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peut être administrée lorsqu'il s'agit, non d'un dépôt volontaire, mais d'un dépôt nécessaire (V. Cod. Nap., art. 1949, 1950), d'un dépôt fait par un voyageur logeant dans une hôtellerie (idem, art. 1348), ou d'un dépôt dont le titre a été perdu par suite d'un cas fortuit, imprévu et résultant d'une force majeure (1) (ibidem); et encore, lorsque la remise de l'objet déposé a été provoquée et déterminée par des moyens de fraude (2).

La preuve testimoniale peut être encore admise quand il s'agit d'un dépôt en matière de commerce, et entre négociants. Cod. comm., art. 109 (3).

Il en est de même et la preuve testimoniale ne peut être administrée, hors les cas de fraude ou de violence, lorsque le délit allégué consiste dans l'abus d'un blanc seing au-dessus duquel on aurait écrit une convention d'une valeur supérieure à 150 fr. (4). Ici encore, est applicable la règle posée dans l'art. 1356, d'après laquelle l'aveu judiciaire ne peut être divisé contre celui qui l'a fait (5). Cependant, du consentement du prévenu les témoins pourraient être entendus (6).

L'exception à l'admissibilité de la preuve testimoniale se rencontre également en matière d'escroquerie; le fait civil constaté au contrat et le délit s'identifient et se confondent, et il y a indivisibilitė entre l'acte écrit contenant obligation et les moyens de fraude mis en usage pour en déterminer la confec

(4) 45 mai 1834, B. 444; V. sur les caractères du dépôt nécessaire, 12 août 1848, Journal criminel, art. 4409.

(2) 27 mai 1837, B. 164; 44 juill. 1843, B. 183; 20 avril 1844, B. 147.

(3) Metz, 5 août 4822; Rouen, 9 janv. 1829, Journal du Palais; Cass.,

4er sept. 1848, Journal criminel, art. 4409.

(4) 5 mai 4834, B. 406; 45 déc. 4849, B. 346.

(5) Dit arrêt de 1849, et 26 sept. 1823, B. 135. (6) 26 sept. 1840, B. 294.

tion ou la remise (1).-Même règle transport d'une lettre de change par un endossement régulier (2).

820. Lorsque le délit porte sur la soustraction d'un titre ou d'une obligation, la préexistence de ce titre et spécialement d'un testament peut être établie par témoins, parce qu'il n'a pas été possible au tiers dépossédé du titre ou testament de faire constater par écrit l'existence, soit du testament, soit de l'obligation on se trouve donc dans l'une des exceptions définies par l'art. 1348 (3).

Cependant, lorsque le titre que l'on prétend avoir été soustrait ou détruit est une contre-lettre destinée à modifier des obligations civiles dont la preuve littérale est représentée, on ne peut pas, sans un commencement de preuve par écrit, administrer la preuve testimoniale de l'existence de cette contre-lettre, parce que ce serait, par une voie indirecte, faire recevoir la preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes (4).

Au contraire, les stipulations d'intérêts usuraires dont peut se composer l'habitude d'usure doivent être soumises à la preuve testimoniale, quoiqu'elles se rattachent à des contrats civils, et que les clauses portées dans ces contrats puissent se trouver en contradiction avec les résultats de la preuve testimoniale (5).

821. C'est au tribunal saisi de l'affaire qu'il ap

(4) 23 nov. 1838, D. P., 39, p. 346; 4 déc. 1846, B. 304; et implicitement, 49 pluv. an 43, B. 84.

(2) 16 mai 1829, B. 403.

(3) 4 oct. 1816, D. A., t. 12, p. 538; 24 oct. 1824, idem, l. 10, p. 744; 15 mai 4834, B. 444; 2 avril 4835, B. 124.

(4) 5 avril 1847, B. 29; 23 sept. 1853, B. 484; Mangin, Actions, t. 4, p. 377; Contrá, M. Le Sellyer, t. 4, p. 250.

(5) 2 déc. 1813, B. 255; 23 déc. 1853, B. 596.

partient de décider s'il existe un commencement de preuve par écrit, et s'il est suffisant pour autoriser la preuve testimoniale (1).

L'art. 1347 du Code Napoléon porte : « On appelle ainsi (commencement de preuve par écrit) tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait alléguė. » La jurisprudence, par ses décisions, a facilité l'application de ce texte. Ainsi il a été jugé :

Que l'art. 1347 n'exige point que l'écrit dont on veut déduire le commencement de preuve par écrit soit signé et daté par celui contre lequel la demande est formée; qu'il suffit, d'après cet article, que ce commencement de preuve soit puisé dans un acte émané de lui et qui rend vraisemblable le fait allégué, sans néanmoins en contenir la preuve entière, tel que des notes et bordereaux de l'écriture du prévenu (2);

Que l'aveu judiciaire du prévenu, consigné dans son interrogatoire, équivalait à un commencement de preuve par écrit (3), même lorsque le prévenu avait refusé de le signer (4); que toutefois ces aveux ne pouvaient être pris en considération sous ce rapport, lorsqu'ils n'étaient consignés que dans les notes d'audience tenues par le greffier du tribunal correctionnel; que, en effet, si l'art. 155 du Code, reproduit par l'art. 189, prescrit au greffier de tenir note des principales déclarations des témoins en matière

(1) Mangin, ibid., p. 382; Cass., 34 juill. 4812, D. A., t. 5, p. 84. (2) 3 déc. 1818, D. A., t. 5, p. 52.

