, tout d'abord, que ce traité exclut l'idée de la formation d'une nouvelle autorité fluviale.

Nous avons rappelé plus haut que la Commission centrale pour le Rhin, ainsi que la Commission Riveraine du Danube ont été institutées en vertu de stipulations expresses; est-il, dès lors, permis de supposer que le Congrès de Berlin, s'il avait eu en vue l'institution d'une nouvelle autorité, aurait cru inutile d'en déterminer la composition et la compétence par des dispositions spéciales? Il est impossible de l'admettre.

Est-ce à dire que le Congrès de Berlin ait négligé de pourvoir à la surveillance de la police sur cette partie du Danube?

Les délibérations qui ont précédé la rédaction de l'article 55 peuvent nous éclairer sur ce point.

Le Traité de Berlin a posé, à côté des principes déjà établis en 1815 et 1856, un nouveau principe, spécial à la partie du Danube qui nous occupe, celui d'une participation directe et permanente de l'Europe (non pas seulement des riverains) à la surveillance de la police fluviale.

En effet, les premières propositions soumises au Congrès dans la séance du 2 juillet 1878 (Protocole XI), portent qu'un Commissaire, délégué par la Commission Européenne, veillerait à l'exécu tion des Règlements.

Il est vrai que cette disposition n'a pas été insérée dans l'article 55, mais aucune objection n'a été élevée par aucun des Plénipotentiaires, ni dans la séance du 2 juillet, ni dans le courant des délibérations relatives à la question du Danube, contre le principe même de l'intervention européenne dans la surveillance des Règlements.

La modalité de cette surveillance n'a pas été considérée par le congrès comme un de ces principes majeurs que seul il était appelé à sanctionner, et elle a été naturellement réservée pour être déterminée par les dispositions des Règlements.

Je crois avoir suffisamment démontré que ni le Traité de Berlin, ni celui de Paris n'ont enlevé aux Etats riverains le droit de faire la police dans leurs eaux et que, d'après le texte et l'esprit

de l'article 55 du Traité de Berlin, c'est la Commission Européenne elle-même qui doit être chargée de la surveillance, qu'elle exercerait par l'organe d'un Commissaire.

Telle est la solution que nous croyons la plus juste, la plus pratique et que nous venons de nouveau soumettre à l'acceptation des Puissances.

Notre délégué à Galatz a reçu pour instructions d'en faire l'objet d'une proposition formelle.

Si cette proposition n'était pas prise en considération, et si toutes les Puissances adhéraient à la création d'une nouvelle autorité fluviale, nous ne saurions donner une meilleure preuve de déférence et de l'esprit de conciliation qui nous anime, qu'en y adhérant à notre tour. Mais notre consentement serait nécessairement subordonné à la condition que les représentants des Etats non riverains qui devront participer aux travaux de la Commission Européenne et que les attributions de la nouvelle autorité fussent strictement celles d'une Commission de surveillance. Cette dernière dénomination serait même plus en rapport avec sa mission que celle de Commission mixte.

En adjoignant aux trois représentants des Etats riverains deux membres de la Commission Européenne, à l'exclusion du délégué de Roumanie, choisis à tour de rôle pour une période de six mois, on donnerait pleine satisfaction à tous les intérêts et on imprimerait à la Commission son véritable caractère, qui doit être celui d'une surveillance exercée au nom de l'Europe.

Notre délégué a reçu, en conséquence, pour instructions, dans le cas où notre proposition serait écartée, de formuler à l'article premier de la proposition du Gouvernement français un amendement dans le sens que je viens d'indiquer. Si cet amendement était rejeté à son tour, toute base nous manquerait pour pouvoir prendre part à la discussion des autres articles.

Si, au contraire, il était accepté, nous aurions à présenter aux autres articles les amendements qui découlent naturellement du premier et qui se trouvent formulés dans le contre-projet que j'ai eu l'honneur de vous transmettre.

Les amendements trouvent leur explication dans les considérations développées plus haut; je me bornerai, en conséquence à les examiner ici d'une manière sommaire:

A l'article 2 nous proposons la suppression de l'alinéa d'après lequel cette Commission subirait, s'il est besoin, les modifications

qu'il pourrait devenir nécessaire d'introduire dans sa constitution et dans ses pouvoirs.

Si, comme nous devons le supposer, aucune modification ne saurait être apportée, si ce n'est dans la même forme et dans les mêmes conditions que celles qui ont présidé à l'élaboration des Règlements, cette clause devient superflue.

