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XXIV - 23

Note verbale du Gouvernement français.

4 Novembre, 1882.

Par une note verbale du 30 octobre, le Gouvernement de Sa Majesté britannique a fait connaître qu'il serait disposé à prendre l'initiative des démarches nécessaires pour amener entre les Puissances l'accord prévu par les articles LIV et LV du Traité de Berlin, relativement à la navigation du Danube. Dans la pensée du cabinet de Londres, il serait désirable que la Commission Européenne fût prorogée pour un délai fixe, et qu'elle continuât ensuite à fonctionner jusqu'à ce qu'elle fût dissoute par un vote de la majorité des Puissances. Ce vote serait émis dans une Conférence des délégués des dites Puissances, convoquées par l'une d'elles douze mois à l'avance.

Le Gouvernement de la République donnera volontiers son assentiment à ces propositions, qui concordent avec le caractère permanent de la Commission Européenne, dont le principe semble avoir été implicitement admis au Congrès de Berlin.

Pour provoquer actuellement l'entente sur ces bases, deux moyens se présentent: Faut-il proposer de soumettre la question à une Conférence des Grandes Puissances, qui pourrait, une fois. réunie, convier la Roumanie à y envoyer un délégué? Ou bien convient-il, d'une part, de pressentir directement les dispositions du Gouvernement russe relativement à la prolongation de la Commission Européenne et à l'extension de sa juridiction jusqu'à Braïla, et, d'autre part, de s'assurer des conditions auxquelles la Roumanie accèderait aux Règlements élaborés pour la navigation en amont de Galatz?

Le Gouvernement de Sa Majeste britannique désire connaître

à cet égard les vues du Gouvernement de la République. La seconde combinaison ne va pas sans de sérieux inconvénients. Appeler la Russie et la Roumanie à se prononcer séparément sur des questions dont le règlement dépend d'une entente générale, ce serait, tout au moins, augmenter les difficultés de cette entente, en laissant prendre corps à des prétentions isolées, qui pourraient être plus aisément modifiées au cours d'une discussion suivie dans un esprit de conciliation. Les vues déjà exposées par le Gouvernement russe relativement à la prolongation de la Commission Européenne laissent, d'ailleurs, une marge suffisante pour l'arrangement à intervenir. Quant à la Roumanie, elle s'est déclarée jusqu'ici contraire à l'organisation votée à Galatz, et il n'y a pas de motif pour croire que ces dispositions puissent être modifiées en dehors d'une délibération collective. Il semble donc préférable à tous égards d'appeler les Puissances à se faire représenter à une Conférence qui aurait à se prononcer sur les trois questions actuellement pendantes, c'est-à-dire :

1° Sur la prolongation de la Commission Européenne;

2o Sur l'extension de ses pouvoirs jusqu'à Braïla;

3° Sur les Règlements élaborés à Galatz en exécution de l'art 55 du Traité de Berlin.

XXIV. 24.

Le Ministère des Affaires Etrangères à Bucarest à l'Envoyé de Roumanie à Vienne.

17 Novembre, 1882.

La Commission spéciale, chargée par le Traité de Berlin d'élaborer le Règlement de navigation, de police fluviale et de surveillance, depuis les Portes-de-Fer jusqu'à Galatz, s'est séparée sans aboutir à une entente complète sur toutes les questions en discussion.

L'attitude que le Gouvernement du Roi a cru devoir garder en cette occasion était de ne pas s'éloigner des principes et des dispositions des Traités de Paris et de Berlin.

La liberté absolue de la navigation devait être la base principale du nouveau Règlement. Elle a été constamment déclarée comme une condition essentielle de la prospérité politique et économique de la Roumanie. Que deviendraient, en effet, nos intérêts économiques, si des entraves pouvaient être élevées à la navigation du grand fleuve, qui fournit à notre commerce les moyens de transport les plus naturels, les plus sûrs et les moins coûteux? Quels changements ne pourraient pas survenir dans notre situation politique même, si nous rendions le Danube moins accessible au commerce par des mesures étroites et restrictives, qui éloigneraient de nous l'intérêt toujours croissant que nous porte le monde civilisé ?

