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et conservée avec autant de soin que si le salut et la religion de la Hongrie y étaient attachés » (1).

L'endroit où on la conservait était fixé par la diète; et pour la déplacer il fallait un décret de cette assemblée; la diète nommait ses gardiens qui faisaient le serment de ne jamais la faire voir à qui que ce fût sans un ordre du souverain et des états, et de la défendre jusqu'à leur dernier soupir. Quel dut donc être encore le scandale et l'indignation, lorsque l'empereur dépouilla la Hongrie de cette antique couronne et la fit transférer à Vienne; aussi Joseph apprit-il par la suite qu'il est des préjugés qu'il faut quelquefois respecter (2).

Cependant ces mesures n'étaient que le prélude de réformes plus importantes. « La première frappa sur la division du royaume en comtés, qui avaient l'administration du gouvernement et de la police, présidés par des comtes, vicomtes, gouverneurs, et autres officiers subalternes. Joseph forma de la Hongrie dix cercles, à chacun desquels il attapour chef un commissaire royal. Cette innovation n'était point de petite importance; elle enlevait à la noblesse un emploi honorable, héréditaire jusqu'alors dans un grand nombre de familles, et dont toute l'influence allait être désormais entre les mains du souverain. >>

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Rien ne pouvait être plus contraire aux vues de l'empereur que la servitude des paysans dont il attendait toutes ses res

(1) Inchofferus.

(2) Les Hongrois ont leur couronne, Angeli monitu missa; nous avons la Sainte-Ampoule, apportée du ciel par une colombe, pour sacrer aussi notre premier roi ; l'un vant bien l'autre ; il y a cependant une différence à remarquer : c'est qu'aucun auteur contemporain ne parle du miracle opéré en faveur lu roi Franc. Au reste, il serait facile de convaincre les incrédules; car, n'estpas perpétuel le miracle par lequel l'huile renfermée dans une phiole assez etite pour être voiturée par une colombe du ciel jusqu'à nous a pu, sans e consommer oindre le front de tant de rois. Nos pères n'en ont point

outé.

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TOME IV.

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Toutefois la nation, et voilà le vice essentiel de la constitution de Hongrie, ne consistait que dans les deux grands corps aristocratiques, la noblesse et le clergé ; la portion utile et laborieuse de la société, les bourgeois et les paysans,n'avaient presque aucun droit, aucune influence dans les affaires publiques; ils étaient étrangers à tout, excepté au poids des taxes; les nobles étaient exempts de toutes les charges et taxes publiques, qui pesaient en entier sur les bourgeois et les paysans.

De tout temps, la diète eut des séances périodiques: d'abord elles durent avoir lieu chaque année; elles furent plus tard déclarées triennales; mais depuis 1764 jusqu'en 1790, la diète n'avait point été convoquée.

Telles étaient les bases de la constitution de Hongrie, lors que Joseph II tenta d'y introduire des lois, une administration et des usages nouveaux.

Joseph II n'était pas hongrois; il fut mal vu par la nation. La noblesse et le clergé étaient puissans, et il voulait saper les priviléges des prêtres et des nobles. Il cherchait à s'appuyer sur la masse des citoyens ; mais les bourgeois étaient dégradés et les paysans dans l'esclavage: d'ailleurs les uns et les autres méprisaient les gouvernemens allemands. Joseph connaissait toutes ces circonstances; mais l'Europe était en paix, et il n'en suivit pas moins ses plans de réforme. En un mot, son règne fut une lutte continuelle entre le despotisme et l'aristocratie.

La première faute de l'empereur fut de se soustraire, sans doute pour éviter de prononcer le fameux serment à la cérémonie du couronnement, insignifiante en ellemême, mais à laquelle les Hongrois tenaient par-dessus tout. « Personne, parmi eux, dit un ancien auteur, n'est censé souverain légitime qu'après avoir ceint la couronne envoyée de Rome par ordre du ciel à Etienne, premier roi de Hongrie; cette couronne est considérée comme sacrée,

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et conservée avec autant de soin que si le salut et la religion de la Hongrie y étaient attachés » (1).

L'endroit où on la conservait était fixé par la diète; et pour la déplacer il fallait un décret de cette assemblée; la diète nommait ses gardiens qui faisaient le serment de ne jamais la faire voir à qui que ce fût sans un ordre du souverain et des états, et de la défendre jusqu'à leur dernier soupir. Quel dut donc être encore le scandale et l'indignation, lorsque l'empereur dépouilla la Hongrie de cette antique couronne et la fit transférer à Vienne; aussi Joseph apprit-il par la suite qu'il est des préjugés qu'il faut quelquefois respecter (2).

Cependant ces mesures n'étaient que le prélude de réformes plus importantes. « La première frappa sur la division du royaume en comtés, qui avaient l'administration du gouvernement et de la police, présidés par des comtes, vicomtes, gouverneurs, et autres officiers subalternes. Joseph forma de la Hongrie dix cercles, à chacun desquels il attacha pour chef un commissaire royal. Cette innovation n'était point de petite importance; elle enlevait à la noblesse un emploi honorable, héréditaire jusqu'alors dans un grand nombre de familles, et dont toute l'influence allait être désormais entre les mains du souverain.

