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PRÉCIS DE L'HISTOIRE DES INSTITUTIONS DE HONGRIE. 109

HONGRIE.

PRÉCIS DE L'HISTOIRE

DES

INSTITUTIONS DE HONGRIE.

Sous le rapport de son étendue et de sa population, sans doute, la Hongrie est loin d'avoir le même degré d'importance que la plupart des états de l'Europe; mais il en est d'autres sous lesquels elle peut, sans contredit, soutenir la comparaison : les usages, les mœurs, les lois civiles et politiques des Hongrois offrent des caractères assez remar→ quables pour mériter de fixer l'attention. On s'étonne même que dans un temps où les contrées les plus lointaines les plus étrangères à nos intérêts, à nos relations, ont été explorées avec le plus grand soin, par de nombreux voyageurs, on s'étonne, dis-je, que la Hongrie soit, pour ainsi dire, restée inconnue à l'Europe, et particulièrement à la France, jusqu'à la fin du 18° siècle (1).

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La Hongrie proprement dite, sans y comprendre l'Esclavonie et la Croatie, présente une surface, que certains géographes ont bornée à 2710 milles quarrés (2), que d'autres ont portée jusqu'à 4000 (3). Le nombre de ses ha

(1) Le premier voyageur qui ait fait connaître ce pays d'une manière complette, est le docteur Robert Townson.

(2) Musée allemand, cahier du mois de juillet de 1786.

(3) Lipsky de Lucca, etc.

bitans est évalué à huit millions. Sous le rapport du gouvernement, on divise la Hongrie en deux parties; la première, soumise à la juridiction civile, comprend quarante-six comtés; la seconde, sous un gouvernement militaire, se compose de deux régimens des frontières du Eannat, et du district du bataillon des Tschaikistes (1). La totalité des comtés est distribuée en quatre cercles. 1o Le cercle en deçà du Danube qui en contient treize ; 2o le cercle au delà du Danube onze; 3° le cercle en deçà de la Teisse, dix; 4o enfin le cercle au-delà de la Teisse, douze. Outre ces quarante-six comtés, il y a des districts particuliers, dont trois sont sous la juridiction du palatin, et deux sous celle du gouvernement.

La Hongrie est certainement le pays d'Europe, où les institutions se sont conservées le plus intactes, au travers des siècles; le paysan a gardé l'habitude de la soumission aux grands, l'aristocratie, ses prérogatives, son autorité sur le peuple, son indépendance à l'égard du souverain; les mœurs, les usages sont encore tels aujourd'hui en Hongrie qu'on les vit jadis. Les Hongrois sont un peuple isolé, pour ainsi dire, de la grande famille européenne.

Sans doute, on pourrait assigner à ce calme parfait une infinité de causes diverses; mais la plus puissante, peut-être, doit être attribuée à ce que les grands propriétaires faisant leur résidence habituelle dans leurs terres, loin des grandes villes, au milieu de leurs paysans, ceux-ci continuent à leur payer le tribut de respect qu'ils accordaient à leurs ancêtres, à en recevoir la même protection : le même lien continue à les únir. Eloignés de tout exemple de changement, les uns ni les autres ne supposent l'existence d'un ordre de choses différent, et tout reste de part et d'autre in statu quo; de ce rapprochement des diverses classes et de l'isolement entre des membres d'un même ordre, vient sans doute aussi que dans toute l'étendue de ce royaume, les paysans,

(1) Pour entendre cette division, voy. les lois constitutives.

les marchands, et les artisans ne forment, avec le clergé et la noblesse, qu'un seul corps, capable de résister à tous les projets de changemens, à toutes les tentatives de l'autorité. C'est une vérité générale que nous aurons plus d'une fois l'occasion de remarquer par la suite; soit que le royaume de Hongrie se gouverne par ses princes particuliers, soit que nous le considérions sous l'administration impériale.

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Origine des Hongrois.-Fondation de la monarchie hongroise. Ancien gouvernement.

Les Huns, disent les historiens, habitèrent d'abord cette vaste contrée qui s'étend au nord de la Chine. Les mœurs de ces peuples offrent des caractères qu'il n'est pas sans intérêt de faire connaître ici.

