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tiguèrent le maréchal. Il résolut de se dérober aux assauts journaliers que sa raison avait à soutenir, et il se retira seul à sa campagne, dans une saison où tous les gens aisés ont coutume d'habiter les villes.

Ce fut dans le courant de janvier qu'il partit pour sa terre des Coudreaux,* près Châteaudun. Mme la maréchale étant restée à Paris, il fut libre de se livrer tout entier à ses goûts pour la solitude et à son éloignement pour le monde.

Ainsi, il ne voulut voir aucune des grandes maisons du voisinage, qui, lorsque son épouse était à sa terre, composaient la société habituelle du château. Il se levait de très-bonne heure, montait souvent à cheval, recevait ses gens d'affaires, admettait quelquefois à sa table ceux de ses voisins dont les mœurs simples le dispensaient de toute étiquette, et

La terre des Coudreaux avec celle de Prenneville, que le maréchal y avait réunie, peut valoir 1,100,000. Cette propriété est patrimoniale; le maréchal n'a jamais acquis de biens d'émigrés.

Il habitait, à Paris, l'hôtel Saisseral, qu'il avait acheté 300 mille francs. L'ameublement de cet hôtel coûtait aussi 300 mille francs: c'était là toute sa fortune. Il devait 500,000 francs, auxquels il faut ajouter les frais de son procès.

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abrégeait la longueur des soirées d'hiver en se couchant de fort bonne heure.

Tel était son genre de vie, lorsque, le 6 mars 1815, un aide-de-camp du ministre de la guerre lui apporta l'ordre de se rendre en toute diligence dans la sixième division militaire, dont le gouvernement lui était confié.

Le maréchal partit le soir même. Au lieu d'aller directement à Besançon, il se détermina à passer par Paris, tant pour y prendre ses uniformes, que pour recueillir des renseignemens sur l'objet de sa mission, l'aide-decamp du ministre de la guerre n'ayant pu lui donner aucune explication à cet égard.*

Arrivé à Paris le 7, M. Batardi, son notaire, qui l'attendait à son hôtel pour lui rendre compte des démarches qu'il avait faites auprès du congrès de Vienne, relativement aux dotations du maréchal, lui apprit le débarquement de Bonaparte.

Cette nouvelle parut lui causer une profonde inquiétude. « Voilà, dit-il, un bien grand malheur! Que va-t-on faire? Qui

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*Cet officier était parti de Paris le 5, le jour même où le Roi avait reçu une dépêche télégraphique qui lui apprenait le débarquement de Bonaparte.

» pourra-t-on envoyer contre cet homme? » Le maréchal se rendit immédiatement chez le ministre de la guerre ; il le pria de lui donner quelques détails, et sur la force des troupes qu'il aurait à commander, et sur l'ensemble des opérations qu'on avait arrêtées. Le ministre ne satisfit à aucune de ses demandes, et lui répondit assez brusquement qu'il trouverait à Besançon des instructions détaillées. Ayant exprimé l'intention d'aller voir le Roi, le ministre fit tout ce qu'il put pour l'en détourner, sous le prétexte que S. M. était souffrante, et qu'elle ne recevait pas. Le 7 mars, de grand matin, le maréchal se présenta chez S. A. R. le duc de Berri. A la suite de l'audience qu'il en reçut, il attendit l'heure où S. M. serait visible, et il fut bientôt admis à prendre congé d'elle.

Introduit dans l'appartement du Roi, il repondit aux paroles obligeantes que S. M. lui adressa par des expressions énergiques, qui peignaient à-la-fois et son dévouement pour la monarchie, et la haine que lui inspirait l'attentat dont Bonaparte venait de se rendre coupable.

Quelques heures après il partit pour Besançon ; arrive dans cette ville le 10 mars, il

y reçut les instructions suivantes, que le ministre de la guerre lui avait adressées la veille.

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<«< Monsieur le maréchal, S. A. R. MON» SIEUR, frère du Roi, est arrivé à Lyon, et » a pris le commandement de l'armée qui se » réunit sur ce point; toutes les mesures sont » ordonnées pour poursuivre avec vigueur » et sans relâche le parti à la tête duquel Bo→ naparte a osé pénétrer sur le territoire français, et tout donne lieu d'en espérer >> le plus prompt succès. Le Roi me charge » de vous recommander de tenir réunies le

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plus de troupes disponibles, afin que vous » soyez toujours en état de seconder effica»cement les opérations de S. A. R. MON

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» Vous avez en ce moment, dans la 6e di» vision militaire, le 6 régiment de hussards >> entier, à Vesoul; les 4es escadrons de dépôt » du 3o de hussards, à Dôle, du 8o de chas» seurs à Gray; les 3es bataillons de dépôt » du 15¢ léger, 60° et 77° de ligne, à Besançon; >> ainsi que le 4 escadron de dépôt du 5o de dragons; enfin le 3 bataillon de dépôt du » 76 régiment d'infanterie à Bourg.

» En l'absence de Monseigneur le duc de » Berri, prenez les ordres de S. A. R. MON>> SIEUR; correspondez tous les jours avec » ce prince; et sur-tout si, contre toute ap» parence, l'ennemi faisait des progrès sur Lyon, faites vos dispositions pour mancuvrer de manière à l'inquiéter, à déjouer ses

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plans, à lui nuire, et enfin à le détruire, si » vous en trouvez l'occasion.

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» Le Roi multiplie, en cette circonstance, » les mesures de prévoyance et de précaution; j'avais déjà donné l'ordre à M. le duc d'Al» bufera de diriger sur Béfort les deux pre» miers bataillons du 53e régiment d'infan» terie, et les trois premiers escadrons du 14° régiment de dragons. Je lui donne aujourd'hui l'ordre de réunir de suite dans » cette ville le plus de forces qu'il pourra re» tirer des garnisons de l'Alsace, sans trop

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dégarnir les places; avec ces troupes, il se » tiendra prêt à seconder vos opérations, et je le préviens même que l'intention du Roi >> est qu'avec ses forces il aille vous joindre, » si les circonstances vous mettaient dans le >> cas de lui en faire la demande. Alors vous >> concerteriez ensemble vos opérations. Correspondez fréquemment avec lui.

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