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coûtume d'enterrer les corps a duré fort long-tems dans toute la Grece.

Les Égyptiens embaumoient les corps des morts, pour les préferver de la corruption: Les Éthiopiens avoient divers ufages. Quelquefois, ils les jettoient dans le courant des fleuves & des rivières; quelquefois, ils les brûloient ou les enfermoient dans des vaiffeaux de terre cuite, felon Hérodore & Strabon. Les Indiens les mangeoient, pour leur donner par ce beau fecret une nouvelle vie, les changeant ainfi en leur propre fubftance. Ceux, qu'Hérodote appelle Macrobiens, c'està-dire, longue vie, defféchoient les corps des morts,& peignoient leurs vilages avec du blanc, leur donnant leur coloris naturel. Ils les enfermoient enfuite dans une colonne de verre ; puis, ayant gardé ces corps en cet état pendant un an, ils les expofoient en quelque lieu près de la ville, où on les voyoit. Diodore de Sicile rapporte qu'il y avoit certains peuples, qui brûloient les corps, puis enfermoient leurs cendres & leurs os dans des ftatues d'or, d'argent & de poterie, les revêtant de verre par deffus. Les Garamantes les enterroient fur le rivage dans le fable, afin qu'ils fuffent lavés des eaux de la mer.

Pour revenir à la coûtume des Grecs & des Romains de brûler les corps, le corps du défunt ayant été consumé par le feu, après que les affiftans lui avoient dit le dernier adieu, en ces termes: Vale æternùm, nos eo ordine quo natura

voluerit, fequemur; les proches parens en ramaffoient les cendres, & recueilloient les os que l'on arrofoit d'eau luftrale, & que l'on enfermoit dans des urnes de matière différente, pour les mettre enfuite dans des tombeaux, verfant deffus des larmes, qui étoient reçues dans de petites phioles appellées lacrymatoires, que l'on enfermoit également avec l'urne dans le tombeau. On ne voit pas trop bien de quelle manière ils pouvoient recueillir les cendres, & empêcher qu'elles ne fe mêlaffent avec celles du bois & d'autres chofes, que l'on brûloit avec le corps. Pline fait mention d'un lin, qui croît dans les Indes, nommé par les Grecs Asbeste, c'est-à-dire, incombuftible, dont on faifoit de la toile, qui ne brûloit point, quoiqu'on la jettât dans le feu. L'on pouvoit en envelopper le corps, & ramaffer ailément les cendres du défunt, fans qu'elles fuffent mêlées avec celle du bois; mais, peu de perfonnes pouvoient s'en fervir, puifque le même Pline affure que cette toile étoit fort rare, & qu'on la gardoit pour les Rois du païs. Peut-être fe fervoit-on d'une autre toile, faite de la pierre d'Amiante, qu'on avoit alors le fecret de filer, au rapport de Pline. Plutarque nous affure qu'il y avoit de fon tems une carriere de cette pierre dans l'ifle de Négrepont. On en trouve même dans l'ile de Chypre & ailleurs. On pouvoit encore avoir quelque autre invention, comme de mettre le corps fur le bûcher dans un cercueil d'airain ou de fer;

d'où il étoit fort aifé de recueillir les cendres & les os, qui n'étoient point brûlés.

Les Grecs & les Romains avoient coûtume de fermer les yeux à leurs Morts. Ils remettoient tous les membres dans leur fituation naturelle, quand ils avoient été dérangés par quelques convul fions ou par les derniers efforts du malade. İls lavoient leurs cadavres & les embaumoient, foit qu'ils duffent les enterrer ou les brûler. C'eft, difent quelques Auteurs, parce que l'ufage étant de garder les Corps pendant longtems, on vouloit par ce moyen faire ceffer, ou du moins diminuer l'infection du cadavre. Les Grecs habilloient foigneufement les cadavres, que l'on devoit enterrer, dans la fauffe perfuafion où ils étoient, que les Morts, étant fenfibles au froid, feroient incommodés par la rigueur de P'hiver. Les habits mortuaires n'étoient pas uniformes par rapport à la qualité de l'étoffe. Chacun ne confultoit que fon amitié pour le Mort, ou l'envie qu'il avoit de paroître, en lui donnant des habits magnifiques. Enfin, les magiftrats Romains étoient diftingués par la richeffe de leurs paru. res, qui étoient quelquefois de pourpre & même enrichies d'or. Mais, elles étoient femblables quant à la façon. Car, c'étoit toujours une robe, qui enveloppoit le Mort depuis la tête jufqu'aux pieds. Les pauvres comme les riches mettoient une couronne fur la tête des Morts parfe moient leurs bieres ou tombeaux de

