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JUGEMENTS PAR DÉFAUT, ETC. fait représenter à l'audience par un avoué; le jugement, si le prévenu ne défère pas à l'ordre du tribunal, sera-t-il contradictoire, sera-t-il par défaut? Sur cette question, la jurisprudence et la doctrine diffèrent. La Cour de Grenoble (1) a jugé qu'un prévenu appelant, dont elle ordonnait la comparution en personne, devait être réputé défaillant, s'il ne se présentait pas à l'audience indiquée par l'arrêt pour cette comparution. Cette décision est fondée sur ce que « l'art. 185, qui autorise la représentation du prévenu par un avoué, doit être entendu en ce sens que le prévenu a été interrogé, et qu'il ne s'agit désormais que de la continuation de l'instruction; qu'il peut d'autant moins s'élever de doute à cet égard, que l'art. 190, qui prescrit impérativement l'interrogatoire, est postérieur à l'art. 185, et qu'il présente la réunion de toutes les règles à suivre pour parvenir au jugement des affaires correctionnelles. » — Boitard (2) enseigne, au contraire, que, si le prévenu (dont la comparution a été ordonnée) ne se présente point au tribunal, le jugement rendu contre lui ne sera pas pour cela un jugement par défaut, mais bien un jugement contradictoire. Ce sera un jugement contradictoire, parce que le prévenu a comparu par l'avoué, son représentant, jugement dans lequel il n'a pas répondu, mais dans lequel il avait assurément la faculté de ne pas répondre... Et plus bas, Boitard ajoute « Le jugement est alors contradictoire, com-me il l'est dans les matières civiles, nonobstant le refus de la partie de se présenter en personne et d'obéir au jugement rendu en vertu de l'art. 119 du Code de procédure.

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(4) Grenoble, 13 nov. 1823, D. A., t. 9, p. 761.

(2) Leçons sur le Code d'instruction criminelle, p. 303.

992. Je crois que l'opinion de Boitard ne doit pas être suivie et qu'il faut décider, avec la Cour de Grenoble, que le prévenu, qui n'obéit pas dans ce cas, doit être jugé par défaut. Je ne vais pas aussi loin que cette Cour, qui n'admet la représentation par le ministère d'un avoué qu'après l'interrogatoire du prévenu. Tel n'est pas, à mes yeux du moins, le sens de l'art. 185. Quoique placé avant l'art. 190, qui prescrit la formalité de l'interrogatoire, l'art. 185 me paraît, par la généralité de ses termes, dispenser le prévenu de répondre en personne. Le délit n'entraînant qu'une amende et des réparations civiles, la présence du prévenu aux débats n'a pas semblé indispensable au législateur qui a permis au défendeur de se faire représenter. Le mandataire légal, dans ce cas, tient la place du prévenu et s'explique régulièrement devant le tribunal. Mais cette faculté de se faire représenter cesse lorsque les juges trouvent à propos d'user du droit que la fin de l'art. 185 leur confère. Alors le prévenu est directement en cause; il doit paraître de sa personne, pour que les témoins le puissent reconnaître, s'il en est besoin; il doit répondre par sa bouche, afin que ses juges puissent recueillir son aveu ou apprécier ses dénégations. Il peut, sans doute, se dispenser de paraître, mais alors il se trouve dans le cas de l'art. 186: Si le prévenu ne comparaît pas, il sera jugé par défaut ; et son défenseur ne peut plus le représenter, parce que, quoi qu'en dise Boitard, l'art. 119 du Code de procédure n'est pas ici applicable. En effet, la matière n'est pas civile, elle est criminelle, du petit criminel, si l'on veut; et, en ce qui touche la comparution et la représentation des parties devant la justice, les principes de ces deux procédures sont diametralement opposés

En matière civile, l'emploi du mandataire, la représentation de la partie est la règle générale, la formalité substantielle; faute de constituer avoué, nul ne peut, non-seulement introduire sa demande, mais présenter sa défense devant les tribunaux civils : l'avoué, c'est la partie. De telle sorte que, lorsque la loi, dans un petit nombre de cas exceptionnels, à permis aux juges d'appeler les parties en personne devant eux, la non-comparution de ces parties n'emporte point défaut, si leur avoué est présent à l'audience le tribunal a tel égard que de raison à leur silence, mais le jugement qu'il prononce n'en est pas moins contradictoire. Et l'instruction de l'affaire ne souffre pas de cette manière de procéder. Il est rare que la lumière vienne au juge de la partic elle-même. Dans les actions réelles, l'objet litigieux est hors la personne des parties; il en est de même pour beaucoup d'actions personnelles qui tirent leur origine d'un contrat, d'un acte que le tribunal apprécie en soi, qui émane quelquefois d'un tiers ou des auteurs de la partie; c'est alors que le mandataire ad lites, que l'avoué tient, et souvent avec avantage, la place de sa partie devant le juge.

