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de même du successeur de ce dernier; et enfin, de tous les princes de la race d'Étienne, dont la dynastie dura près de trois siècles et compte vingt-trois souverains.

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Un petit nombre de ces rois méritent d'être tirés de l'oubli; l'un d'eux, Bela I, mort en 1065, établit des poids et des mesures uniformes, et fixa le prix des marchandises. D'autres, Ladislas, Coloman, portèrent de nouvelles lois qui peuvent servir à faire connaître la férocité des mœurs des Hongrois à cette époque, c'est-à-dire, à la fin du onzième siècle; les crimes y sont punis, ou par la perte de la liberté, ou par celle de quelque partie du corps, comme le nez, un œil, la langue, etc. Les rois de Hongrie étendirent aussi considérablement, dans cette période, les limites de leurs états. Ces conquêtes donnèrent même lieu à un abus qui devint funeste à la Hongrie; les rois disposaient des provinces conquises en faveur de leurs cadets, à titre de duehé, en conservant les droits de suprématie; cela causa souvent des troubles et des guerres civiles.

Mais la révolution la plus importante qui signale la domination des successeurs d'Étienne, est celle qui s'opéra dans l'état, sous le règne d'André II. Jusque-là, toutes les branches de la puissance exécutive appartenaient bien aux rois qui faisaient à leur gré la paix ou la guerre; mais les lois n'étaient publiées que dans les assemblées générales que formaient avec le roi les grands officiers de la couronne, les représentans du clergé et des hommes libres. Les comtes ou gouverneurs de provinces ne prétendaient à aucun pouvoir propre, ni héréditaire. Voici comment le changement s'opéra.

André II fut le chef de l'expédition faite dans la TerreSainte, au commencement du treizième siècle (1217): les grands, profitant de son absence pour augmenter leur pouvoir, usurpèrent et les domaines et les revenus de la couronne. La corruption pénétra dans toutes les branches de l'administration; et, à son retour, le roi fit de vains efforts

pour remédier aux désordres de l'état; pour retablir l'ordre surtout dans les finances. André eut recours aux moyens ordinaires en pareil cas, moyens qu'on voit si souvent tourner contre celui qui les emploie; il convoqua une diète générale, et par là réunit sur un même point, en un même corps, toutes les forces et toutes les ambitions disséminées sur toute l'étendue du pays; cette dièté est de 1222. Le résultat fut cette fameuse loi, connue en Hongrie sous le nom de bulle d'or, qui forme encore de nos jours la base de la constitution hongroise; loi qu'à son avénement chaque souverain dût confirmer par un serment solennel.

Par la bulte d'or, les biens du clergé et de la noblesse furent déclarés exempts de taxes et de logement de gens de guerre; les nobles acquirent l'hérédité des biens royaux qu'ils avaient reçus en récompense de leurs services; ils furent déchargés de l'obligation de servir hors du pays à leurs frais; ils obtinrent enfin le droit de résistance ou le veto, au cas que le roi enfreignît quelques-uns des articles jurés. Ce droit de résistance, qui a tant de fois allumé la torche des guerres civiles, ne fut aboli qu'en 1687, sous Léopold I**.

Sous le successeur d'André, la Hongrie fut tout-à-coup inondée par une armée de Mongols, qui, après avoir ravagé la Russie et la Pologne (1), vinrent à l'improvistė fondre sur le camp des Hongrois, et y firent un carnage effroyable; ces barbares semblaient vouloir se fixer dans ce malheurenx pays qu'ils avaient changé en solitude. Le roi lui-même, pour échapper à la férocité des vainqueurs, s'était retiré dans une des îles de la Dalmatie, où il resta caché pendant trois ans, jusqu'au moment où les Mongols, attirés par une révolution en Chine, reprirent le chemin de l'Orient, chargés d'un immense butin. Alors le roi, Bela IV, sortit du lieu de sa retraite, revint en Hongrie, où il rassembla les débris de ses sujets, errans dans les forêts, ou cachés dans

(1) Voy. Cosaques zaporaïski, tom. 3.

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les montagnes; releva les villes abattues, fit venir de nouvelles colonies de Croatie, de Bohême, de Moravie et de Saxe, et releva enfin le royaume de Hongrie de ses ruines.

Les successeurs de Bela portèrent la couronne avec plus ou moins d'éclat; sa postérité s'éteignit dans la personne d'André III, l'un des plus dignes descendans d'Étienne. André mourut en 1301.

S III.

De la Hongrie sous les rois de la maison d'Anjou.
1301-1437.

A la mort d'André III, la Hongrie se trouva en proie à toutes les calamités qu'entraîne l'anarchie. Plusieurs compétiteurs voulurent envahir le trône: le roi de Bohême fit élire son fils, qui conserva pendant six ans l'autorité, malgré le vœu de la nation, et au milieu des plus grands troubles; Othon, duc de Bavière, fut aussi proclamé roi; enfin, la couronne passa, en 1308, dans la maison d'Anjou, régnante à Naples. Charles Robert, petit-fils de Charles II, roi de Naples (1) et de Marie de Hongrie ; petite - fille de Bela IV, écarta pour jamais ses rivaux.

