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$ 2. Nullités et irrégularités de l'instruction préjudiciaire.

843. Au grand criminel, il est de principe que les vices reprochés à la procédure antérieure à l'arrêt de renvoi sont couverts par le défaut de pourvoi contre cet arrêt. La jurisprudence, depuis nombre d'années, est constante à cet égard; c'est le résultat de la combinaison des art. 299 et 408 du Code d'instruction (1), dont l'examen me conduirait trop loin et ne saurait, d'ailleurs, trouver ici sa place. En matière correctionnelle, les ordonnances de la chambre du conseil et même les arrêts de la chambre d'accusation portant renvoi devant le tribunal n'ont pas, à beaucoup près, une autorité semblable, et ces actes, une fois qu'ils ont acquis l'autorité de la chose jugée, ne me paraissent pas couvrir d'une manière absolue (2) les irrégularités ou les nullités de la procédure préliminaire. Le tribunal correctionnel peut donc être saisi des réclamations des parties qui auraient ces irrégularités pour objet. Mais il arrivera bien rarement, je crois, qu'il s'en présente qui soient de sa compétence. En effet, la plupart des irrégularités, peu fréquentes, d'ailleurs, des informations préliminaires, ne sont réprimées que par des amendes que leur caractère fait rentrer dans la compétence du tribunal civil, ou que par des avertissements administratifs dont l'infliction appartient, suivant les cas, soit au procureur impérial, soit au procureur général, soit à la chambre des mises en accusation.

En effet, le Code d'instruction, art. 77, prononce

(4) 44 avril 1847, 30 janv. 1818, B. 1818, 1 et 15; 25 juin 1819, B. 74; 19 janv. 4833, B. 17, et autres..

(2) Contrà, Mangin, Instruction écrite, V. plus bas mon no 847.

une amende de 50 fr. contre le greffier, pour l'omission des formalités prescrites par les art. 74, 75, 76 et 78, et relatives à l'audition des témoins par le juge d'instruction.

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L'art. 112 prononce une amende de 50 fr., au moins, contre le même officier, pour l'inobservation des formalités qui concernent les mandats de comparution, de dépôt, d'amener et d'arrêt. Ces formalités sont prescrites par les art. 94, 95 et 96 du Code, et relatives seulement à la confection de ces mandats; le greffier n'est nullement responsable des formalités relatives à leur exécution, à laquelle il demeure complétement étranger.

844. Or, ces manquements du greffier ne peuvent être constatés, et les amendes qui en sont la conséquence, prononcées par le tribunal correctionnel. Mangin, qui réfute victorieusement, sur ce point, Carnot (1) et Bourguignon (2), en donne la raison (3). « L'action en condamnation contre le greffier ne peut être portée devant un tribunal correctionnel, de police, ou devant une Cour d'assises, parce que les infractions commises par le greffier ne constituent ni un délit, ni une contravention de police, ni un crime. Elle ne peut pas être intentée accessoirement à l'action publique sur laquelle l'instruction écrite est intervenue; car, d'une part, il y a beaucoup d'affaires qui se terminent par des ordonnances et des l'action puarrêts portant qu'il n'y a lieu à suivre; blique se trouve éteinte alors, et aucune autre action n'en peut devenir l'accessoire (4); d'une autre part,

(4) Instruction criminelle, t. 4, 249.

p.

(2) Jurisprudence des Codes criminels, t. 4, p. 485.

(3) De l'instruction écrite, 4, p. 244, 242.

(4) Mangin, loc. cit., fait observer que les chambres du conseil et les

et quand même le jugement de l'action publique serait renvoyé par la chambre du conseil ou d'accusation devant un tribunal de répression quelconque, ce tribunal serait sans pouvoir pour statuer sur la régularité des actes de l'instruction écrite, et conséquemment sur les omissions commises par le greffier dans l'information, parce qu'il ne lui appartient pas (V. plus bas, no 847) d'examiner les procédures antérieures à l'ordonnance ou à l'arrêt de compétence qui l'a saisi.

