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un fonctionaire public à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, délit prévu et réprimé par l'article 6 de la loi du 25 mars 1822. Faisant au prévenu application de cet article, le condamne en 2 mois d'emprisonnement et en 100 francs d'amende.

M. PARISOT, Cons. rapp.; M. FAU, av. gén.; M MÉLIA, av.

COUR D'APPEL D'ALGER (Ch. des appels corr.)

Présidence de M. MIGNOT, conseiller.

5 octobre 1878.

I. Appel correctionnel. Incompétence. Omission du jugement. Renvoi du prévenu devant le juge d'instruction

II. Homicide par imprudence. Coups et blessures volontaires.

Qualification

1. Lorsqu'un Tribunal correctionnel a été incompétemment saisi d'une affaire portée devant lui en état de flagrant délit, en ce sens que le fait retenu constituerait un crime et non un délit, le Tribunal doit, en se déclarant incompétent, renvoyer en même temps le prévenu devant le juge d'instruction compétent (1).

Si le Tribunal a négligé de prononcer ce renvoi, la Cour, saisie de l'appel du ministère public, a pour devoir de suppléer à cette omission.

II. Lorsqu'un individu, dirigeant volontairement un coup contre une autre personne, a atteint un tiers dont la mort a été la conséquence de ce coup, le fait relevé constitue, non le délit d'homicide par imprudence, mais le crime de coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner.

Le PROC. GEN. c. EL HABIB BEN MADANI.

Attendu qu'El Habib ben Madani ayant été traduit en état de flagrant délit devant le Tribunal correctionnel d'Oran, sous prévention d'avoir commis involontairement un homicide sur la personne de Samoun ben Terfas, le Tribunal s'est déclaré incompétent, confor

(1) Le renvoi du prévenu devant le juge d'instruction compétent, prescrit par les art. 193 et 214 du Code d'instr. crim., au cas où le fait est de nature à mériter une peine afflictive ou infamante, ne s'applique évidemment qu'aux seuls cas où l'action a été introduite par citation directe ou portée devant les juges en état de flagrant délit. Si le Tribunal a été saisi au contraire par ordonnance du juge d'instruction ou par arrêt de la Chambre des mises en accusation, il ne peut que déclarer son incompétence, en délivrant, s'il y a lieu, un mandat de dépôt ; mais le renvoi devant un juge d'instruction constituerait une violation de la chose jugée résultant de l'ordonnance ou de l'arrêt de renvoi. Cpr. la jurispru dence sur ce point, dans Rolland de Villargues sur l'art. 193 du Code d'instr. crim., nos 15 et suiv.

mément à l'article 193 du Code d'instruction criminelle, mais sans ordonner que le prévenu sera renvoyé devant le juge d'instruction; Attendu que c'est à bon droit que les premiers juges saisis de la poursuite ont refusé d'en connaître ; — Qu'il résulte, en effet, des documents produits que si les faits retenus à la charge d'El Habib ben Madani étaient établis, ils constitueraient non point le délit prévu et puni par l'art. 319 du Code pénal, mais le crime déterminé par le dernier paragraphe de l'art. 309 du même Code; - Que s'il est vrai que le coup porté à Samoun ben Terfas et qui a occasionné sa mort, ne lui était pas destiné, mais était au contraire dirigé contre les deux belles-sœurs du prévenu, avec lesquelles ce dernier se disputait alors, il n'en est pas moins vrai qu'El Habib ben Madani a lancé volontairement son bâton sur ces femmes avec l'intention de les frapper et de les blesser, et que, dès lors, la qualification légale de son action ne saurait être celle portée dans la citation originaire, mais celle de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner;

Attendu, par suite, que le Tribunal devait, comme il l'a fait, se déclarer incompétent, mais qu'il aurait dû, en même temps, renvoyer le prévenu devant le juge d'instruction compétent; - Que le ministère public ayant interjeté appel, il y a lieu de recevoir cet appel, non point en ce qui concerne la déclaration d'incompétence, mais pour prononcer le renvoi de l'affaire devant le Magistrat instructeur qui doit en connaître ;

Par ces motifs: Confirme le jugement d'incompétence du Tribunal correctionnel d'Oran; - Complète toutefois le dit jugement en ce qu'il a omis de renvoyer El Habib ben Madani devant le Magistrat instructeur compétent; En conséquence, renvoie ce prévenu devant le juge d'instruction d'Oran.

M. HUGUES, cons. rapp. ; - M. DE VAULX, subst. du Proc. gén.

COUR D'APPEL D'ALGER (Ch. des appels corr.)

Présidence de M. MIGNOT, conseiller.

10 octobre 1878.

I. Excitation à la débauche. Proxénétisme.

pudeur. Caractères constitutifs.