En matière criminelle, le principe est tout opposé parce que la position est toute différente. L'affaire poursuivie n'est point séparée par ses éléments de la partie qu'elle regarde; en ce qui concerne le préve nu, le délit, c'est le prévenu lui-même : c'est à sa personne d'abord et essentiellement que s'adresse l'action publique pour l'application de la peine (Cod. instr., art. 1"), de sorte que sa comparution en personne est une nécessité, d'où la règle générale posée à cet égard par les art. 186 et 190 du Code. A cette règle, l'art. 185 a dérogé pour le cas qu'il spėcifie, mais cette dérogation trouve elle-même une

exception dans la disposition finale de l'article qui permet au tribunal d'ordonner la comparution du prévenu en personne, et alors la règle générale reprend son empire, et, si l'on peut y désobéir, ce ne doit être qu'en s'exposant aux conséquences ordinaires d'un défaut. - Je pense donc que lorsque le prévenu, représenté par un avoué ou un avocat, ne défère pas au jugement qui a ordonné sa comparution en personne, il doit être passé outre aux débats comme dans les défauts ordinaires, et que l'avocat ne doit pas être admis à présenter la défense.

993. Défaut faute de se défendre. Lorsque le prévenu comparaît devant le tribunal, mais qu'il n'y présente pas sa défense, le jugement sera encore rendu par défaut. Je parle ici du prévenu en état de liberté, car, s'il était placé sous mandat de dépôt, et si le président avait trouvé à propos de le faire amener à la barre, son silence n'empêcherait pas, je l'ai expliqué plus haut (n* 865 et suiv.), l'instruction d'être faite et le jugement d'être rendu contradictoirement.

Le prévenu ne fait pas seulement défaut lorsqu'il garde le silence, sa position est encore telle lorsqu'il se borne à constater son identité par ses réponses sur ses nom, prénoms, âge, profession, demeure et lieu de naissance (1), et qu'il ne touche pas au fond de l'affaire, ou bien se contente de décliner la compétence du tribunal ou de proposer une exception préjudicielle, surtout lorsqu'il déclare formellement restreindre sa comparution à ces conclusions exceptionnelles, et ajoute qu'en cas de rejet de ces conclusions, il ne plaidera, ni ne conclura sur le fond; alors la cause n'est liée contradictoirement que sur

(4) 8 sept. 4824, B. 442.

les conclusions préjudicielles (1); il en serait de même, si l'affaire avait subi des remises (2) et si l'instruction commencée contradictoirement avec le prévenu à une audience n'avait été terminée qu'à une seconde audience, hors la présence et par conséquent sans les explications du prévenu (3).

994. Le jugement, au contraire, est contradictoire :

Lorsque l'instruction achevée à une première audience, avec le concours du prévenu, il n'y a plus. à l'audience de remise que le jugement à prononcer (4);

Lorsque le prévenu a proposé des moyens de défense (5), ou s'est défendu sur le fond (6);

Lorsque dans son interrogatoire il s'en est référé à un mémoire distribué et notifié au ministère public, mémoire dans lequel il discutait le fond (7), et qu'il a, en outre, répliqué au ministère public qui avait conclu au fond contre lui (8).

Maintenant, la partie civile peut-elle faire défaut? V. sur cette question, qui n'est pas sérieuse, le n° 1005.

Inconvénients des jugements par défaut, V. n° 1021.

(4) 7 déc. 1822, B. 474 ; 13 mars 4824, B. 43; 43 mars 1835, B. 92, et 7 mess. an 8, D. A., t. 9, p. 515; 22 juin 1838, B. 474.

(2) 23 fév. 1837, B. 58.

(3) 14 mai 1835, D. P., 36, 4, 481.

(4) Toulouse, 24 janv. 1834, D. P., 2, 192.

(5) 8 sept. 1824, B. 112.

(6) 22 sept. 1832, B. 372.

(7, 8) 29 mai 1830, D. P., 4, 294.

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