fleurs, & avoient également foin de mettre une pièce de monnoie dans leur bouche, pour obliger Charon, à leur faire paffer dans fa barque le fleuve fi renommé chez les Grecs & chez les Romains. Ils tiroient enfuite le Mort de fon lit, & le mettoient en quelque autre endroit de la maison. Dans les funérailles des Princes, les domeftiques du Mort avoient coûtume d'entourer le Cadavre &d'agiter l'air, afin d'en éloigner les mouches. On les expofoit auffi dans des lits de parade, les pieds tournés du côté de la porte. Quand la mort avoit défiguré le Cadavre, on substituoit à la place une figure de cire. Ils s'adreffoient par trois fois & parloient au Mort, comme s'il avoit été encore vivant; & n'en ayant point de réponse, ils publioient fon décès avec des pleurs & des lamentations extraordinaires.

Lorfqu'un homme avoit fait des dettes, fes créanciers s'emparoient de fon Cadavre, & ne le rendoient qu'après le payement entier de leurs créances. On regardoit comme une infamie le peu de cas que les héritiers ou les amis du défunt auroient fait d'acquiter fes dettes. L'Empereur Sévère fut obligé de rendre un édit contre la dureté des créanciers, qui détenoient les Cadavres, & qui ne vouloient les rendre qu'après avoir été payés. Les enterremens fe faifoient prefque toujours la nuit. Il n'y avoit rien de fixé fur l'heure; mais, la coûtume étoit de prendre celles qui précédoient immédiatement l'aurore. On gardoit les Cadavres.

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plufieurs jours après leur mort. Toit pour les préparatifs des funérailles, ou par une prudente précaution, de peur qu'ils ne fuffent dans quelque léthargie, & qu'ils n'euffent pas encore rendu l'ame. Quelques-uns cependant, pour ôter un fpectacle auffi trifte de devant leurs yeux, faifoient enterrer leurs Cadavres fur le champ. Les parens ou les plus proches héritiers, les amis ou les domeftiques, portoient le Mort en terre. Parmi les gens du commun, on fe fervoit de gens à gages; mais, on tranfportoit fouvent dans des chars les perfonnes de diftinction, depuis leur porte jufqu'au lieu de leur fépulture. Les meres enfeveliffoient leurs enfans, & les portoient elles-mêmes en terre. Dans les funérailles des perfonnes de diftinction, on portoit leur ftatue à la tête du convoi, & on la pofoit dans la place publique avec celles de leurs parens, qui s'étoient rendu recommandables dans la République. On portoit auffi la marque des charges, dont le Mort avoit été honoré. Cela étoit accompagné de joueurs d'inftru

mens.

Lucien, dans fon traité du deuil, décrit agréablement les cérémonies qui fe pratiquoient, lorfque quelqu'un étoit mort. » Après, » dit-il, que le plus proche pa» rent a recueilli l'ame du Mort, » & qu'il lui a fermé les yeux, ❞ on a foin de lui mettre une pièce » d'argent dans la bouche pour » payer le batelier des enfers, » qui eft Charon, fans confidérer » fi c'est une monnoie qui ait