On aurait, d'ailleurs, de la peine à s'expliquer comment cette Commission, qui, dans l'esprit de la proposition française, aurait une durée limitée à huit ans, pourrait trouver, dans ce court intervalle, les bases fondamentales de sa constitution, et encore moins pourrait-on comprendre comment ces modifications ne seraient subordonnées qu'à une seule condition, celle de la co-existence des deux Commissions.

Les amendements proposés à l'article 3 ont pour objet de définir les attributions de la Commission, en les limitant à celles. d'une Commission de surveillance.

Je ne pense pas qu'en définissant ainsi les attributions de la nouvelle autorité à créer, on amoindrisse son prestige, comme on a voulu le soutenir, et qu'on rende son action illusoire. Est-ce amoindrir une institution, est-ce porter atteinte à son prestige que de circonscrire son action dans les limites qui lui sont assignées par les traités et par la nature même des choses? Nous avons pris, d'ailleurs, pour modèle les dispositions des Règlements en vigueur sur les autres fleuves internationaux.

A l'article 4, nous proposons une nouvelle répartition des frais d'administration entre les Etats riverains, en rapport avec l'étendue des rives que chacun d'eux possède. La part de la Roumanie serait de quatre septièmes, celle de la Bulgarie de deux septièmes et celle de la Serbie d'un septième.

L'Autriche-Hongrie, dans notre système, ne devant plus participer dans la Commission au même titre que les Etats riverains, il est naturel de ne pas lui faire supporter une partie des charges. Le droit réservé aux Etats riverains d'exécuter les Règlements et de nommer, en conséquence, les sous-inspecteurs entraîne la nécessité d'un nouveau mode de sectionnement de cette partie du fleuve.

Dans chaque État, les sections d'inspection devraient s'étendre jusqu'au thalweg seulement, à l'exception de la partie du fleuve dont les deux rives appartiennent au même Etat. Ce système s'impose d'ailleurs par la largeur considérable du fleuve et par les

différences de moeurs et de langue entre les peuples qu'il sépare. Un dernier amendement concerne les appels portés devant la Commission (article 11). Nous croyons juste de donner aux parties intéressées la faculté d'opter entre l'instance d'appel de l'autorité territoriale respective et la Commission de surveillance. Cette faculté offrirait souvent l'avantage d'accélérer la marche d'un litige, pour la solution duquel on devrait attendre, sans cela, les réunions périodiques de la Commission de surveillance.

Si, cependant, ce dernier amendement rencontrait quelqu'objection, nous n'entendrions point qu'il pût faire obstacle à une entente sur les autres points.

Telles sont, Monsieur le Ministre, les conditions essentielles sous lesquelles il nous serait possible d'accepter, comme base des négociations, la proposition dont le Gouvernement de la République a pris l'initiative.

En acceptant ces modifications et en donnant, ainsi, une lé gitime satisfaction aux demandes du pays, les Puissances feront un acte de justice, sans diminuer en rien les garanties qu'elles sont en droit d'exiger sur cette grande artère internationale.

Je vous prie, Monsieur le Ministre, de vouloir bien donner lecture de cette dépêche à M. le Ministre des Affaires Etrangères et de lui en laisser copie, si Son Excellence vous en exprime le désir.

Veuillez agréer, etc.

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La présidence de cette Commission appartiendra au délé gué d'Autriche-Hongrie.

Un membre de la Commission Européene du Danube, désigné pour une période de six mois, par ordre alphabétique des Puissances, prendra part aux travaux de la Commission mixte et jouira, pendant cette participation, de tous les droits appartenant aux membres permanents.

Lorsque l'ordre alphabétique aura indiqué le délégué d'une des Puissances représentées dans les

Proposition du Gouvernement roumain

Art. 97.

L'exécution du présent Règlement est placée sous la surveillance d'une autorité fluviale dite Commission de surveillance, dans laquelle la Commission européenne du Danube sera représentée par deux délégués, et les Etats riverains, à savoir la Bulgarie, la Roumanie et la Serbie, chacun par un délégué.

Les deux membres de la Commission Européenne devant prendre part aux travaux de la Commission de surveillance seront désignés, par ordre alphabétique des Puissances, pour une période de six mois, et jouiront des mêmes droits que les autres membres de la dite Commission.

Lorsque l'ordre alphabétique aura indiqué le tour de la Roumanie, on passera à l'Etat qui

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