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trône de Hongrie ; d'autres demandèrent un nouveau diplôme, une nouvelle charte des priviléges; il paraît même qu'il en fut rédigé une qui n'aurait laissé au roi que la faculté de renoncer à la couronne ; mais, comme le dit Cantwell, les modérés consentirent à ce que toutes les parties du gouvernement et de l'administration fussent rétablies telles qu'elles étaient à l'avénement de Joseph; et heureusement pour le prince et pour la nation, ils prévalurent. Ainsi le règne de ce prince, qui promettait de fournir une époque brillante dans l'histoire de l'Europe en fut, pour ainsi dire, effacé en un instant.

La fameuse couronne fut rapportée en triomphe au grand contentement du peuple et avec une pompe extraordinaire. « Partout où elle a passé, écrivit-on alors (1), depuis Vienne jusqu'à Bude, on avait fait d'avance les plus magnifiques apprêts pour la recevoir. Jamais les dames hongroises ne furent vêtues en habit national d'une manière aussi brillante: elles portaient des jupes bleues avec le juste de la même couleur, doublées de fourrures et ornées de galons d'or; elles étaient coiffées de kalpacks (1) de velours noir ornés de plumes et de broderies en or. Jamais on n'avait vu une scène si joyeuse. Toute la ville et les faubourgs ont illuminé la façade de leurs maisons: ceux qui n'ont pas eu le soin d'entretenir leurs lampions, ont eu dès qu'ils se sont éteints, leurs vitres cassées sans miséricorde. Il y a eu, durant toute la nuit, de la musique et des danses dans toutes les rues; on entendait de toutes parts les cris de liberté de la nation hongroise! liberté pour toujours!..... La couronne fut exposée à la vue du public sur l'autel de la cathédrale; les nobles paraissaient très-empressés de la voir : elle a passé la nuit dans la chapelle du palais, sous la garde des officiers, des comtes et de deux magistrats armés de sabres. Vous jugerez

(1) Voy. le 54° no des staats Auzeigen de Sloëtzer. (2) Bonnets à la hussarde.

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de la joie que son retour a produite, quand vous saurez qu'elle a fait suspendre jusqu'aux restrictions religieuses. Notre évêque donna aux gardiens de la couronne et à la noblesse un grand souper, où l'on servit de la viande.»

Ces premiers momens d'ivresse passés, on s'occupa des affaires publiques; la diète fut convoquée, et porta un réglement qu'on peut regarder comme la charte constitutionnelle de Hongrie : cet acte fixe plusieurs points qu'il est important de faire connaître.

Léopold s'y engagea à faire le serment prêté par Marie-Thérèse ; il promit que la couronne royale serait conservée en Hongrie par des gardiens choisis parmi les membres des états; que les pays nouvellement conquis et qui avaient appartenu au royaume de Hongrie y seraient réunis; qu'à l'extinction de la famille régnante la couronne redeviendrait élective; qu'en fin tous les successeurs de Léopold seraient tenus de faire le

même serment.

Il établit que le royaume de Hongrie est indépendant des autres états de la maison d'Autriche, et n'y sera jamais assimilé; mais qu'il aura son gouvernement particulier, qu'il sera tenu une diète tous les trois ans, et plus souvent si les circonstances l'exigent.

Que le roi fera de plus longs séjours en Hongrie que ses prédécesseurs (1), etc., etc..

D'ailleurs, le 67° article de ce réglement créait des comités pour diriger les réformes commencées et non terminées par la présente diète, qui confirma la liberté des paysans et la tolérance de la religion protestante.

Tel est l'acte qui mit un terme aux longues agitations qui avaient désolé la Hongrie. Il parut, et tout rentra dans l'ordre ; dès-lors les rapports qui devaient exister entre le roi et ses sujets furent fixés, la conduite de chacun est tracée

(1) C'est surtout de ce réglement que sont extraits les principes posés dans notre constitution non écrite de Hongrie.

définitivement; le gouvernement est irrévocablement constitué; l'acte signé écarte toute possibilité de nouvelles révolutions; c'est le sceau de l'union ; il garantit et règle les intérêts, les droits et les devoirs de chacun.

La Hongrie est désormais liée au sort de l'empire; ses agitations disparaissent au milieu d'agitations plus considérables, on ne les remarque plus que comme ces détonations partielles qui concourent à l'explosion générale; mais dont on serait embarrassé de déterminer l'action particulière. Il nous reste donc peu de choses à dire pour arriver jusqu'à l'époque actuelle.

