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dans les motifs, et cette partie du jugement n'ayant point autorité de décision, la conciliation nécessaire entre le respect dû à la chose jugée et l'appel permis existera autant que possible.

«Mais s'il y a dans le dispositif du jugement d'appel une déclaration de culpabilité, il nous paraît impossible de ne pas voir là une violation gratuite d'une décision qui, acquiescée, excluait toute décision contraire. En vain dirait-on que la chose jugée est respectée, dès que le juge d'appel s'abstient d'appliquer la peine du délit. Un jugement qui acquitte ne se borne pas à décider, comme un jugement d'absolution, qu'aucune peine n'est applicable: il juge aussi que le prévenu n'est pas coupable, en d'autres termes, que la culpabilité n'est pas démontrée, à défaut de preuve, soit du fait poursuivi, soit de l'intention criminelle. Voilà la base du jugement acquiescé par le ministère public, qui seul pouvait en demander la réformation. Désormais, l'innocence du prévenu acquitté repose sous l'égide d'une présomption légale; si cette présomption peut être mise en doute quelque part, elle ne saurait être niée sans excès de pouvoir par une décision contraire. Supposons qu'un jugement ou arrêt émané de la juridiction civile contienne, dans son dispositif, une déclaration de culpabilité de tel délit contre l'une ou l'autre des parties litigantes; assurément cette déclaration sera censurée, surtout si elle contredit un acquittement prononcé au correctionnel: ce point a été généralement reconnu lors de l'arrêt Forbin-Janson (1), qui ne rejeta le pourvoi, appuyé par les notabilités du barrcau, que parce que les expressions relevées se trouvaient uniquement dans les motifs. Supposons que

(4) 29 janv. 1824, D. A., t. 2, p. 309.

la Cour d'assises, qui reste compétente, après la déclaration de non-culpabilité, pour statuer sur les réparations civiles demandées, insère dans le dispositif de son arrêt une déclaration qui contredise celle du jury; nul n'hésitera à reconnaître l'excès de pouvoir, quoique pourtant le motif déterminant de la première déclaration ne soit pas connu c'est encore ce qu'ont admis deux arrêts de 1841 ct 1849 (1). La jurisprudence actuelle de la Cour de cassation ne doit donc être admise qu'avec réserve; et cette Cour elle-même a reconnu ce qu'il y avait d'exorbitant dans sa doctrine, en disant dans un dernier arrêt (2), que la constatation du délit par le juge d'appel était nécessaire pour justifier sa compétence.

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1133. L'appel de la partie civile, on l'a vu, ne remet point en mouvement l'action publique; ce principe souffre toutefois diverses exceptions :

La première se rencontre lors que les premiers juges renvoient une affaire à fins civiles, sans toucher au fond, sans apprécier, ni la culpabilité des prévenus, ni les dommages éprouvés par la partie civile Alors tout demeure entier, et le silence du ministère public n'empêche pas le tribunal supérieur de statuer à la fois sur l'action publique et sur l'action privée. Le président Barris développe ainsi cette règle dans sa note 256:

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Des particuliers sont cités en police correctionnelle par la dame de C. pour délits forestiers. Ils « demandent leur renvoi devant le tribunal civil; le procureur du roi conclut aux mêmes fins; jugement

(1) 24 juill. 1844 (aff. Souesme), B. 218; 22 août 1849, ch. civ., Journal criminel, art. 4666.

(2) 45 juin 1844, B. 217.

« conforme appel de la dame de C. Le tribunal de « Perpignan reconnaît que la matière est correc<«<tionnelle, et il prononce non-seulement sur les indemnités dues à la dame de C., mais sur les • amendes prescrites par l'Ordonnance de 1669, « auxquelles il condamne les prévenus. Ces der«niers se sont fait devant la Cour un moyen de cette « seconde condamnation. Ils disaient que le mi«<nistère public n'ayant pas appelė du jugement de « première instance qui avait renvoyé aux fins civiles, " tout était consommé pour l'action publique, et qu'ainsi la condamnation à l'amende sur cette ac«tion avait été une violation de la chose irrévoca«blement jugée.