Ce prince, distingué par des qualités éminentes, porta le royaume de Hongrie au plus haut degré de grandeur; il reconquit sur les Vénitiens la Dalmatie, la Moldavie, la Valachie, la Bosnie, la Bulgarie, et forma un état qui put le disputer aux plus puissans de l'Europe: il fut le fondateur d'une ère nouvelle pour la Hongrie, son fils Louis en fut le héros.

La vénération qu'inspirait la mémoire de Charles, et les qualités personnelles dont brillait le jeune prince, fixèrent unanimement sur lui le choix de la nation en 1339; ce règne fut plus brillant encore que le précédent. Le mariage de Charles Robert avec une sœur de Casimir roi de

(1) Frère de saint Louis,

,

Pologne, qui mourut sans enfans, valut la couronne de ce royaume à Louis, qui porta d'un côté ses conquêtes jusqu'à Naples, en Sicile et à Jérusalem ; qui, de l'autre, enleva aux grands ducs de Russie une partie de leurs états, et repoussa les Tartares jusques sur les bords du Pont-Euxin.

Louis mourut en 1382, sans laisser d'enfans mâles; mais les Hongrois, dans ur mouvement d'enthousiasme, voulurent que sa fille montât sur le trône, à condition qu'elle partagerait les soins de l'administration avec sa mère Élisabeth, jusqu'à ce que son mari Sigismond, roi de Bohême, fût en âge de régner. Il ya dans cette élection une singularité remarquable, c'est qu'afin de ne pas déroger à un usage constant qui jusque-là avait écarté les femmes du trône, les Hongrois donnèrent à la fille de Louis le titre de roi, Rex Maria.

Toutefois l'innovation ne tourna pas à l'avantage de la nation. Le règne de Marie et de Sigismond fut un des plus malheureux que présente l'histoire de Hongrie; il fut agité par des troubles continuels. Un palatin, qui gouvernait l'état sous le nom des jeunes princes, fut le premier qui fit repentir les Hongrois de l'hommage précipité qu'ils avaient voulu rendre à la mémoire de leur dernier roi Sous l'administration de cet officier, les vexations qu'eurent à souffrir les Hongrois n'eurent pas de bornes. Aussi se déterminèrent-ils alors à offrir la couronne à Charles, roi de Naples, et neveu de Louis; mais à peine ce prince eut-il mis lę pied sur le sol de Hongrie, qu'il fut assassiné par le palatin, sous les yeux de Marie et d'Élisabeth, qui l'avaientelles-mêmes attiré dans le piége. La mort de Charles ne resta pas impunies un ban de Croatie se chargea du soin de la vengeance, et il l'exécuta avec des circonstances atroces; l'assassin tombe d'abord sous ses coups, pendant que ses complices Marie et Élisabeth sont traînées par des chevaux fougueux; Elisabeth est ensuite jetée dans un fleuve; sa fille dans un cachot, après avoir été exposée à la brutalité la plus infâme.

Cependant Sigismond, parvenu à sa vingtième année

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s'avançait avec un corps de troupes pour réclamer sa couronne à son approche, la reine est mise en liberté, et le féroce vengeur de Charles périt à son tour de la manière la plus barbare.

Le règne des jeunes époux s'était ouvert sous les plus funestes auspices, la suite correspond au commencement; toute sa durée ne fut qu'une suite de guerres, de troubles et de calamités pour la Hongrie. Marie mourut en 1392, et cet événement fut le signal de nouvelles divisions, dont surent profiter les Turcs pour s'emparer de la Bulgarie. Enfin, succombant sous les efforts de ses ennemis, le roi est forcé de prendre la fuite; mais les chefs de la révolte s'emparent de lui, le mettent en prison, et offrent la couronne à un nouveau souverain. Sigismond parvint cependant à écarter Jes obstacles que le sort semblait lui susciter; il recouvra son royaume, et mourut en 1437, ne laissant qu'une fille, dont le mariage avec Albert, archiduc d'Autriche, transféra la couronne de Hongrie dans une nouvelle maison.

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De la Hongrie jusqu'à l'avènement de la dynastie autrichienne. · 4.1437 - 1562.)

T

Le règne d'Albert fur trés-court, et il fut le germe de ces guerres civiles qui désolèrent le royaume sous l'administration des Ladislas et des Corvin; toutefois une des époques les plus glorieuses de l'histoire de Hongrie est celle du règne de Mathias Corvin qui, à peine âgé de seize ans, fut élevé au trône par le choix libre de la nation, en 1458. Mathias fut la terreur des Turcs durant tout son règne ; il leur enleva les conquêtes qu'ils avaient précédemment faites, il dépouilla l'empereur Frédéric III de l'Autriche; mais avec lui s'éclipsa la gloire de la Hongrie; et sous le règne de ses successeurs, princes faibles et indolens, le royaume fut en proie aux fureurs des factions, et ravagé par les armées des Turcs.

A

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