Léopold mourut alors éclatèrent de nouveau quelques symptômes de mécontentement dans plusieurs districts de la Hongrie; la nouvelle constitution de la Pologne avait accordé des prérogatives à la bourgeoisie. Les Hongrois avaient connaissance de ces modifications, et sans doute ils concurent le désir de jouir d'avantages semblables : ils purent avoir l'idée d'appeler sur leur patrie le bienfait des lois, dont on devait naturellement attendre d'heureux résultats; mais les mesures les plus actives de la part du gouvernement prouvèrent aux Hongrois qu'ils avaient tort. Le canon des souverains coalisés fournit aussi bientôt après la même preuve aux Polonais.

La violence exercée, par les cours copartageantes, triompha; et tout rentra sous leur sceptre dans le calme de l'en-gourdissement; la Hongrie n'est plus rien dès lors dans le système européen.

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CONSTITUTION

(NON ÉCRITE)

DU ROYAUME DE HONGRIE.

SI. Du gouvernement.

LE royaume de Hongrie est héréditaire dans la maison d'Autriche. Il est indépendant des autres états de la maison d'Autriche, et n'y sera jamais assimilé; mais il aura, au contraire, un gouvernement particulier.

Le pouvoir exécutif du royaume est entre les mains du roi.

Le roi est remplacé par un palatin ou vice-roi.

Le droit de faire, d'annuler et d'interpréter les lois, appartient conjointement au roi et aux états.

1

Le roi ne peut gouverner la Hongrie ni par des ordonnances particulières, ni par des édits ou des patentes; il ne peut rien changer aux cours de justice, entraver ni réviser les jugemens; mais, au contraire, il doit les faire exécuter conformément au vou de la loi.

L'administration des affaires de la Hongrie appartient à la lieutenance de ce royaume (staathalteray-rath), dont le devoir est de faire des représentations au souverain, lorsque l'exécution des ordres qu'elle en reçoit lui paraît contraire aux lois fondamentales.

On ne se servira que de la langue hongroise pour les transactions et actes publics.

Les affaires intérieures du royaume ne seront confiées qu'à des Hongrois. Aucun Hongrois ne pourra être destitué sur une simple accusation.

Le roi ne demandera jamais de subsides aux états, ni à la partie de la nation sujette aux impositions, soit en argent, en productions ou en recrues militaires, pas même comme don gratuit, ni sous aucune dénomination autrement que dans une diète.

Tous les actes émanés de la volonté du roi ou de la diète sont expédiés par la chancellerie.

La chancellerie est la cour suprême en Hongrie.

Elle se compose d'un chancelier, d'un vice-chancelier et de dix conseillers, parmi lesquels sont deux évêques, l'un catholique, et l'autre schismatique; deux magnats et six nobles, tous nommés par le roi.

Le premier conseil est le conseil du gouvernement présidé par le palatin.

Les attributions de ce conseil sont: la politique de l'intérieur et la police générale.

Ses ordonnances, nommées intimats, sont signées par le président et munies du sceau royal.

Les autorités de chaque comté, les affaires judiciaires et de police qui s'y traitent, ainsi que les magistrats, sont subordonnés au conseil du gouvernement.

Les magistrats des comtés se renouvèlent tous les trois ans, et sont nommés sur la présentation du gouverneur, la pluralité des voix dans l'assemblée des états.

Les villes libres royales sont aussi subordonnées au conseil du gouvernement; et leurs magistrats lui doivent, ainsi que ceux des comtés, un compte exact de leur administration.

S II. Du roi.

A son avénement, le roi est tenu de promettre par serment, que la couronne royale sera conservée dans le royaume par des gardiens choisis parmi les membres des états; qu'à l'extinction de la famille régnante, la Hongrie redeviendra une monarchie élective.

L'inauguration et le couronnement du roi auront lieu au plus tard dans les six mois après la mort de son prédécesseur. Il fait serment, en outre, de maintenir les priviléges de la nation (1).

Le souverain n'a que le veto dans la législation.

Il présente, à la place de grand palatin ou de vice-roi, quatre candidats; la nation choisit.

Le roi a le droit de faire la paix ou la guerre; mais c'est à la nation à imposer et à lever les taxes nécessaires.

Il a la nomination aux grands offices de l'état et de l'é

(1) Autrefois le roi, par son serment, permettait à ses sujetś, si jamais il le violait, de prendre les armes contre lui.

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