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d'arrérages qui lui étaient dus. Donnant des détails sur l'entretien qu'il avait eu de S. M., en prenant congé d'elle, « Je dis au Roi, ajou» ta-t-il, que son ministre de la guerre m'avait » donné l'ordre de me rendre dans mon gou» vernement, et je lui demandai ses der>>nières instructions. S. M. me répondit que

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Bonaparte était débarqué, et me recommanda de prendre les mesures nécessaires » pour m'opposer à ses progrès. Je crois que je lui répondis que cette démarche, de la ' part de Bonaparte, était insensée, et qu'il » méritait, s'il était pris, d'être conduit à » Paris dans une cage de fer: on a prétendu » que j'avais dit que je le conduirais moi» même, si je le prenais, dans une cage de » fer. Je ne me rappelle pas bien ce que j'ai » dit; je sais que j'ai prononcé ces mots : » cage de fer. Il y avait en ce moment plu>> sieurs personnes auprès du Roi; entr'autres, » autant que je puis me le rappeler, M. le prince de Poix, le duc de Grammont, le prince de Neuchâtel, et quatre ou cinq autres. » Je dis aussi que Bonaparte me paraissait » bien coupable d'avoir rompu son ban. Je » lui ai dit, au reste, tout cela à lui-même,

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quand je l'ai vu depuis, et il en a ri.

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» On a répandu dans le public, continua le >> maréchal Ney, que j'avais baisé la main » du Roi: cela est faux. Je n'avais pas besoin » de lui faire des protestations de fidélité, car » mon intention était de le bien servir; et je » l'aurais fait, si j'avais vu que cela eût été possible. >>

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Bientôt, rappelant des souvenirs plus fidèles, il dit : « J'ai en effet baisé la main du Roi, » S. M. me l'ayant présentée en me souhaitant un bon voyage. Le débarquement de Bonaparte me paraissait si extravagant, que j'en parlais avec indignation, et que je me » servis en effet de cette expression de cage » de fer.

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Le maréchal Ney donna quelques détails sur les dispositions qu'il avait prises pour s'opposer à Bonaparte; il protesta de sa fidélité et de son dévquement au Roi jusqu'à l'époque du 13 mars. Il avoua qu'à deux heures du matin il avait reçu la proclamation qu'il a signée et fait publier. « Je dis la proclama

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tion, ajouta-t-il, et non ma proclamation; » car elle me fut envoyée toute faite par Bonaparte, et apportée par un agent par>> ticulier et un officier de la garde. Avant de >> lire la proclamation aux troupes, je la com

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muniquai aux généraux de Bourmont et Lecourbe, et les consultai sur ce que je de» vais faire. De Bourmont me répondit qu'il » fallait se joindre à Bonaparte; que les >> Bourbons avaient fait trop de sottises, et qu'il fallait les abandonner. C'était le 14, » à midi ou une heure, que je fis cette lecture » sur l'esplanade de Lons-le-Saulnier; mais la proclamation était déjà connue : des » agens, venus du quartier-général de Bonaparte, l'avaient répandue dans la ville; je >> crois même qu'ils avaient aussi apporté des

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Le maréchal persista à soutenir qu'il n'avait ni écrit ni dépêché personne à Bonaparte avant le 15, époque à laquelle il lui envoya son aidede-camp Devaur, le colonel Passingues, et un maréchal-de-camp dont il ne se rappelait pas le nom. Il s'étendit sur les preuves de zèle qu'il avait précédemment données pour le service du Roi. *

Ces allégations du maréchal ont amené les questions suivantes :

Comment pouvez-vous donc expliquer le changement qui s'est opéré en vous, et comment justifierez

* Voyez le deuxième livre.

vous votre conduite du 14 mars? Vos devoirs n'étaient

ils pas toujours les mêmes?

Le maréchal

Cela est vrai; j'ai été entraîné; j'ai eu tort il n'y a pas le moindre doute.

Demande. Qui est-ce qui a pu vous entraîner; et n'est-ce pas vous-même qui avez entraîné, par vos discours et par votre exemple, les officiers et les troupes qui étaient sous vos ordres?

Réponse. Je n'ai entraîné personne. Le colonel Dubalen (du 64°) fut le seul qui protesta; il vint me dire qu'ayant prêté serment de fidélité au Roi, il voulait se retirer. Je l'autorisai à le faire; et j'ai empêché depuis qu'il ne fût arrêté. Mon aide-de-camp, Clouet, me dit qu'il n'approuvait pas ma conduite, et me demanda de retourner à Paris : si je l'engageai de différer de quelques jours, ce ne fut que pour sa sûreté. Ce qui m'a déterminé personnellement, c'est la crainte de la guere civile, et l'assurance que les agens de Bonaparte m'avaient donnée que les puissances alliées étaient d'accord avec lui; que le baron Kohler, général autrichien, était venu le trouver à l'île d'Elbe, et lui dire, de leur part, que les Bourbons ne pouvaient plus régner; qu'on l'engageait à débarquer en France, sous la condition de ne jamais faire la guerre hors des limites; que le roi de Rome et sa mère resteraient en otage à Vienne, jusqu'à ce qu'il eût donné à la France une constitution libérale : toutes choses que lui-même m'a répétées ensuite, quand je l'ai vu à Auxerre. Les généraux Bourmont et Lecourbe ne m'ont fait ni ob

jection ni observation. De Bourmont a vu Bonaparte, et a éte de suite employé par lui. Je fais observer que la proclamation qui m'est attribuée, et que je n'ai publiée que le 14, était connue dès le 13 en Suisse; qu'elle émanait de Bonaparte, qui l'avait envoyée à Joseph, à Prangin. Cette tactique était celle de Bonaparte, qui déjà, dans le commencement de la campagne de Russie, avait fait insérer dans le Moniteur une lettre dans laquelle il me faisait parler d'une manière fort inconvenante sur les Russes et sur les affaires politiques. Je n'en eus connaissance que parce qu'il me dit le lendemein, en plaisantant, «qu'il m'avait fait faire de l'esprit! }) Je lui fis les représentations les plus fortes; mais la chose était faite. Il en avait fait autant à l'égard du prince Eugène et de Davoust. Je me rappelle aussi qu'il m'avait fait dire, pour me persuader, que les Anglais le protégeaient; que, huit jours avant son départ de l'île d'Elbe, il avait dîné sur un vaisseau de guerre de cette nation; que le colonel ou général Campbel, qui était commissaire anglais dans cette île, en était parti le lendemain, et que, par suite, il avait pu faire ses préparatifs et s'embarquer.

D. Les troupes avaient-elles manifesté, avant votre proclamation, de mauvaises dispositions contre le Roi ?

R. Il y avait une rumeur sourde; mais les mauvaises dispositions des troupes étaient connues. J'avais cru pouvoir les changer, en faisant arrêter, le 13 au matin, un officier que le général Bourmont doit connaître,

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