II. Outrage public à la
Publicité

1. Le délit d'excitation habituelle à la débauche ne comprend que les actes de proxénétisme:

L'art. 334 du Code pénal n'est pas applicable à l'individu qui corrompt des jeunes gens pour satisfaire ses propres passions (1).

(1) L'art. 334 est-il applicable seulement au proxénète qui corrompt la jeunesse dans l'intérêt d'autrui, ou s'étend-il également à celui qui la débauche dans le but

I. Il y a outrage public à la pudeur alors même que les actes delictueux se seraient accomplis le soir, dans une chambre fermée, si cette pièce donnant sur la rue élant éclairée, les passants pouvaient être témoins de l'attentat en regardant par le trou de la serrure (1).

LE PROC. GEN. C. RESKI BEN AHMED.

Attendu que le délit d'excitation habituelle à la débauche des jeunes gens âgés de moins de 21 ans, retenu par les premiers juges, s'applique seulement, dans le dernier état de la jurisprudence, aux proxénètes qui s'entremettent et prêtent leur concours pour faciliter la débauche et satisfaire les passions d'autrui; mais que l'individu qui corrompt la jeunesse, dans le but de satisfaire ses passions, ne tombe pas sous l'application de l'art. 334;

Attendu, en fait, que le prévenu ne s'est livré aux actes qu'on lui reproche sur un enfant de 14 à 15 ans que pour satisfaire son libertinage, qu'il ne s'est rendu coupable d'aucun acte de proxénétisme ; qu'ainsi le fait qui lui est reproché échappe à la qualification acceptée par le jugement attaqué; - Attendu toutefois, que si les faits d'attentat à la pudeur constants et avoués par lui ont eu lieu le soir, dans

d'assouvir ses passions personnelles? Cette question fort controversée dans la jurisprudence, a été tranchée par la Cour de cassation elle-même, statuant même Chambres réunies, tour à tour dans l'un et dans l'autre sens (Voir Rolland de Villargues, sur l'art. 334, nos 4 et 5).

Lors de la révision du Code pénal, en 1863, la Commission du Corps législatif avait proposé de restreindre formellement la portée de l'art. 334 aux seuls entremetteurs de la corruption pour le compte d'autrui; mais cette modification échoua devant les observations de M. Nogens-Saint-Laurens et de M. de Cordoën, Commissaire du gouvernement.

L'art. 334 subsista en conséquence avec sa rédaction primitive, sans qu'on eût mis fin d'une manière quelconque à l'incertitude qui existait au sujet de l'interprétation à donner à cet article. Depuis, cette incertitude a persisté, et tandis que la Cour de cassation, 21 août 1863 (Bull. 1863, p. 382) et certaines Cours, Angers, 15 déc. 1874 (D. 1875, 2. 40), ont fixé leur jurisprudence dans le même sens que l'arrêt de la Cour d'Alger, d'autres Cours d'appel, notamment Besançon, 12 août 1874 (D. 1876, 2. 56), admettent au contraire la solution plus rigoureuse. Cpr. (Blanche, Etudes pratiques sur le Code pénal, tome V., §142 et suiv. Morin, Journal de droit crim. 1854, p. 201.)

(1) Voir au Bull. jud. 1878, p. 345, une note relative aux caractères exigés par la jurisprudence pour constituer la publicité de l'art. 330 du Code pénal.

L'outrage à la pudeur accompli dans un lieu privé n'en est pas moins public, s'il a pu être vu des passants et des voisins. Nous comprenons parfaitement l'application de ce principe lorsque le prévenu s'est trouvé en situation de connaître qu'il était exposé aux regards du public.

Mais lorsque cette publicité occasionnelle n'a été le résultat que d'un fait délictueux (tel qu'une violation de domicile ou un bris de clôture) ou même d'un fait repréhensible, d'une indiscrétion par exemple (comme cela paraît s'être rencontré dans l'espèce) il semblera bien rigoureux d'y reconnaître l'élément essentie du délit de l'art. 330, et de nombreux arrêts ont décidé qu'il n'y avait lieu dans ce cas, à retenir la prévention comme bien fondée. Cass., 10 août 1854 (D. 1854. 1. 300). Cass., II mars 1859 (D. 1859, 1. 239). Rouen, 25 juin 1862 (D. 1863. 2. 61). Poitiers, 20 nov. 1862 (D. 1863. 2. 61). Cass., 30 juillet 1863 (Morin, J. de dr. crim. 1864, p. 22).

un appartement de son habitation donnant sur la rue et dont la porte était fermée, ce qui semblerait exclure la publicité exigée par l'art. 330, il n'en est pas moins vrai que la lumière d'une bougie qui éclairait cet appartement a permis aux passants, en regardant par Ic trou de la serrure, d'être témoins de l'attentat qui par là, acquiert le caractère de publicité et constitue le délit prévu et puni par l'art. 330 du Code pénal ;

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Réforme et met

Par ces motifs Statuant sur les deux appels; à néant le jugement attaqué, tant sur la qualification des faits que sur la peine appliquée. Dit que le délit constitue un outrage public à la pudeur et, par l'application de l'artice sus-visé, condamne le prévenu en quatre mois de prison et 16 francs d'amende.

