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prendre la suite des interrogatoires, ou de commencer ou continuer l'audition des témoins; c'est ainsi qu'il faut entendre le sens des expressions de l'article 327 reprendre la suite des débats généraux » (1). Cette connaissance à donner au prévenu momentanément éloigné de l'audience de ce qui s'y est passé en son absence est une formalité substantielle; il faut que ce prévenu soit mis à même de combattre ce qui peut avoir été déclaré à sa charge; la Cour de cassation a jugé que l'omission de cette formalité au grand criminel emportait nullité (2).

628. L'interrogatoire peut être répété au cours des débats, lorsque le président le trouve necessaire pour la manifestation de la vérité. C'est la disposition de l'ordonnance criminelle (3) : « L'interrogatoire pourra être réitéré toutes les fois que le cas le requerra. » Il peut, en effet, après le premier interrogatoire, surgir des débats de nouvelles circonstances sur lesquelles le prévenu doit être invité à s'expliquer. C'est encore là une des lacunes du Code d'instruction que la nécessité fait remplir dans la pratique. Voici ce que disait Jousse (4), sur la réitération de l'interrogatoire : « Toutes les fois qu'il survient de nouvelles charges, il faut nécessairement interroger de nouveau l'accusé sur les faits résultant de ces nouvelles charges, à peine de nullité car, l'interrogatoire étant établi, tant pour tirer la vérité de la bouche de l'accusé que pour sa défense, ce serait ne pas remplir une des obligations les plus essentielles de la procédure que de

(4) 48 avril 1833, B. 143.

(2) 16 janv. 1823, B. 7.

(3) Ordonn. d'août 1670, tit. 14, art. 45; Isambert, t. 48, p. 400.

(4) Nouveau commentaire sur l'ordonnance criminelle, 1767, t. 4", p. 296.

manquer à cette formalité (ainsi jugé par la Tournelle, le 24 mai 1712 et le 9 janvier 1743). » Pièces de conviction; représentation au prévenu,

V. n° 815.

Prévenu étranger; sourd-muet; interprète, V. première partie, n° 170 et 171.

629. Enfin, le greffier doit tenir note sommaire des principales réponses du prévenu. Le Code d'instruction est encore demeuré silencieux sur ce point. Le Code de brumaire an 4 portait, art. 185, S dernier : « Le greffier tient note sommaire de leurs principales déclarations (des témoins), ainsi que des principaux moyens de défense des prévenus. » Le Code d'instruction des Antilles françaises (1), porte, art. 189, § 3 : « Le greffier tiendra des notes exactes des noms, prénoms, etc..., des témoins, de leurs dépositions, ainsi que des interrogatoires des prévenus; ces notes seront signées du président et du greffier. » - C'est surtout dans les affaires introduites sur citation directe que ces notes sont indispensables pour faire connaître, au tribunal supérieur, en cas d'appel, les réponses et le système de défense du prévenu devant les premiers juges. Pour authentiquer ces notes il suffit de la signature du greffier (2). V. aussi no 811.

II. Aveu du prévenu.

630. Le Code d'instruction criminelle, comme sur tant d'autres points, est muet en ce qui concerne l'aveu du prévenu; et il n'est guère possible de sup

(1) Ordonn. des 12 oct. 1828-24 juill. 1829, portant application du Code d'instruction criminelle à La Martinique et à La Guadeloupe et dépendances. (2) 30 avril 1842, B. 106.

pléer à son silence par des emprunts à la législation antérieure. Notre système actuel, en ce qui concerne ce genre de preuve, diffère trop radicalement de la procédure ancienne. Sous l'ordonnance criminelle, à l'exemple des siècles passés, on ne craignait pas d'avoir recours à la torture pour obtenir l'aveu ou la confession de l'accusé aussi les criminalistes établissaient-ils alors des distinctions nombreuses touchant cet aveu : il y avait la confession extrajudiciaire, classée seulement au nombre des simples indices ou présomptions, et la confession judiciaire, qui pouvait former une preuve. La confession judiciaire était libre, ce qui n'a pas besoin d'explication, ou forcée, c'est-à-dire obtenue par la torture (1). Il y avait ensuite les conséquences qui pouvaient être légalement tirées contre l'accusé de son aveu ou confession; celles qui pouvaient résulter en sa faveur de ses rẻ tractations, et les auteurs, traçant la conduite à tenir par le juge dans ces différentes circonstances, allaient, au défaut des dispositions de notre droit sur ce point, emprunter des règles à la célèbre ordonnance de Charles-Quint connue sous le nom de la Caroline (2). Les modifications fondamentales apportées par l'Assemblée constituante à notre procédure criminelle ont fait laisser dans l'oubli toutes ces théories, et néanmoins ces changements n'ont pas effacé l'aveu du nombre des preuves légales à invoquer contre l'accusé. Cette preuve est encore admise aujourd'hui, au petit criminel, par la jurisprudence et par la doctrine.

