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PARIS.

E. DE SOYE ET FILS, IMPR., 5,

PL. DU PANTHEON.

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PFr 14111

Harvard College Library

Sept. 6, 1912

Minot fund

LE

CORRESPONDANT

LE COMTE DE FERSEN

ET MARIE-ANTOINETTE

D'APRÈS DES DOCUMENTS NOUVEAUX

Il y a, dans l'histoire, des personnages sympathiques et énigmatiques, à la fois célèbres et inconnus, dont toute la biographie se compose, pour le commun du public, de leur nom et du souvenir d'un grand événement auquel ils furent mêlés. Dans la nécropole de notre passé, comme dans ce cimetière de campagne, que Gray a chanté avec une pénétrante mélancolie, que de fois nous nous arrêtons devant ces pierres tombales négligées, dégradées, dont l'épitaphe, aux trois quarts effacée, ne laisse plus lire qu'un nom et qu'une date! Un nom, une date, voilà tout ce qui reste de plus d'un de ces illustres inconnus, auxquels nous avons fait allusion, dont la figure à jamais illuminée par le reflet d'une grande catastrophe, par l'éclair d'un de ces coups de foudre que le monde ébranlé n'oublie plus, flotte dans notre esprit, portée par un corps noyé dans les ténèbres!

N. SÉR. T. LXXIV (CX DE LA COLLECT.) 1 LIV. 10 JANVIER 1878.

1

Parmi ces hommes, dont la vie entière est absorbée, pour ainsi dire, aux yeux de l'histoire, par un événement unique, attirant et rebutant à la fois la curiosité du chercheur, comme ce point étincelant qui est le seul guide du voyageur dans une nuit obscure, nous citerons le comte Axel de Fersen.

Il est peu de gens qui ignorent que le comte de Fersen joua un rôle important dans le drame historique de Varennes; qu'il coopéra activement, intrépidement, avec une discrétion égale à son désintéressement, aux préparatifs, à l'accomplissement de cette évasion du roi et de la famille royale, dans une voiture commandée et payée par lui, dont les chevaux, arrêtés à quelques lieues du but par la multitude ameutée, durent rebrousser chemin et reconduire les déserteurs des Tuileries dans leur palais, devenu plus que jamais leur prison.

Tout le monde connaît, dans ses moindres détails, cette entreprise avortée, dont l'échec, s'il ne fait pas grand honneur à la prévoyance et au sang-froid de Louis XVI, en fait encore moins à la générosité française. En ces jours d'adversité où les malheurs de Marie-Antoinette apprirent au monde, suivant le mot de Chateaubriand, ce qu'il peut tenir de larmes dans le cœur et dans les yeux d'une reine, c'est un étranger, c'est le Suédois Fersen qui, payant une dette oubliée par tant d'autres, personnifia seul les antiques traditions de la fidélité chevaleresque. Nul n'ignore ce dévouement d'un homme à la cause royale, alors qu'elle semblait avoir tout le monde contre elle. Beaucoup savent aussi que Fersen ne se contenta pas d'un témoignage unique de ce dévouement. Après avoir en vain essayé de rendre au roi et à la reine leur liberté, il consacra à de non moins inutiles efforts, pour sauver leur vie, de remarquables talents de négociateur. Il fut le diplomate infatigable de cette Ligue de délivrance et de salut dont Gustave III devait être le champion. L'œuvre de Pilnitz avorta comme l'œuvre de Varennes, par suite des mêmes fautes de combinaison, des mêmes chimériques illusions, des mêmes égoïstes scrupules, du même oubli du temps et de l'occasion.

Voilà ce qu'on sait généralement de Fersen. Ces trois années 1791, 1792, 1793, sont à la fois le point culminant et le point éclatant de sa vie. Les années du début, celles de la fin de sa carrière demeurent dans l'ombre. On n'approche pas, sans partager plus ou moins leur destinée, des victimes de la fatalité. Fersen ne participa point seulement à la disgrâce de ces princes tragiques dont il fut le serviteur, par l'ingratitude du sort qui le voua à une cause perdue, à une fidélité calomniée, à une œuvre de libération stérile, et fit un chef-d'œuvre manqué de l'héroïque roman de sa vie. Moins

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