M. MIGNOT, cons. rapp.; M. DE VAULX, subst. du proc. gén.

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Le droit résultant du bail de colonisation tel qu'il est réglé par le décret du 15 juillet 1874 est un droit immobilier (1).

En conséquence, un concessionnaire au titre II ne peut être exproprié de tout ou partie de son lot, pour la construction ou l'exploitation d'un chemin de fer, sans indemnité préalable (2).

Beuque c. C DU CHEMIN DE FER DE Constantine a SÉTIF.

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Attendu que, le 20 août 1875, Beuque est devenu concessionnaire au titre II d'un lot de ferme sis à El-Gouris-bel-Abbès ; Attendu qu'après avoir rempli toutes les conditions prescrites par le décret du 5 juillet 1874, il a obtenu un titre définitif de propriété le 22 août 1878; Attendu que dans l'intervalle, M. le Gouverneur général

(1) Juris, conf. Alger, 26 janvier 1878 (Bul, jud. 1878, p. 83).

(2) Cpr. Alger, 14 novembre 1866 (Robe, 1867, p. 5). Alger, 29 mai 1867 (Robe, 1867, p. 147).

29 mars 1878, prononcé l'expropriation d'une partie de cette terre pour les besoins du chemin de fer de Constantine à Sétif ; — Attendu que la Compagnie concessionnaire de ce chemin de fer, a pris possession des parcelles expropriées et que Beuque a formé contre elle une demande en 15,000 francs de dommages-intérêts; Attendu que ladite Compagnie oppose à cette demande une fin de non recevoir, tirée de ce que la terre dont s'agit appartenait encore à l'Etat lors de l'expropriation et aurait été par lui cédée gratuitement à la Compagnie ;

Attendu qu'il importe de rechercher d'abord le caractère du contrat, appelé bail de colonisation dont les clauses et conditions sont réglées par le décret du 5 juillet 1874; — Attendu que ce bail, translatif d'une jouissance qui, à l'expiration de la cinquième année, si toutes les conditions prescrites ont été remplies, est converti en titre définitif de propriété, malgré les analogies qu'il peut avoir avec la promesse de vente, ne saurait être assimilé à ce contrat, faute de prix, un des éléments constitutifs de la vente ; que la redevance de franc que le colon doit payer annuellement, quelle que soit l'étendue de son lot, ne peut être considérée comme équivalent de la chose, ni comme un prix réel et sérieux dans les termes de l'art. 1591;

Attendu toutefois que le contrat intervenu entre l'Etat et le colon confère à celui-ci un droit immobilier; que s'il y a divergence dans la doctrine et la jurisprudence sur le point de savoir si, dans les baux ordinaires, le droit du preneur est réel et immobilier, il ne peut exister aucun doute sur la nature du droit au bail résultant du décret sus-visé ; Attendu, en effet, que celui qui devient ainsi locataire sous promesse de propriété définitive, a sur la chose un pouvoir direct et immédiat ; qu'il est en contact avec elle, sans intermédiaire ; qu'il la détient non en vertu d'un titre précaire, mais en vertu d'un droit, qu'il peut opposer à tous, même à l'Etat donateur, s'il remplit les obligations qui lui sont imposées;

Attendu qu'on ne saurait admettre que l'Etat puisse arbitrairement dépouiller le concessionnaire du droit dont il l'a investi; Qu'il a été stipulé entre les parties que le colon ne pourrait être évincé qu'en cas d'infraction à des clauses déterminées (art. 6, § 2 et 8; 12, § 2 et 3); que ce contrat, comme tous les autres, doit être interprété et exécuté de bonne foi, sans quoi la colonisation serait atteinte dans sa source même et ne tarderait pas à dépérir ;

Attendu que d'après les dispositions des articles 33 et 43 de l'ordonnance du 1er octobre 1844, il doit être alloué des indemnités distinctes aux parties expropriées qui les réclament à des titres dif férents, comme propriétaires, fermiers, locataires ou toute autre. qualité; - Qu'aux termes des art. 12 et 18 de la loi du 16 juin 1851, l'Etat ne peut exiger le sacrifice des propriétés, des droits de jouissance qu'il a maintenus, réglés ou constitués, que pour cause d'utilité publique et moyennant le paiement ou la consignation d'une juste et préalable indemnité;

Attendu que l'Etat n'a pu conférer à la Compagnie du chemin de fer des droits plus étendus que ceux dont il a lui-même fixé les limites; Attendu que si les anciens concessionnaires ont pu être

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