« Il résulte de là qu'il en doit être des contraventions dont il s'agit comme de celles commises par les notaires, les huissiers, les officiers de l'état civil;

qu'elles sont, quant à leur poursuite, soumises à la règle générale (1), d'après laquelle le ministère public doit faire citer devant le tribunal civil l'officier ministériel qui lui paraît en contravention et requérir contre lui la condamnation aux amendes qu'il a encourues. »

815. En dehors de ces manquements que le tribunal civil seul peut réprimer, il en est d'autres qui sont soumis à l'autorité des supérieurs hiérarchiques; tels sont les irrégularités des interrogatoires sur lesquels le Code est demeuré silencieux, les retards, omissions ou négligences de l'information. Si les manquements concernent le greffier, c'est au procureur impérial ou au président du tribunal qu'il appartient d'avertir ou de réprimander, s'il y a lieu, cet

chambres d'accusation ne peuvent pas, non plus, infliger aux greffiers les amendes qu'ils ont encourues, parce que ces chambres ne prononcent qu'à huis clos, qu'aucun débat ne peut s'engager devant elles et que le greffier ne pourrait y présenter ses moyens de défense, etc.

(1) Loi du 25 vent. an 11, art. 53; décret du 14 juin 4813, art. 73; Cod. civ., art. 50.

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officier ministériel (1); si l'omission ou la négligence concerne le juge d'instruction, c'est le procureur général qui est compétent (Cod. instr. crim., art. 279, 280); et la Cour impériale, chambre d'accusation, en cas de récidive. Idem, art. 281. Le tribunal correctionnel n'aura donc point à s'occuper de ces manquements. D'ailleurs, la jurisprudence a établi que certaines omissions ou irrégularités de l'information ne faisaient point grief au jugement qui avait suivi cette instruction imparfaite. Ainsi il a été décidé :

Que l'inobservation des formes ordonnées par les art. 42, 43 et 44 du Code d'instruction criminelle (2), n'aurait pu produire la nullité des actes faits en conséquence de ces articles;

Que des plans dressés par des hommes de l'art, qui n'avaient pas prêté le serment d'expert, avaient pu, sans nullité, être joints au dossier, alors surtout que l'accusé et son défenseur avaient pu prendre connaissance de ces plans et en contester, au besoin, l'exactitude (3);

Que dans une instruction où il est procédé à une vérification d'écritures, une pièce dont l'écriture est formellement déniée par le prévenu a pu servir de pièce de comparaison aux experts; le rapport des experts n'étant autre chose qu'un simple document destiné à éclairer la religion des juges, il n'y a pas nullité dans cette circonstance (4);

Que l'on a pu comprendre au nombre des documents du procès le relevé des livres du prévenu de banqueroute fait, d'après l'autorisation du juge

(1) Décret du 18 août 1810, art. 26.

(2) 30 janv. 1818, B. 45.

(3) 20 mai 1837, D. P., 38, 4, 429.

(4) 2 avril 1831, B. 72.

commissaire de la faillite, par un simple témoin et sans l'accomplissement des formalités prescrites pour les expertises (1);

Qu'il n'y avait pas, non plus, de nullité dans l'inobservation des dispositions de l'art. 97 du Code d'instruction criminelle; que d'ailleurs, le demandeur ayant subi interrogatoire, devant le juge d'instruction, dans le délai fixé par la loi, avait nécessairement et réellement connu le motif de son arrestation (2).

846. Ainsi, ces moyens de nullité ou d'autres semblables seraient articulės devant le tribunal, qu'il y aurait lieu de passer outre sans admettre le réclamant à en administrer la preuve. En effet, ces circonstances fussent-elles prouvées, ne pourraient apporter une modification, soit dans le délit, soit dans la position du prévenu, leur preuve serait donc superflue, suivant la maxime de Barbosa (3): Frustra probatur quod probatum non relevat.

847. Faut-il conclure de ce qui précède que les tribunaux correctionnels soient absolument « sans pouvoir pour statuer sur la régularité des actes de l'instruction écrite ?... » Je ne pense pas, malgré l'opinion de Mangin (V. plus haut, p. 203, note 4), que l'on puisse pousser si loin cette conséquence, et je crois, outre les questions de compétence à l'égard desquelles (V. no 614) aucun doute sérieux ne saurait

(4) 7 mars 1828, D. P., 4, 467.

(2) 34 janv. 1834, B. 39; le bulletin ni la minute de l'arrêt ne font connaître la disposition de l'art. 97 qui avait été spécialement inobservée, mais il est probable qu'il s'agissait de l'exhibition au prévenu du mandat ou de la délivrance de cet acte en copie.

(3) De axiomatibus juris usu frequentioribus, ax. 194.

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