631. J'ai déjà dit, dans la première partie (n° 268), que, d'après une jurisprudence constante, l'aveu du

(4.9) Muyart de Youglans, Lots eriminelles, p. 793-800.

prévenu, lorsqu'il était positif et nettement formulé à l'audience, établissait la contravention, et que l'application de la peine devait suivre, même nonobstant le défaut de procès-verbal constatant le corps du délit (1). Ces principes ne sont pas applicables tout à fait avec la même force aux délits proprement dits. La Cour suprême décide seulement que la loi n'interdit point aux tribunaux correctionnels de cher cher les éléments de leur conviction dans tous les modes de preuve admis par l'ensemble de la législation, autres que les procès-verbaux et les déclarations des témoins, el, notamment, dans les déclarations faites par les prévenus eux-mêmes, lorsqu'ils proposent leur défense, et aux termes des art. 153 et 190 du Code d'instruction. Les juges sont les maîtres d'apprécier la force probante de l'aveu que peut faire le prévenu (2), eu égard aux circonstances dans lesquelles cet aveu intervient, mais ils ne peuvent se refuser d'en faire la base d'une condamnation, même en matière forestière (3), par le seul motif qu'aucun procès-verbal régulier n'a constaté le fait matériel du délit (4), puisque ce serait exiger pour ce fait, contre le vœu des articles ci-dessus, une preuve légale incompatible avec les principes de notre droit criminel.

L'ancienne maxime de droit: non auditur perire volens, est froissée par cette doctrine, mais il n'y a pas lieu de s'y arrêter, parce que la violation d'une maxime de jurisprudence ne peut constituer un moyen de cassation qu'autant que cette maxime se

(4) Il en est de même pour les délits correctionnels en général; V. pour la fraude sur les tabacs, Cass., 25 juin 1835, B. 252.

(2) 30 janv. 1830, D. P., 1, 97.

(3) 14 mai 1853, B. 166.

(4) sept. 4847, B. 208.

rait, ce qui n'est pas, revêtue du caractère législatif (1).

A plus forte raison l'aveu devrait-il faire preuve, s'il se réunissait, à l'audience, à un procès-verbal régulier dressé par un agent compétent et ayant constaté le délit poursuivi (2).

632. Mais l'aveu du prévenu ne peut pas servir indistinctement, et dans tous les cas, de base à la condamnation. D'abord, cet aveu n'est qu'une déclaration qui ne lie pas le prévenu et qu'il peut toujours rétracter par suite d'erreur ou autrement, et l'aveu rétracté ne fait plus preuve (3).

D'un autre côté, le juge correctionnel, appréciateur de l'aveu, est le maître de le diviser contre le prévenu; l'art. 1356 du Code Napoléon, sur les effets de l'aveu judiciaire, n'est point applicable en matière de répression; il est inscrit au chapitre de la preuve des obligations, et non à celui de la preuve des délits (4). Deux conditions seraient nécessaires pour que l'aveu ne pût être divisé : la première, qu'il y eût absence absolue de toute autre preuve et de tous indices; la seconde, que les différentes parties de l'aveu fussent également probables (5). Il peut arriver, néanmoins, que l'aveu du prévenu doive être apprẻcié d'après les principes du Code Napoléon ; c'est ce qui a lieu lorsque le délit prend uaissance dans une convention dont la preuve ne puisse être faite que d'après les règles du droit civil. Ainsi, un individu

(4) V. 26 nov. 1829, B. 265, et surtout 23 sept. 1837, B. 293, et 29 juin 1848, B. 193.

(2) 26 janv. 4826, B. 18; 2 oct. 1834, B. 325; V. aussi Bordeaux, 28 fév. 1833, Journal criminel, art. 4463.

(3) 19 août 1844, B. 252.

(4) 5 fév. 1825, B. 22; surtout 19 août 1844, B. 252; 42 avril 1844, B. 437. (5) 9 août 1824, B. 128; 23 juin 1837, D. P., 1, 479.

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