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expropriés pour cause d'utilité publique sans indemnité préalable, et si l'Etat a pú céder à des Compagnies de chemins de fer, substituées à ses droits, la jouissance gratuite des terrains nécessaires à leur exploitation, c'était en vertu des clauses formelles insérées dans le titre de concession (Alger, 14 novembre 1866, 29 mai 1867);

Attendu que ces réserves n'ayant pas été reproduites par le décret du 14 juillet 1874, ni dans les titres de concession qui en dérivent, les principes généraux qui consacrent les droits de jouissance et de propriété reprennent leur empire et doivent être appliqués à la cause; Que, dès lors, c'est à bon droit que le demandeur figurait nominativement dans l'arrêté d'expropriation et que la Compagnie lui avait fait notifier cet arrêté en conformité de l'art. 28 de la susdite ordonnance de 1844 ; qu'il est dû à Beucque une indemnité représentant la valeur du terrain dont il est privé par suite de cette expropriation;

Attendu que le tribunal n'ayant pas les éléments suffisants pour fixer, dès à présent, le chiffre de l'indemnité, il y a lieu de recourir à une expertise ;

Par ces motifs: Jugeant contradictoirement et en premier ressort, dit qu'il n'y a lieu de s'arrêter à l'exception de la Compagnie, laquelle est déclarée non recevable et mal fondée, et statuant avant faire droit, ordonne que par experts qui seront convenus par les parties dans les trois jours de la signification du présent jugement, sinon par MM. Surin, géomètre, Christiami et Bondel, conducteurs des Pontset-Chaussées, que le tribunal nomme d'office, serment par cux préalablement prêté entre les mains de M. le président du tribunal ou son dévolutaire, les lieux litigieux seront vus et visités à l'effet de conslater la contenance et la nature du terrain exproprié et d'évaluer le préjudice causé à Beuque. Pour le tout fait et rapporté, être par les parties conclu et par le tribunal statué ce qu'il appartiendra. Dépens réservés.

M. BALLERO, juge supp. ffons de minist, pub.; Mes GIVODAN et CAPDESTAING, av.

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II. Compétence. Délibération du Conseil municipal.

préfectorale. Tutelle administrative

Instituteurs.

Approbation

1. La convention conclue entre une commune et des instituteurs (dans l'espèce, les frères de la doctrine chrétienne), pour l'organisation de l'enseignement public, revêt à la vérité dans une certaine mesure, à raison de la qualité de l'une des parties, le caractère d'acte administratif ; mais elle n'en est pas moins un pur acte de gestion communale, consacré par un contrat de droit civil, et ressortissant en conséquence à la compétence des tribunaux civils pour les litiges judiciaires qui peuvent s'y rattacher.

En conséquence l'action en paiement de sommes dues et en dommages-intérêts formée en vertu d'un pareil contrat, est portée à bon droit devant les tribunaux civils qui doivent se proclamer compétents pour en connaître, tout en réservant formellement dans l'examen de l'exception d'incompétence, les questions se rattachant au fond, notamment le point de savoir si l'existence même du contrat en vertu duquel le demandeur prétend agir, se trouve ou non légalement justifiée.

II. Lorsqu'un préfet accomplit un acte de tutelle administrative dans la plénitude et l'indépendance de ses pouvoirs, notamment en revêtant de son approbation une délibération du Conseil municipal, la commune assignée à raison de l'exécution de cette délibéralion devant les tribunaux civils, n'est point fondée à se replier en garantie devant cette même juridiction vis-à-vis de l'Etat comme responsable des actes de son préfet.

En effet, l'Etat agissant comme puissance publique et comme chargé d'assurer le fonctionnement d'un service public, échappe à la fois et au droit commun et à la compétence de l'autorité judiciaire.

En conséquence, les tribunaux civils doivent se déclarer incompétents pour connaître de cette demande en garantie, faisant droit au déclinatoire soulevé en vertu du principe supérieur de la séparation des pouvoirs.