Les Huns, nous dit-on, étaient horriblement défigurés par les incisions qu'on leur faisait au visage dès le berceau, afin qu'ils connussent le fer avant le lait; leur taille était courte et ramassée, leur tête rasée et très-grosse; ils étaient façonnés de bonne heure à la chasse et à la guerre, qui formaient l'occupation de leur vie entière. Ils étaient armés d'un arc et d'un sabre ; ils combattaient sans ordre, fondaient sur l'ennemi avec la rapidité de l'éclair et en poussant des cris barbares; endurcis à la rigueur des saisons, aux privations et à la fatigue, ils n'avaient pour vêtemens que des peaux, pour nourriture que des racines et de la

chair crue mortifiée entre la selle et le dos de leurs che vaux voilà les ancêtres des Hongrois.

Les Huns ne restèrent pas long-temps unis; une division éclata entre eux et les partagea en deux corps de nations; les Huns du midi qui ont fini par se confondre avec les Chinois, et les Huns du nord dont une peuplade se jeta sur les régions septentrionales de l'Europe. C'est en 374 qu'ils passèrent le Don, s'emparèrent de la Dacie, et bientôt après des deux Pannonies que les Romains ne conservaient déjà plus ; c'est là qu'ils fixèrent leur séjour pendant un siècle ; c'est de là que le trop fameux Attila porta dans tout l'occident la terreur de son nom; mais Attila mourut, et avec lui s'éteignit la puissance des Huns. Repoussés par d'autres barbares jusque sur les bords du Don, ils se virent alors pendant quatre siècles disputer la possession des pays conquis par eux ; mais vainqueurs enfin, ils restèrent définitivement, vers la fin du 8° siècle, maîtres du pays qui prit à cette époque le nom de Hungaria ou Hongrie, d'où est venu celui de Hongrois.

Alors ces peuples, que nous désignerons désormais sous cette dernière dénomination, obéissaient à plusieurs princes qui reconnaissaient eux-mêmes un chef commun appelé grand prince, c'était un chef militaire. L'autorité du chef porté à ce rang par le libre choix de ses compagnons d'armes, ne reposait sur aucune base fixe, il ne recevait de considération de sa place que celle qui s'attachait naturellement à l'opinion que le choix était tombé sur le plus brave; d'autre autorité que celle qui résultait de la crainte, car ses inférieurs ou redoutaient sa vengeance, ou espéraient de lui leur salut dans les guerres continuelles où ils se trouvaient engagés.

C'est ainsi que vécurent les Hongrois jusque vers la fin du 10° siècle; en guerre avec presque tous leurs voisins, les Hongrois furent à-peu-près, dans l'orient de l'Europe, ce qu'étaient les Normands sur les côtes occidentales; plus d'une fois l'Allemagne eut à gémir de leurs ravages, jusqu'au mioment où ils semblèrent faire un pas vers la civilisation en

recevant, avec un gouvernement plus régulièrement organisé, la lumière de l'Evangile. Le premier roi des Hongrois futcet Etienne qui, après avoir reçu de la main du pape la couronne dite évangélique, (la même, dit-on, dont les Hongrois se servent encore aujourd'hui au couronnement de leurs rois) fut canonisé à Rome pour avoir amené un peuple indocile à reconnaître les lois de l'église. Etienne I fonda la première dynastie des rois de Hongrie en 997; c'est de ce monarque que datent la plupart des institutions qui ont longtemps régi le pays, et dont l'esprit s'est toujours conservé, malgré toutes les révolutions, malgré tous les efforts d'une influence étrangère pour en effacer le souvenir. C'est à lui qu'on rapporte la division politique de la Hongrie en comtés, de même que l'institution du palatin, ou chef du gouvernement et des grands officiers de la couronne. Il conquit aussi la Transilvanie, et en forma un gouvernement particulier, dont les chefs, ou woyvodes, relevaient de la couronne.

S II.

De la Hongrie sous les successeurs d'Étienne I.
(997-1301.)

On a dit généralement que la couronne fut anciennement élective en Hongrie ; oui, le principe d'élection fut consacré; mais, peut-être, devrait-on compter pour quelque chose l'usage assez constant qui faisait transmettre le sceptre aux mains de l'héritier du prince décédé. Je sais que le principe n'en existait pas moins, n'en était pas moins reconnu; que le droit des peuples n'en était pas moins constant: mais, tout en énonçant un principe absolu, il fallait au moins rappeler un usage qui peut être regardé comme une modification de ce principe, et que constate évidemment toute l'histoire du royaume de Hongrie. A la mort d'Étienne, le respect que les Hongrois conservaient pour sa mémoire, les porta à choisir son fils pour successeur au trône: il en fut 8

TOME IV.

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