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ou

» cours dans le païs, joint qu'on » feroit mieux, à mon avis, de » ne rien donner, afin qu'on fût >> contraint de le renvoyer ici. » Après cette cérémonie, on lave » d'eau tiede le corps du défunt, » comme s'il n'y avoit point d'eau » là-bas, ou qu'il dût affifter à » quelque feftin en arrivant ; car, » outre cela, on le parfume, on » le couronne de fleurs, on l'’ha» bille de fes plus beaux habits; » foit qu'on ait peur qu'il ne meu» re de froid en chemin, » qu'on ne le traite pas felon fa » condition. Tout cela eft accom»pagné de plaintes & de regrets, » de larmes & de fanglots, pour » répondre à un maître de céré»monics, qui préfide à l'action, » & qui rapporte d'un ton lugu»bre les anciennes calamités » pour faire pleurer, fi l'on n'en » avoit point d'envie. Les uns » donc s'arrachent les cheveux » les autres fe frappent l'eftomac, » ou s'égratignent le vifage. Il y » en a qui déchirent leurs habits, » & qui mettent de la pouffiere »fur leurs têtes, ou qui fe cou» chent par terre & fe heurtent » contre les murailles; de façon » que le Mort est le plus heu» reux de la bande. Car, tandis que » fes amis & fes parens fe tour» mentent, il est placé en quel» que lieu éminent, lavé, nettoyé, » parfumé & couronné, comme » s'il vouloit aller en compagnie. » Enfuite, fon pere & mere,

» s'il en a, fortent de la troupe, » & le viennent embrailer avec » des lamentations fi ridicules, » que cela feroit capable de le

faire crever de rire, s'il avoit » quelque fentiment.

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"Il y en a qui, à la mort de » leurs parens, égorgent leurs » chevaux & leurs efclaves, » pour les aller fervir en l'autre » monde, & brûlent ou enter» rent avec eux ce qu'ils ont de » plus précieux, comme fi cela » leur devoit être fort utile. Ce» pendant, tout ce que ces gens» là difent, ce n'eft ni pour le » Mort, qui ne les fauroit enten»dre, quand ils crieroient dix » fois plus haut, ni pour eux» mêmes; car, il fuffiroit de par

>>ler tout bas. S'il les entendoit » donc, voici ce qu'il pourroit » leur dire: Qu'avez-vous tant » à pleurer & à vous tourmenter » pour moi, qui fuis plus heureux » que vous? Est-ce que les téne

bres où je fuis, vous font peur, » & que vous appréhendez que je »ne fois fuffoqué par la pefanteur » de mon fepulchre. Mais, un mort » n'a rien à craindre, puifqu'il ne fauroit plus mourir, & mes yeux » pourris ou brûlés n'ont plus be» foin de voir la lumière. D'ail

leurs, quand je ferois miferan ble, à quoi me ferviroient toutes » vos plaintes & tous ces coups » donnés contre l'eftomac à la candence des inftrumens, & cette " tombe couronnée ces effufions » & ces lamentations de femmes ? » Croyez-vous que ce vin, que » vous répandez, defcende jufqu'"> aux enfers, ou qu'il foit encore " bon à boire en l'autre monde? » Car, pour les bêtes, que vous brüle en facrifice, une partie » s'en va en fumée, & le reste

n n'eft que cendres, qui feroient un » fort mauvais aliment.

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Voilà donc les plaintes, que » l'on fait pour les Morts, qui » font femblables à Rome & en » Grece; mais, les fépultures font » différentes, felon les différentes » nations. Car, les uns brûlent » les corps ou les enterrent, & les » autres les embaument. J'ai aflif» té à des festins en Égypte, où » on les place au bout de la ta"ble; & quelquefois un homme, " par néceffité, prête la carcaffe » de fon pere ou de sa mere pour » fervir à cet usage. Quant aux » monumens, les colonnes, les » piramides & les infcriptions, y » a-t-il rien de plus inutile? Il y » en a qui célebrent des jeux à la » mémoire du défunt, & qui font » des oraifons funebres fur fon » fépulcre, comme fi cela lui de» voit fervir là-bas de certificat & » d'atteftation de vie & de mœurs. » Après tout cela, on traite l'af» femblée, où les amis vous con» folent & vous invitent à man» ger. Jufqu'à quand, difent-ils,

voulez-vous pleurer un mort? » Vous ne le rappellerez pas à la nvie par vos larmes. Voulez-vous » vous faire mourir pour défefpé»rer vos amis & laiffer vos enfans » orphelins? Il faut pour le moins » manger, quand ce ne feroit que » pour faire durer votre deuil. « Voilà ce que dit Lucien.