COMMUNE D'ALGER C. LES FRÈRES DE LA DOCTRINE CHRÉTIENNE ET LE PRÉFET D'ALGER.

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En ce qui touche l'exception tirée du défaut de qualité des frères de la doctrine chrétienne, demandeurs au procès. Attendu que la commune d'Alger a déclaré formellement renoncer à ce moyen ; Adoptant au surplus sur ce point les motifs des premiers juges ; Sur la compétence:

Attendu que la question de compétence est seule en débat devant la Cour, et qu'il convient dès lors, en laissant intactes toutes les autres questions qui se rattachent au fond du litige, de rechercher exclusivement si la demande telle qu'elle a été formulée dans l'exploit introductif d'instance, telle qu'elle a été développée dans les conclusions posées devant le Tribunal, rentre dans les attributions du pouvoir judiciaire;

Attendu que les frères de la doctrine chrétienne exposent que chargés, dès 1854 et en vertu de conventions précises passées entre leur institut et la commune d'Alger, de diriger les écoles communales de cette ville, ils ont été violemment évincés de cette situation en 1871; Qu'ils demandent en conséquence des dommagesintérêts en réparation du préjudice qui leur a été causé par la rupture du contrat ; Qu'il ne s'agit pas en ce moment de décider si la demande intentée par les frères de la doctrine chrétienne est ou non fondée, si la convention qu'ils invoquent est ou non prouvée ; — Qu'il y a lieu uniquement de déclarer si une pareille contestation appartient à la jurisprudence des tribunaux ordinaires ;

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Attendu que vainement la commune d'Alger soutient que la convention conclue entre une commune et des instituteurs pour l'organisation de l'enseignement public, n'est pas un acte purement civil et privé, mais bien un acte administratif dont l'appréciation et l'exécution échappent au domaine de l'autorité judiciaire; - Que s'il est vrai qu'un pareil traité revêt dans une certaine mesure, à raison de la qualité de l'une des parties, le caractère d'acte administratif, il faut se garder d'en conclure que les tribunaux ordinaires sont incompétents pour en connaître ; - Qu'en effet la jurisprudence a depuis longtemps consacré, au point de vue de la compétence, la distinction entre les actes administratifs et les actes de gestion administrative, proclamant pour les premiers la compétence de juridiction administrative et pour les seconds la compétence civile ;

Que c'est précisément dans cette dernière catégorie que rentre la convention par laquelle un maire et une congrégation règlent les conditions matérielles et financières sous lesquelles cette congré

gation s'engage à donner l'instruction primaire aux enfants de la

commune ;

Qu'en traitant ainsi, le maire n'exerce pas l'autorité dont il est revetu, comme délégué du pouvoir exécutif, mais fait un acte de gestion communale consacré par un contrat de droit civil;

Que, dès lors, les demandes en paiement de sommes et en dommages-intérêts formés en vertu d'un pareil contrat, rentrent dans la compétence des tribunaux ordinaires;

Attendu que la commune d'Alger ne saurait plus justement se couvrir des actes administratifs intervenus dans la cause, soit pour en faire dériver l'incompétence du pouvoir judiciaire, soit pour obtenir un sursis à fins d'interprétation;

Qu'en effet, les délibérations du Conseil municipal d'Alger et les arrêtés préfectoraux ayant été régulièrement annulés par l'autorité administrative supérieure, ne laissent plus de traces au procès et qu'il n'y a désormais ni à les exécuter ni à les interpréter; Que la situation respective de la commune d'Alger et de l'institut des frères de la doctrine chrétienne, dégagée de tous ces éléments administratifs et parfaitement nette, doit trouver sa solution dans les principes du droit civil; - Que c'est done avec raison que le Tribunal civil d'Alger s'est déclaré compétent pour connaître de la demande principale ;

Sur la demande en garantie:

Attendu que le préfet d'Alger, représentant l'Etat, décline formellement en appel la compétence de l'autorité judiciaire quant à l'action en garantie; Attendu que la responsabilité poursuivie contre l'Etat prendrait sa base dans un acte de tutelle administrative accompli par le préfet dans la plénitude et l'indépendance de ses pouvoirs ;

Que lorsque l'Etat agit comme puissance publique ou comme chargé d'assurer le fonctionnement d'un service public, il échappe à la fois et au droit commun et à la compétence de l'autorité judiciaire ; Que d'est donc le cas de faire droit au déclinatoire en vertu du principe supérieur de la séparation des pouvoirs;

Par ces motifs et ceux des premiers juges qui sont adoptés en tout ce qu'ils n'ont pas de contraire au présent arrêt: La Cour, rejette l'appel de la commune d'Alger; confirme le jugement déféré en ce qu'il a proclamé la compétence du tribunal pour connaître de la demande principale; Faisant droit au déclinatoire proposé par le préfet; émendant, dit que l'autorité judiciaire est incompéiente pour y statuer, renvoie la commune à se pourvoir devant les juges compétents; Condamne le maire de la commune d'Alger, ès-qualité, à l'amende et aux dépens envers toutes les parties, ceux d'appel liquidés à..., distraits, en faveur de Mes Chéronnet et Genella sur leur affirmation, renvoie la cause et les parties devant les preniers juges pour être conclu et statué ce qu'il appartiendra sur la demande principale.

M. PIETTE, av. gén. (Concl. conf.); Mes BOURIAUD, CHÉRONNET et GARAU, av.

COUR D'APPEL D'ALGER (2o Ch.)

Présidence de M. BASTIEN, Président

4 mai 1878

Société commerciale. Règlement de comptes entre associés.
Inventaire. Action en redressement

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Lorsque les membres d'une association commerciale ont, à la suite d'un inventaire établissant la situation respective de la société et des associés et balançant leurs comptes les uns vis-à-vis des autres, déclaré dans un acte synallagmatique tous leurs comptes réglés, conformément à une quittance délivrée par ceux qui se retirent de la société à ceux qui demeurent détenteurs de l'actif, cet acte ne saurait être considéré comme une convention à forfait.

Il ne peut être davantage envisagé comme une transaction, puisqu'il n'existait, au moment où il est intervenu, aucune difficulté née ou prévue qui put être l'objet d'un accord de ce genre.

Cet acte qui se rattache par une étroite connexité à l'inventaire et à la quittance qui l'ont précédé, doit, en conséquence, en tant que règlement de comptes entre associés, pouvoir donner lieu à une action en redressement fondée sur des omissions indiquées à l'actif de la société.

En effet, les associés sont, les uns vis-à-vis des autres, à la fois oyant et rendant compte, et, par suite, respectivement passibles de l'action en redressement portant sur le comple liquidatif.

Il doit en être plus spécialement ainsi lorsque cette action porte sur la quotité des prélèvement opérés par un des associés qui aurait géré comme mandataire le fonds social.

Peu importe du reste que le compte ait été rendu en la forme d'un inventaire commercial annuel, aucune forme n'étant sacramentelle

en matière commerciale.

D'autre part, cette action en redressement ne méconnaîtrait aucunement la portée des inventaires annuels antérieurs à celui sur lequel elle porterait d'une manière tout à fait directe en effet, ces inventaires antérieurs n'auraient jamais eu, d'après l'intention des parties, la valeur d'un contrat, mais seulement celle d'un élément de la comptabilité commerciale, et si on les considérait comme de véritables règlements de comptes, ils devraient être susceptibles de redressement comme le règlement définitif lui-même en effet, tout contrat commutatif est rescindable pour cause d'erreur, et l'action en redressement n'est que l'application à la matière des comptes, de ce principe de droit commun.

La remise effectuée entre les mains d'un des associés de tous les éléments de la comptabilité sociale, ne constitue pas par elle-même une fin de non recevoir contre l'action en redressement qu'il voudrait intenter: seulement il reste demandeur et chargé, comme tel,

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