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Rien ne pouvait être plus contraire aux vues de l'empereur que la servitude des paysans dont il attendait toutes ses res

(1) Inchofferus.

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(2) Les Hongrois ont leur couronne, Angeli monitu missa; nous avons la Sainte-Ampoule, apportée du ciel par une colombe, pour sacrer aussi notre premier roi; l'un vaut bien l'autre ; il y a cependant une différence à remarquer: c'est qu'aucun auteur contemporain ne parle du miracle opéré en faveur du roi Franc. Au reste, il serait facile de convaincre les incrédules; car, n'estil pas perpétuel le miracle par lequel l'huile renfermée dans une phiole assez petite pour être voiturée par une colombe du ciel jusqu'à nous, a pu, sans oindre le front de tant de rois. Nos pères n'en ont point

se consommer

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Toutefois la nation, et voilà le vice essentiel de la constitution de Hongrie, ne consistait que dans les deux grands corps aristocratiques, la noblesse et le clergé ; la portion utile et laborieuse de la société, les bourgeois et les paysans, n'avaient presque aucun droit, aucune influence dans les affaires publiques; ils étaient étrangers à tout, excepté au poids des taxes; les nobles étaient exempts de toutes les charges et taxes publiques, qui pesaient en entier sur les bourgeois et les paysans.

De tout temps, la diète eut des séances périodiques: d'abord elles durent avoir lieu chaque année; elles furent plus tard déclarées triennales; mais depuis 1764 jusqu'en 1790, la diète n'avait point été convoquée.

Telles étaient les bases de la constitution de Hongrie, lors que Joseph II tenta d'y introduire des lois, une administration et des usages nouveaux.

Joseph II n'était pas hongrois; il fut mal vu par la nation. La noblesse et le clergé étaient puissans, et il voulait saper les priviléges des prêtres et des nobles. Il cherchait à s'appuyer sur la masse des citoyens ; mais les bourgeois étaient dégradés et les paysans dans l'esclavage: d'ailleurs les uns et les autres méprisaient les gouvernemens allemands. Joseph connaissait toutes ces circonstances; mais l'Europe était en paix, et il n'en suivit pas moins ses plans de réforme. En un mot, son règne fut une lutte continuelle entre le despotisme et l'aristocratie.

La première faute de l'empereur fut de se soustraire, sans doute pour éviter de prononcer le fameux serment, à la cérémonie du couronnement, insignifiante en ellemême, mais à laquelle les Hongrois tenaient par-dessus tout. «< Personne, parmi eux, dit un ancien auteur, n'est censé souverain légitime qu'après avoir ceint la couronne envoyée de Rome par ordre du ciel à Etienne; premier roi de Hongrie; cette couronne est considérée comme sacrée,

et conservée avec autant de soin que si le salut et la religion de la Hongrie y étaient attachés » (1).

L'endroit où on la conservait était fixé par la diète; et pour la déplacer il fallait un décret de cette assemblée; la diète nommait ses gardiens qui faisaient le serment de ne jamais la faire voir à qui que ce fût sans un ordre du souverain et des états, et de la défendre jusqu'à leur dernier soupir. Quel dut donc être encore le scandale et l'indignation, lorsque l'empereur dépouilla la Hongrie de cette antique couronne et la fit transférer à Vienne; aussi Joseph apprit-il par la suite qu'il est des préjugés qu'il faut quelquefois respecter (2).

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Cependant ces mesures n'étaient que le prélude de réformes plus importantes. La première frappa sur la division du royaume en comtés, qui avaient l'administration du gouvernement et de la police, présidés par des comtes, vicomtes, gouverneurs, et autres officiers subalternes. Joseph forma de la Hongrie dix cercles, à chacun desquels il attacha pour chef un commissaire royal. Cette innovation n'était point de petite importance; elle enlevait à la noblesse un emploi honorable, héréditaire jusqu'alors dans un grand nombre de familles, et dont toute l'influence allait être désormais entre les mains du souverain. »

Rien ne pouvait être plus contraire aux vues de l'empereur la servitude des paysans dont il attendait toutes ses res

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(2) Les Hongrois ont leur couronne, Angeli monitu missa; nous avons la Sainte-Ampoule, apportée du ciel par une colombe, pour sacrer aussi notre premier roi ; l'un vant bien l'autre; il y a cependant une différence à remarquer : c'est qu'aucun auteur contemporain ne parle du miracle opéré en faveur du roi Franc. Au reste, il serait facile de convaincre les incrédules; car, n' il pas perpétuel le miracle par lequel l'huile renfermée dans une phiole assez petite pour être voiturée par une colombe du ciel jusqu'à nous a pu, sans se consommer oindre le front de tant de rois. Nos pères n'en ont point douté.

TOME IV.

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