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réciproques, et que la violation du contrat de la part des parties dégage l'autre de tout lien, suivant la règle générale des contrats.

Ces conventions souscrites par Henri de Valois ont été, suivant l'opinion la plus générale, l'origine des pacta conventa, que, depuis cette époque, tous les rois ont été obligés de signer à leur avénement.

Après la fuite de Henri, les Polonais déclarèrent le trône vacant, et ils élurent en 1576 Etienne Battori, duc de Transylvanie.

Ce prince s'attacha à former en corps de nation les cosaques encore barbares. Cette idée était digne d'un politique habile; il créait de cette manière une barrière contre les invasions des Turcs et des Tartares. Sous son règne et sous celui de Sigismond III, son successeur, on fit plusieurs lois importantes, notamment il fut statué qu'aucun roturier ne serait anobli sans le consentement de la diète, et que les ́biens du père ne seraient plus partagés par égales portions entre tous ses enfans, suivant l'usage ancien, mais que les biens les plus considérables seraient affectés à l'aîné, libres de toutes charges et hypothèques.

Il faut remarquer aussi qu'à l'occasion des différends survenus entre le roi Sigismond et les nobles, ceux-ci formèrent contre lui une espèce de ligue, qui est le premier exemple de ces confédérations, devenues si fréquentes et si célèbres dans les fastes de la Pologne.

Nous aurons plus tard l'occasion de parler de chacune de ces associations singulières, en retraçant les événemens qui les ont produites; mais nous croyons devoir transcrire ici un passage d'un historien anglais, où la nature de ces confédérations est très-bien indiquée (1). « Ces associations, » dit-il, ont quelque chose de particulier, qui mérite d'autant » plus d'être remarqué, qu'on ne trouve rien de pareil chez

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(1) Histoire des gouvernemens du Nord →→ Pologne,

»aucun autre peuple; on voit partout des révoltes contre » l'autorité souveraine; mais l'origine en est secrète, et la marche sans ordre et ordinairement sans suite: en Pologne, au contraire, les nobles s'associent publiquement >pour se rendre justice, et établir de force ce qu'ils veulent; » au lieu de se cacher, ils publient des manifestes, ils font » des réglemens, et ils les suivent, et quand on voit une » confédération liguée contre le roi ou contre d'autres confédérations, on croit voir une nation liguée contre une »nation voisine, et non pas des rebelles en armes contre l'autorité souveraine, au milieu de l'état. »

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Uladislas, fils de Sigismond III, fut élu roi, après la mort de son père. On cite un trait assez singulier d'un gentilhomme, lors de l'élection d'Uladislas ; il déclara seul qu'il s'opposait au choix unanime de la diète ; et résista aux sollicitations de toute l'assemblée. Pressé par le primat de dire quel reproche il avait à faire à Uladislas ; il répondit: aucun, mais je ne veux pas qu'il soit roi. Enfin, lorsqu'il fut bien convaincu que sa volonté suffisait pour empêcher l'élection du monarque, il se jeta aux pieds d'Uladislas, en s'écriant: «Je voulais voir si ma patrie était encore libre, je suis satisfait, et Votre Majesté n'aura pas de sujet plus fidèle que

moi. »

On peut voir par là, quel esprit animait la noblesse polonaise, et constater que la loi portant que les délibérations devaient être prises, nemine contradicente, était en pleine vigueur. '

Durant la vie d'Uladislas, nous n'avons à signaler aucun événement politique d'une grande importance; les institutions, les mœurs et les lois restèrent dans le même état. Il eut pour successeur Casimir son frère, qui quitta l'ordre des jésuites, où il était entré, pour monter sur le trône de› Pologne.

Désormais la Pologne ne va plus offrir qu'un pays déchiré par les divisions intestines, affaibli par les guerres

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étrangères; et l'on verra ainsi se préparer la grande catastrophe qui l'a effacée du tableau des nations.

La politique d'Etienne Battori avait trouvé, dans les cosaques, des alliés bien utiles à la Pologne; on eut l'imprudence d'en vouloir faire des esclaves; les résultats qu'on devait attendre d'une pareille conduite, se montrèrent sous Jean Casimir; les cosaques se détachèrent de la Pologne, sè placèrent sous la protection de la Russie, et depuis cette époque ils ne cessèrent d'en inquiéter la république; unis tantôt aux Turcs, tantôt aux Tartares. A peu près dans le même temps, la souveraineté du duché de Prusse fut cédée à l'élec teur de Brandebourg; les districts de Lavebourg et de Batow furent conférés à ce prince à titre de fief; Elbing et la Starostie de Draheim furent engagés pour une somme considérable; enfin, une grande partie de la Livonie, et les palatinats de Smolensko, de Séverie, de Czernichow, furent démembrés du domaine de la couronne,

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Depuis l'introduction du liberum veto jusqu'à l'avènement de la maison de Saxe.- 1652 à 1696.