Le Traité de Berlin, en élargissant les pouvoirs de la Commission Européenne du Danube, n'a pas enlevé aux Etats riverains, depuis Galatz aux Portes-de-Fer, le droit d'exercer eux-mêmes la

police fluviale, qui n'a été accordée, en aval de Galatz, à une Commission d'un caractère international que d'une manière exceptionnelle. Ce que le Traité de Berlin a décidé, c'est que le nouveau Règlement, qui sera mis en vigueur en amont de Galatz, contienne les mêmes dispositions que celui qui régit le fleuve en aval, dans le but évident d'assurer la liberté de navigation, ainsi que l'égalité de traitement pour toutes les nations. Si on décide que la police fluviale des eaux du Danube n'appartient plus aux Etats riverains, l'exterritorialité du Bas-Danube est prononcée pour la partie du fleuve supérieur, ce qui, certainement, n'est conforme ni à la lettre, ni à l'esprit du Traité de Berlin.

Une Commission spéciale doit surveiller l'application du Règlement de navigation et de police. Sa composition a été l'objet de vifs débats. Ceux qui doivent y prendre part d'une manière incontestable, ce sont les Etats riverains, qui ont les droits et les intérêts les plus directs. Toute autre participation à l'exercice de la surveillance ne saurait émaner que de l'Europe et en vertu d'un mandat spécial. Cette participation paraît être utile et même nécessaire; d'un côté, pour assurer complètement le régime de liberté et d'égalité établi sur le Danube, de l'autre, pour donner des gages d'impartialité aux intérêts considérables que le commerce étranger possède sur la partie du fleuve dont il est question. Aussi, l'adjonction aux trois membres des Etats riverains des mem bres appartenant à la Commission européenne du Danube est-elle une conséquence naturelle et logique de la situation.

Les intérêts généraux de la navigation demandent impérieusement que la Commission de surveillance soit étroitement liée à la Commission Européenne, non seulement par les membres participant à ses travaux, mais aussi par la surveillance constante qu'elle aura à exercer afin que les principes de la liberté de navigation soient toujours et en toute circonstance sauvegardés.

Partant de ces points de vue, j'examinerai les divergences qui se sont produites au sein de la Commission spéciale, dans le but de concilier les intérêts généraux de la navigation avec nos propres intérêts et ceux des autres Etats et d'aboutir ainsi à une entente commune, dont le résultat serait le développement de la navigation sur la grande artère fluviale qui traverse notre pays.

En ce qui concerne le régime de la navigation et de la police fluviale, l'entente pourra s'établir aussitôt que nous ferons prévaloir

le grand principe de la liberté, auquel nous nous sommes associés dès le commencement des délibérations.

Aussi, les réserves faites par notre délégué aux articles 6, 8 et 67 du règlement n'ont-elles été produites en réalité qu'à la suite des divergences survenues dans la Commission au sujet de l'exécution et de la surveillance de ce règlement.

La liberté du Danube étant proclamée, il est certain que les lignes douanières des Etats qu'il traverse se trouvent placées sur les rives du fleuve. Tant qu'une opération de commerce avec la rive n'a pas eu lieu, l'action douanière ne peut s'exercer sur les bâtiments en voie de navigation ou à l'ancre dans le lit du fleuve. Le texte adopté par la majorité à l'article 6 paraît donc suffire complètement pour sauvegarder les droits des riverains, car on ne saurait subordonner la liberté de navigation aux mesures plus ou moins complètes et efficaces des différentes administrations douanières.

De l'article 1er du Règlement, proclamant la navigation entièrement libre et plaçant les bâtiments marchands de toutes les nations sous les conditions d'une parfaite égalité, il résulte qu'on ne peut admettre de distinction entre les bâtiments de mer et les bâtiments ou transports fluviaux. L'introduction d'un traitement différent, en ce qui concerne les papiers de bord, ne saurait donc être soutenue rigoureusement, car on ne pourrait pas forcer les bâtiments de mer à se munir de deux papiers de bord, les uns provenant du pays auquel ils appartiennent, les autres de l'autorité d'un des Etats riverains. Une inégalité de condition pourrait aussi donner lieu à l'établissement de droits de péage, basés uniquement sur le fait de la navigation du fleuve, ce qui serait contraire à l'article 2 du Règlement.

La liberté complète du pilotage a été inscrite dans l'article 67. Néanmoins, en vue des difficultés que la navigation présente dans certaines localités, on a créé un service de pilotes brevetés par la Commission, dont l'emploi reste facultatif. Cette disposition semble préférable à la mesure d'établir des pilotes brevetés par plusieurs autorités fluviales, ce qui aurait pour conséquence une confusion et des malentendus au détriment des facilités qu'on a voulu créer en faveur de la navigation.

La disposition qui soumet le fleuve, dans la section de Galatz à Braïla, aux Règlements de navigation et de police de la Commission Européenne, ne le place pas sous l'autorité de cette Commission et ne lui donne pas, vis-à-vis de la Commission de surveil

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