(3) 20 fruct. an 42, D. A., t. 5, p. 90; 6 oct. 1826, D. P., 27, 1, 28 (cet arrêt est tronqué au Bulletin, no 196; les motifs touchant les deux premiers moyens du pourvoi ont été omis); 30 août 1851, B. 364; 9 juin 4853, B. 203; le tribunal apprécie les réponses du prévenu, 12 août 1848, Journal criminel, art. 4409.

(4) 22 avril 1854, Gazelle des Tribunaux du 23.

DE LA PREUVE DES DÉLITS. 185 correctionnelle, cette prescription ne s'étend point aux explications que le prévenu donne pour sa défense, et qu'ainsi ces notes invoquées comme commencement de preuve par écrit n'ont, sous ce rapport, aucun caractère légal; que cette pièce, n'étant ni lue ni signée par le magistrat, ni relue au prévenu ni siguée par lui, n'étant soumise à aucune sorte de contrôle, et n'offrant d'autre garantie de sa véracité et de son exactitude que la mémoire et le discernement du greffier qui la rédige seul, ne saurait être assimilée ni aux interrogatoires devant le juge d'instruction, rédigés d'après l'art. 76 (1) du Code d'instruction criminelle, ni aux interrogatoires sur faits et articles (Cod. proc., art. 324 et suiv.), subis en matière civile (2);

Que les énonciations des registres et papiers du prévenu pouvaient fournir ce commencement de preuve (3).

822. « Lorsque les poursuites embrassent plusieurs délits, dont les uns sont susceptibles de la preuve testimoniale et les autres ne le sont pas, par exemple, si un individu était traduit en police correctionnelle sous la double prévention de la violation d'un dépôt, non prouvé par écrit ni avoué, et de vol, le tribunal doit prohiber l'audition de tout témoignage tendant à établir l'existence du dépôt et ordonner qu'il ne sera tenu note que de la partie des dépositions relatives à l'autre délit (4). »

(4) C'est, je crois, l'art. 40 du Code qu'il aurait fallu citer au lieu de l'art. 76, relatif aux dépositions des témoins. Du reste, le Code, et ce n'est pas là une de ses moindres lacunes, n'a pas réglé l'interrogatoire du prévenu devant le juge d'instruction.

(2) 17 juill. 1844, B. 243.

(3) 4 sept. 4832, B. 340.

(4) Mangin, Actions, t. 4, p. 382, et Cass., 1er août 4847, non imprimé,

Il y a une exception à un délit spécial qui ne peut être établie au moyen de la preuve testimoniale : c'est le fait que des papiers transportés par un voiturier ou messager, etc., en contravention aux règlements sur la poste aux lettres (V. n° 168, t. 1e), « étaient uniquement relatifs à son service personnel (1). » Si ces papiers ont été saisis et envoyés à l'administration des postes, ils doivent être réclamés par le prévenu, qui ne peut faire entendre des témoins sur la nature de ces papiers (2).

823. Maintenant, que doit faire le tribunal lorsqu'il est saisi, par le ministère public ou la partie civile, d'une affaire qui a son origine dans un contrat civil, mais où la preuve testimoniale ne peut être administrée ? « Il faut, dit encore Mangin (3), qu'il interroge d'abord le prévenu (V. no 593), puisqu'il est possible que de ses aveux résulte, soit la preuve, soit un commencement de preuve de l'existence de la convention dont la violation constitue le délit.Si le prévenu la dénie, s'il n'en existe ni preuve, ni commencement de preuve par écrit, quelle décision le tribunal portera-t-il sur cette question?

« Il ne doit pas surseoir à prononcer jusqu'à ce que les juges civils aient prononcé sur le fait de l'existence préalable de cette même convention (4); car, quel serait le but du sursis et du renvoi devant le tribunal civil? de faire juger par ce dernier tribunal si la convention existe ou n'existe pas ? mais le tribunal correctionnel a toute compétence pour dé

(4) Arrêté du 27 prair. an 9, art. 2. (2) Cass., 49 avril 1845, B. 145, 146.

(3) Ibid., t. 4, p. 384.

(4) Contrà, Merlin, Répertoire, vo Dépôt, S 1er, no 6, et Cass., 20 fruct. an 12, D. A., 1, 90.

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