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« Nous avons unanimement rejeté ce moyen le 24 juillet 1818 (1), au rapport de M. Ollivier. — Le « tribunal de première instance s'étant, en effet, «borné à renvoyer les parties aux fins civiles, n'avait « pas connu du fond. S'il n'avait rien été jugé sur le fond, l'action publique sur des faits que le tribu«nal d'appel jugeait constituer des délits, et dont il « avait écarté les circonstances qui avaient fait prononcer en première instance le renvoi au civil, • était donc entière. Le premier tribunal n'avait point prononcé sur la qualification des faits de « la plainte de la dame de C... considérés en eux« mêmes; il n'avait point prononcé sur la preuve

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de ces faits, ni sur celle de la culpabilité des préa venus. Le défaut d'appel du ministère public « contre son jugement ne pouvait donc être consi« déré comme devant produire une fin de non-rea cevoir contre lui dans un nouvel état de la cause « dans lequel il était statué sur cette qualification

(4) Non imprimé.

« des faits et sur les preuves de la culpabilité des « prévenus. »

1134. La seconde exception concerne l'appel du mari qui poursuit l'adultère de sa femme, soit comme partie principale, soit comme partie civile intervenante sur les poursuites du ministère public. Cet appel a les mêmes effets que celui de la partie publique. Il donne le droit au juge supérieur, nonobstant, le silence du ministère public, de prononcer une peine tant contre la femme acquittée que contre son complice, et, à plus forte raison, d'aggraver celles qui ont été appliquées en première instance. Cette règle a été l'objet d'une sérieuse controverse. Elle n'a pas obtenu l'assentiment des principaux criminalistes (1), qui, tout en reconnaissant que le mari, dans ce cas, avait des droits plus étendus que ceux d'une simple partie civile, se refusent à lui accorder tous ceux de la partie publique. Le système consacré par la jurisprudence, déjà ancienne, de la Cour suprême (2), me paraît, quoique hardi, plus conforme aux principes exceptionnels de la matière. En effet, la Cour a considéré d'abord : «que la loi (C. pén. 336), en accordant au mari le droit exclusif de dénoncer l'adultère, lui donne nécessairement celui de suivre l'instance jusqu'à ce qu'il soit intervenu un jugement définitif; qu'il suit de là que l'appel du mari saisit le

(4) V. Contrà, Mangin, Actions t. 4, p. 295 et suiv.; MM. Morin, Journal du droit criminel, 1833, p. 25 et 30; Répertoire criminel, vo Adultère, p. 96; Chauveau et Hélie, Theorie, t. 6, p. 221; Hélie, Instruction criminelle, t. 3, p. 80; Cass., 26 juill. 4828, B. 222 (au rapport de Mangin); et Paris, 8 juin 4837, Journal criminel, 1838, p. 34.

Pour, Merlin, Questions de droit, v° Adultère, § 6.

(2) 3 sept. 4834, D. P., 33, 4, 345; 19 oct. 1837, B. 316; 5 août 1841, 232; 3 mai 1850, B. 154.

B.

V. aussi Paris, 17 janv. 1823, D. A., t. 1, p. 318; Angers, 9 dec, 1844 Journal criminel, art. 3720.

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tribunal supérieur de la même manière et avec les mêmes effets que la citation directe et originaire qui avait saisi le premier juge, et qu'ainsi le tribunal supérieur avait le droit de prononcer la peine que la loi applique à l'adultère. » - La Cour a considéré ensuite « que le mari est (C. pén. 337) le maître d'arrêter l'effet des condamnations intervenues contre la femme adultère, en consentant à la reprendre: que selon le Code Napoléon (art. 308), les tribunaux civils, devant lesquels le ministère public ne peut agir par voie d'action, doivent, si la séparation de corps est prononcée pour cause d'adultère, sur sa simple réquisition, condamner la femme à une peine correctionnelle; que de la combinaison de ces dispositions qui dérogent essentiellement aux règles ordinaires qui régissent l'action publique, on doit conclure que le mari a le droit de poursuivre, dans tous les degrés de juridiction, l'atteinte portée par J'adultère à la sainteté du mariage; que son appel qui, seul, suffirait devant la juridiction civile pour mettre le ministère public en état de requérir, et la Cour d'appel en état de prononcer la peine de l'adultère, doit obtenir le même effet devant la juridiction correctionnelle, nonobstant les dispositions générales des art. 1, no 1, et 202, n° 2 du Code d'instruction, qui sont inapplicables à ce cas; que le droit conféré au mari, à l'égard de l'adultère de sa femme, lui compète également à l'égard du complice de cet adultère; que la loi ne fait aucune distinction à cet égard; que l'action intentée est indivisible, puisque la réconciliation du mari avec la femme entraîne virtuellement et nécessairement la renonciation à l'action contre le complice.

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1135. La troisième exception est relative à l'appel

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