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L'enlèvement de la récolte d'une vigne dont le prévenu revendiquait la propriété (1).

861. Mais, ainsi que je l'ai déjà rappelé (première partie, no 348, 354, 356, 357, 358), il faut que l'exception opposée, pour revêtir un caractère préjudiciel et donner lieu à un sursis, réunisse cinq conditions différentes qui résultent de l'art. 182 déjà citė : - Qu'elle soit fondée sur un droit de propriété, un droit réel ou une possession telle, qu'elle entraîne la propriété ;

Que le droit sur lequel elle repose fasse, étant prouvé, disparaître le délit;

Que ce droit soit personnel au prévenu;

Que l'exception soit personnellement élevée par le prévenu;

Qu'elle soit fondée sur un titre ou sur des faits de possession équivalents.

862. La première condition, le droit de propriété, le droit réel ou la possession équivalente à la propriété, résulte de la jurisprudence la plus constante. Ainsi, il a été décidé qu'il y avait lieu de surseoir de la part du tribunal correctionnel, à l'égard :

D'un prévenu de délit de pâturage, qui alléguait un droit de pâturage (2);

D'un prévenu de la destruction d'un mur ou du comblement de fossés faisant clôture, qui se prétendait propriétaire du terrain sur lequel le mur était bâti (3) ou les fossés creusés (4);

(1) 9 mars 1828, B. 140. Cet arrêt est postérieur au Code forestier, mais le délit qui l'avait occasionné était de juin 4826.

(2) 5 avril 1834, B. 105.

(3) 46 mai 1834, B. 145; 44 oct. 1842, B. 278.

(4) 8 mai 1841, B. 137.

D'un prévenu de l'abatage d'une croix, monument religieux, qui soutenait que cette croix était une propriété privée qui lui appartenait (1);

D'un prévenu d'un enlèvement de récoltes qui excipait de la nullité de l'adjudication par voie de saisie immobilière, à un tiers, de la propriété du terrain récolté, et dont lui, prévenu, était ancien propriétaire (2).

863. Il en serait autrement, et il n'y aurait pas lieu de surseoir, si l'exception de propriété opposée par le prévenu ne portait que sur un objet mobilier. « Les effets mobiliers, dit Mangin (3), sont la matière des vols, des détournements, etc., et le droit de juger les délits emporte avec lui le droit de connaître de toutes les exceptions proposées comme moyen de défense... Il résulte de là que, si la possession alléguée par le prévenu, ou qui lui est opposée, ne porte que sur une simple jouissance des fruits d'un immeuble; que si elle n'est qu'un fait distinct de la propriété de l'immeuble (4) lui-même, il appartient au juge criminel d'apprécier en fait et en droit le mérite de cette exception. (V. plus bas, no 872, des exemples de ces exceptions, qui ne constituent que des questions préalables.)

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Par les mêmes raisons, le tribunal correctionnel est compétent pour interpréter:

1o Les baux que l'on oppose à l'action en réparation d'un délit. « Ces actes ne font que régler le mode de perception des fruits de la terre; ils ne concer

(4) 13 juin 1839, B. 190, et surtout Journal criminel, art. 2434, où sont rapportés les faits du procès.

(2) 12 fév. 1848, B. 40.

(3) Actions, l. 1, p. 495; Cass., 14 avril 1847, non imprimé, ibid. (4) Sie, 5 juill. 1828, B. 204.

nent que des objets mobiliers » (1). C'est ce qui a été décidé, à propos de prévenus qui excipaient d'un bail pour justifier, l'un le délit de mutilation d'arbres (2); d'autres, celui de pâturage dans un bois (3); un troisième, celui de destruction de clôture (4);

2o Les concessions de jouissance ou permissions d'usage, telles qu'une permission de chasse (5).

864. La seconde condition pour l'admission de l'exception préjudicielle, c'est que le droit qui la motive fasse, étant prouvė, disparaître le délit.

Telle est la propriété, fondée sur un titre, d'un terrain sur lequel le prévenu avait fait pacager ses bestiaux (6), ou duquel il avait enlevé des charges de fougère (7).

Mais, et c'est ce qui est le plus habituel, l'exception doit être repoussée, parce que la propriété ou le droit réel allégué ne fait pas disparaître le délit. C'est ce qui arrive :

A l'égard des usagers en forêt; leur droit d'usage, fût-il incontesté par le demandeur, n'empêcherait pas le délit d'exister:

Ou parce que le bois où les bestiaux avaient pacagé n'était pas défensable (8);

Ou parce que les formalités auxquelles l'exercice du droit d'usage est subordonné n'avaient pas été

(4) Mangin, ibid., p. 497. (2) 13 juin 1848, B. 78.