A mesure que la république était dépouillée d'une partie de son territoire, des germes de division et d'anarchie se développaient dans son sein. On a déjà dit que l'élection du rai, et même les autres résolutions des diètes, devaient être prises, nemine contradicente. En 1652, un nonce crut qu'il avait le droit de protester contre tout ce qui avait été fait dans la diète, de le rendre nul par cette protestation, de se retirer, et de dissoudre l'assemblée de cette manière, en prononçant ces mots seuls, sisto activitatem ou veto. Tous les historiens s'accordent sur ce point, que cette prétention fut élevée par un gentilhomme nommé Sycynski, nonce du district d'Upita, en Lithuanie (1); mais certains auteurs (2)

(1) Legnich, tom. II, pag. 215— Bielski, an 1657, pag, 899
(2) Notamment Harthnoch, 717.

rapportent cet événement à l'année 1672. Il est inutile, on le sent, de s'attacher ici à déterminer l'époque avec une pré❤ cision rigoureuse; attachons-nous seulement au principe, et à ses résultats.

La protestation du nonce parut aux uns un excès de pouvoir, en ce qu'il n'avait pas reçu dans ses instructions le droit de la faire, d'où l'on concluait qu'elle ne devait avoir aucune influence sur les opérations de la diète. D'autres, au contraire, soutinrent qu'en donnant au veto d'un seul membre un pouvoir si étendu, on augmentait la liberté de tous, on assurait d'autant plus l'indépendance et les priviléges de la nation, qu'il suffirait d'un seul bon citoyen pour les défendre. Ce sentiment prévalut, et le principe a été confirmé depuis cette époque par une foule d'exemples et par des lois expresses. Cependant, à plusieurs reprises, on a vu les diètes réclamer contre le veto absolu, en indiquer les funestes conséquences, et même, en 1673, on décida expressément qu'il n'aurait d'effet que relativement à l'objet actuel de la délibération, circà legem; mais un amour aveugle de la liberté, et peut-être de perfides conseils persuadèrent aux Polonais que ce droit était le plus important et le plus sacré de tous; ils l'appelaient unicum et specialissimum jus cardinale, et le palladium de leurs libertés. On peut juger combien il paraissait précieux à la nation, par les expressions employées dans les lois qui le consacraient. Elles étaient ainsi conçues : « Le liberum » veto, qui donne droit d'opposition, étant le palladium ⚫ de la liberté de cette république, nous le maintenons dans toutes les diétines provinciales, et voulons qu'il soit toujours en vigueur dans toutes les assemblées publiques. -(Code des lois, volume 6, an 1718, page 394, S 2.) -Nous voulons que le liberum veto, droit précieux à »la liberté, ne soit affaibli dans aucune loi par des inter•prétations équivoques. »-(Constitution de la diète ordinaire en 1766.)— — « Le liberum veto doit avoir aux diètes toute sa

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»force, dès qu'il s'agit des matières d'état, parce qu'elles » doivent toujours se décider à l'unanimité des suffrages. Or >> tout citoyen présent à la diète aura la liberté, par sa seule »opposition ou protestation par écrit, de suspendre les délibéra»tions sur les matières d'état et de la priver de toute son acti»vité. (Constitution de la diète extraordinaire tenue à Varsovie, l'an 1767 et 1768, page 92, §, 17.)

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Nous avons exposé l'origine, les progrès et la nature de ce fameux liberum veto, il n'est pas difficile d'en apprécier les effets. Jamais il n'a servi à faire du bien, et presque toujours il a empêché celui qu'on voulait faire; il serait trop long d'énumérer les dissensions sanglantes dont il a été la cause. Plus d'une fois on a vu les membres d'une diète prévenir l'opposition d'un nonce, en le tuant, et l'on peut dire que dans ces assemblées, depuis l'introduction du liberum veto, on vota souvent à coups de sabres. Dans un tel état, l'autorité législative restait sans force ou du moins privée de la faculté d'agir; de là devait nécessairement résulter l'une de ces deux choses, ou l'anarchie ou le despotisme; car lorsqu'il n'existe pas de lois, il faut que chacun agisse selon sa volonté, ou que tous soient soumis à la volonté d'un seul.

Les écrivains les plus éloquens, les plus savans publicistes ont démontré les vices de la constitution de Pologne, ont indiqué les moyens de les corriger; mais les baïonnettes russes, autrichiennes et prussiennes n'ont pas laissé le temps d'éprouver l'effet des innovations proposées; elles ont rendu le repos à la nation polonaise, en lui-ôtant l'existence.

C'est donc au règne de Casimir qu'il faut faire remonter la cause des malheurs de la Pologne, du moins c'est à cette époque qu'elle a commencé à se développer.

Ce prince, las des soins de l'administration et fatigué du poids de la couronne, abdiqua après avoir régné vingt

un ans.

La mésintelligence qui régnait entre les nobles polonais, ou peut-être un accord secret de ne choisir pour roi qu'un

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