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suffisamment instruite, que dès lors il échet de recourir à un supplément d'information, suivant le mode indiqué par la loi ; Vu l'art. 215 du Code; - Met au néant, etc. ; Emendant et évoquant, dit qu'à l'audience du..., il sera procédé à l'audition orale des témoins que le ministère public et le prévenu jugeront convenable de faire entendre >> (1).

893. Je crois que cet arrêt n'a pas touché au véritable point de la difficulté. Il ne s'agit pas de savoir, à propos de la question de l'information supplémentaire, si les témoins, dont les déclarations sont destinées à faire preuve, seront entendus oralement devant le tribunal; cela ne peut être douteux; le tribunal ne saurait recueillir autrement les témoignages qui doivent éclairer sa religion; il s'agit de savoir si, en dehors de son audience, les déclarations des personnes présumées avoir connaissance des faits pourront être reçues préparatoirement, afin de permettre de choisir les témoignages et de n'appeler à l'audience que les témoins véritablement essentiels.

Or, je n'aperçois pas en quoi ce mode d'information se heurte aux principes de l'instruction orale, même lorsque l'affaire vient devant le tribunal sur citation directe. Et l'on pourrait soutenir que, par analogie, les art. 303 et 304 du Code, qui autorisent cette manière de procéder, sont applicables en matière correctionnelle. Ces articles portent :

Art. 303. S'il y a de nouveaux témoins à entendre, et qu'ils résident hors du lieu où se tient la Cour d'assises, le président, ou le juge qui le remplace, pourra commettre, pour recevoir leurs dépositions, le juge d'instruction de l'arrondissement où ils rési

(1) Douai, 19 août 1836, Journal criminel, art. 1962.

dent, ou même d'un autre arrondissement : celui-ci, après les avoir reçues, les enverra closes et cachetées au greffier qui doit exercer ses fonctions à la Cour d'assises. »

Art. 304. « Les témoins qui n'auront pas comparu... ou qui refuseront de faire leurs dépositions, seront jugés par la Cour d'assises, » etc.

La jurisprudence a emprunté pour la procédure correctionnelle à la procédure de la Cour d'assises, l'art. 270 du Code sur la direction des débats (V. n° 807), l'art. 306, sur la jonction des actes d'accusation (no 886); je ne vois pas pourquoi l'art. 303 ne serait pas considéré comme également applicable; cette interprétation n'est pas plus hardie que les autres. Seulement, ainsi que pour les art. 270 et 306, comme le président du tribunal correctionnel n'a point la juridiction spéciale et les pouvoirs personnels du président des assises, c'est au tribunal tout entier qu'appartiendrait le soin de commettre le juge d'instruction chargé d'entendre les témoins nouvellement désignės.

894. Quoi qu'il en soit, et sans même avoir recours aux dispositions de l'art. 303, la Cour suprême s'est montrée très-favorable au système de l'information supplémentaire. Elle a décidé, à ce sujet, qu'un moyen légal de parvenir au complément d'instruction jugé nécessaire était d'adresser une commission rogatoire aux juges compétents pour y procéder (1); que le tribunal correctionnel, saisi par une citation directe, pouvait, avant d'avoir entendu les témoins assignés par la partie civile, renvoyer devant le juge d'instruction, pour être procédé conformément à la

(1) 18 juin 1824, B. 82.

loi, lorsque d'après le libellé de la plainte il apparaissait aux juges qu'une instruction préalable était nécessaire pour éclairer leur religion. Dénier, dans ce cas, l'exercice de cette faculté au tribunal, serait donner à l'art. 182 du Code d'instruction une extension qu'il ne comporte pas pour son exécution dans l'intérêt de la justice (1). Dans un autre arrêt, la Cour, s'occupant de la difficulté d'une manière accessoire, pose en principe qu'aucune disposition

de loi n'interdit aux tribunaux correctionnels la faculté d'ordonner une instruction supplémentaire et par écrit, lorsqu'ils ne trouvent pas que l'instruction déjà faite soit suffisante; et que, dès lors, ils y sont autorisés par la loi même de leur institution, qui leur fait un devoir de ne rien négliger, soit dans l'intérêt des prévenus, soit dans celui de la vindicte publique, pour arriver à la connaissance de la véritė (2). »

895. Mais cette information supplémentaire ne peut être ordonnée que dans les termes du droit et dans les limites des pouvoirs du tribunal. Ainsi, lorsque l'exception d'incompétence proposée concerne une affaire pouvant donner lieu à une instruction supplémentaire, il est du devoir du tribunal de juger cette exception, soit d'après la nature des faits de la citation, soit, en cas de doute, d'après l'audition des témoins déjà assignés devant lui; c'est l'application de la maxime: Priùs de judice quàm de re, dont j'ai déjà parlé (première partie, n° 42); ce n'est qu'après avoir déclaré leur compétence que les juges peuvent, s'il y a lieu, renvoyer à l'instruction (3);

(4) 18 juin 1824, B. 81.