La loi Salique, dit l'Auteur de l'Efprit des Loix, interdifoit à celui, qui avoit dépouillé un cadavre, le commerce des hommes, jufqu'à ce que les parens, acceptant la fatisfaction du coupable,

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euffent demandé qu'il pût vivre parmi les hommes. Les parens étoient libres de recevoir cette fatisfaction ou non. Encore aujourd'hui, dit M. de Fontenelle dans l'éloge de M. Littre, la France n'eft pas, fur ce fujet, autant audeffus de la fuperftition Chinoise, que les anatomiftes le defireroient. Chaque famille veut qu'un mort jouiffe pour ainsi dire, de fes obfeques, & ne fouffre point, ou fouffre très rarement, qu'il foit facrifié à l'inftruction publique. Tout au plus permet-elle en certains cas qu'il le foit à fon inftruction, ou plutôt à fa curiofité particulière. M. de Marfollier raconte, dans la vie de Saint François de Sales, que ce Saint encore fort jeune, étant tombé dangereufement malade, vouloit léguer fon corps par teftament aux écoles de Médecine, parce qu'il étoit fcandalifé de l'impiété des Étudians, qui déterroient les morts pour en faire la diffection. Il est pourtant néceffaire que les Magiftrats ferment jufqu'à un certain point les yeux fur cet abus, qui produit un bien confidérable. Les cadavres font les feuls livres, où l'on puiffe bien étudier l'anatomie.

CADDUS, Caddus, Kádog, (a) forte de vaiffeau à Sparte. On appelloit ainfi le vaiffeau, dans lequel on jettoit certaines boules, quand on vouloit procéder à l'élection de quelqu'un, qui demandoit à être admis à une table. Ceux, qui devoient le recevoir

(a) Plut. Tom. I. p. 46.

parmi eux, prenoient chacun une petite boule de mie de pain. L'efclave, qui les fervoit, paffoit au milieu d'eux, portant un vaisseau fur fa tête. Celui, qui agréoit le prétendant, jettoit fimplement fa boule dans ce vaiffeau, & celui, qui le refufoit, l'applatiffoit auparavant avec fes doigts. Cette boule ainfi applatie valoit la feve percée, qui étoit la marque de condamnation; & s'il s'en trouvoit une feule de cette forte, le prétendant n'étoit point reçu. Čar on ne vouloit pas qu'il y en eût un feul, qui ne plût à tous les autres. Celui, qui étoit refusé, étoit appellé Décadde, du nom du vaiffeau, comme qui diroit déchu du vaiffeau.

Car,

CADDUSIENS, Caddufii, Kafovao. Voyez Cadufiens.

CADE, Cadus, espèce de coupe à boire. Voyez Cadus.

CADÉMOTH, Cademoth, ou Cédimoth. Voyez Cédimoth.

CADENAT. (b) M. le comte de Caylus préfente une espèce de Cadenat dans fon recueil d'Anti

quités. Ce fçavant Antiquaire dit

ce fujet, qu'il n'en avoit pas encore vu. Voici comme il parle de cet ancien Cadenat: » Il avoit, » dit-il, plus d'un ufage. Sa par» tie fupérieure eft ornée d'une » tête dont le goût eft trèsmauvais, & le travail, fort né» gligé. Cependant, elle est creu» le en-dedans, & elle s'ouvre » comme une bulle par un mou»vement de charnière. Elle fer

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