(3) 2 août 1821, B. 126.

(4) 25 juin 1830, B. 179.

(5) 22 janv. 1836, B. 25.

(6) 9 juillet 4818, non imprimé (le titre était un décret impérial); Mangin, Actions, t. 4, p. 516; 24 sept. 4825, B. 194.

(7) 9 juin 1848, B. 177.

(8) 26 flor. an 43, B. 140; 28 janv. 1843, B. 14; 22 avril, 10 sept. 4824, B. 55, 145; 40 déc. 1829, B. 270; 16 janv. 1836, B. 17.

remplies (1), par exemple, il n'y avait pas eu d'autorisation préalable (2);

Ou, parce que le droit d'usage avait été exercé d'une manière prohibée par la loi (3);

A l'égard des personnes qui ont un droit de pêche sur une rivière, ce droit ne peut les autoriser à employer un procédé de pêche prohibė, tel qu'un barrage (4);

d'un propriétaire qui s'oppose, par des voies de fait, à la construction, sur son terrain, de travaux autorisés par le Gouvernement (5).

Iln'y a pas, non plus, lieu de surseoir, lorsque la question de propriété a déjà été vidée par un arrêt qui a acquis l'autorité de la chose jugée (6).

865. La troisième condition, c'est que le droit allégué soit personnel au prévenu. Ainsi, l'exception n'a pas dû être admise en faveur d'un prévenu :

Qui se prévalait d'un droit qui appartenait à sa commune, laquelle n'était point en cause et n'était pas intervenue au procès (7); si la commune intervient, le sursis doit être prononcé (8);

Qui excipait d'un droit appartenant à un tiers dont il était le simple agent (9), ou même le fermier (10).

(4) 7 avril 4809, B. 69; 9 mai 1822, B. 72; 20 mars 1823, B. 38.

(2) 28 mars 1839, B. 104.

(3) 18 fév. 1820, B. 29; 12 avril 1822, B. 58; 23 janv. 1829, B. 20; 4er juill, 1836, ch. réun., B. 214; 25 mars 1837, B. 92; 6 juin 1840, B. 161; 20 août 1842, B. 244; 18 janv. 1850, B. 26.

(4) 14 déc. 1837, B. 429.

(5) 6 juill. 1844, B. 256.

(6) 18 juin 1807, B. 135; 22 avril 1852, B. 128.

(7) 7 avril 1809, B. 69; 12 juill. 1846, B. 42; 28 août 1823, B. 124; 22 avril 1824, B. 55; 5 juill. 1828, B. 204; 13 sept. 1850, B. 303.

(8) 16 août 1822, B. 140.

(9) 24 oct. 1817, B. 103.

(40) 4 juin 1847, B. 122; 7 juill. 4849, B. 453; 25 janv. 1850, B. 34.

Mais, le prévenu peut mettre en cause le tiers dont il soutient avoir exercé le droit. Ce tiers pourrait lui-même intervenir et élever la question préjudicielle (1).

866. La quatrième condition est que l'exception de propriété soit personnellement élevée par le prévenu (2).

867. La cinquième condition est que l'exception soit accompagnée d'un commencement de preuve, tel qu'un titre (3) ou des faits de possession équivalents, et articulés avec précision (4). Si le prévenu ne présente aucun titre ou n'allègue pas des faits de possession qui y soient équivalents, l'exception doit être rejetée, et il est passé outre par le tribunal (5), « Si, dit Mangin (6), la simple allégation d'un droit réel sur l'immeuble qui a été l'objet du délit suffisait pour obliger le juge à accorder un sursis, les prévenus allégueraient souvent un pareil droit, quoiqu'ils sussent parfaitement qu'il ne leur appartient point » (7).

868. Lorsque l'exception opposée réunit les cinq conditions qui précèdent, elle doit être accueillie et donner lieu à un jugement de sursis, au lieu d'un jugement statuant sur le fond (8) ou déclarant l'incompétence (9). Le tribunal doit surseoir, même d'office (10), et il ne pourrait, sans un excès de pou

(1) 24 oct. 1817, j. cit.; 1er sept. 1832 (implicitement), B. 337; 43 nov. 1835,

B. 417.

(2) Arrêts cités première partie, no 357, note 1.

(3) 44 nov. 4831, B. 290.

(4) 17 mai 1806, B. 75; 23 avril 1824, B. 56; 7 janv. 1832, B. 9.

(5) 2 juin 1836, B. 172.

(6) Actions, t. 4, p. 527.

(7) V. Cass., 5 déc. 1823, B. 460.

(8, 9, 10) Arrêts cités première partie, no 359, notes 4, 4 et 3.

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