(2) 19 mars 1825, B. 50 (affaire Roumage). (3) 48 nov. 1824, B. 465.

si l'affaire n'était pas en état pour être prononcé sur la compétence, le tribunal pourrait, tout au plus, ordonner un supplément d'instruction relatif à cet objet, sans que sous aucun prétexte il pût être passé à l'examen du fond (1).

Cette information ne peut être faite par l'un des membres du tribunal, soit président, soit simple juge, qu'en vertu (comme je l'ai dit plus haut, no 893) d'une décision du tribunal; si le président, qui n'est pas autorisé par la loi à agir de son propre mouvement, procédait hors cette délégation à quelque acte d'instruction, tel que audition de témoins, accès de lieux, etc., cette information, entachée d'excès de pouvoir, si elle était visée par le tribunal dans son jugement, entraînerait la nullité de cette décision (2).

896. Dans le plus grand nombre des cas, l'information supplémentaire ordonné se résume en une espèce de commission rogatoire donnée par le tribunal, soit à un de ses membres, soit au magistrat instructeur du siège, si les faits à vérifier, ou les personnes à entendre, sont à portée, soit au juge d'instruction d'un autre arrondissement (3).

Cependant il peut être nécessaire d'examiner le fait poursuivi, en lui-même, ou bien d'informer sur

(1) 25 juin 1825, B. 123.

(2) 49 mars 1825, B. 50.

(3) J'ai eu, en 1850, à requérir l'exécution d'une commission rogatoire donnée par le tribunal correctionnel d'Orléans à l'un des juges d'instruction de Paris, à l'effet de suivre une expertise confiée à M. S..., professeur à l'Ecole de pharmacie, lequel ne pouvait aller procéder à Orléans. Il s'agissait de sirops sophistiqués, saisis chez 28 épiciers ou droguistes. L'expert devait les soumettre à l'analyse et les prévenus étaient autorisés à se faire représenter auprès de l'homme de l'art par deux d'entre eux, chargés d'assister aux opérations scientifiques. Jugement d'Orléans du 14 nov. 1850 (non imprimé), confirmé par arrêt de la Cour de cette ville, du 2 avril 1854. V. Journal criminel, art. 4960.

des faits accessoires que la citation ou les débats commencés viennent à révéler; dans ces divers cas, il faut prendre garde que la commission donnée par le tribunal et l'information édifiée pour son exécution ne présentent pas une espèce de conflit entre le tribunal qui délégue et le juge qui est délégué ; je m'explique.

897. Lorsque l'affaire, et c'est le plus ordinaire, vient sur citation directe, aucune juridiction autre que celle du tribunal n'en a été saisic; la commission pour informer peut, à la rigueur, être adressée au juge instructeur du siége. Il en est autrement, lorsque le tribunal a été saisi par suite d'une information ordinaire; le juge d'instruction qui l'a faite ne peut être chargé de l'information supplémentaire reconnue utile, par la raison qu'il se trouve avoir épuisé les pouvoirs de la juridiction qui lui est personnelle (1). Alors, c'est le cas de confier cette information à l'un des membres du tribunal.

898. Maintenant, l'information portant la lumière sur une affaire demeurée imparfaitement connue par la citation ou les débats, peut-on donner un autre caractère au fait objet de la poursuite, ou, à côté de ce fait, en révéler de nouveaux, ou, à côté de l'auteur principal, découvrir des complices? Le parti à prendre, la manière dont l'information doit être réglée, dépendent de la situation des choses.

Si le fait principal paraît changer de face à l'instruction, et présenter, par exemple, le caractère d'un crime, il semble naturel de la part du ministère public de requérir une ordonnance de prise de

(4) 45 janv. 4853, B. 20.

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