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contre les entrepreneurs, artisans, ouvriers ou journaliers étrangers qui viendraient travailler dans le lieu, ou contre ceux qui se contenteraient d'un salaire inférieur, tous auteurs, instigateurs et signataires des actes ou écrits, étaient punissables d'une amende de mille francs chacun, et de trois mois de prison; quant à ceux qui feraient usage de menaces ou de violences contre les ouvriers usant de la liberté accordée, par les lois constitutionnelles, au travail et à l'industrie, ils devaient être poursuivis par la voie criminelle, et punis comme perturbateurs du repos public.

Tous attroupemens composés d'artisans, ouvriers, compagnons, journaliers, ou excités par eux contre le libre exercice de l'industrie et du travail, appartenant à toutes sortes de personnes, et sous toute espèce de conditions convenues de gré à gré, ou contre l'action de la police et l'exécution des jugemens rendus en cette matière, ainsi que contre les enchères et adjudications publiques, étaient considérés comme attroupemens séditieux, et comme tels devaient être dissipés par la force publique, sur les réquisitions légales qui leur étaient faites, et punis, sur les auteurs, instigateurs et chefs, selon toute la rigueur des lois.

Enfin, il fut interdit à tous corps administratifs et municipaux d'employer, admettre ou souffrir qu'on admît aux ouvrages de leurs professions,

dans aucuns travaux publics, ceux des entrepreneurs, ouvriers et compagnons qui provoqueraient ou signeraient les délibérations ou conventions prohibées par la loi, si ce n'est dans le cas où, de leur propre mouvement, ils se seraient présentés au greffe du tribunal de police pour se ré

tracter.

L'Assemblée constituante ayant garanti à chacun la libre disposition de ses propriétés mobilières, et, par conséquent, la faculté de les engager dans telle entreprise industrielle ou commerciale qu'il jugerait utile à ses intérêts, fit des dispositions semblables pour les propriétés immobilières. Par la loi du 5 juin 1791 (1), elle déclara le territoire de la France, dans toute son étendue, libre comme les personnes qui l'habitent. Ainsi, dit-elle, toute propriété territoriale ne peut être sujette, envers les particuliers, qu'aux redevances et aux charges dont la convention n'est pas défendue par la loi, et envers la nation, qu'aux contributions publiques établies par la puissance législative, et aux sacrifices que peut exiger le bien général, sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

Suivant la même loi, les propriétaires sont libres de varier à leur gré la culture et l'exploitation de leurs terres, de conserver à leur gré les récoltes,

(1) Sanctionnée le 10 du même mois.

et de disposer, à leur gré, de toutes les productions de leurs propriétés, dans l'intérieur du royaume et au-dehors, sans préjudicier aux droits d'autrui, et en se conformant aux lois.

Nul agent de l'agriculture ne peut être arrêté dans ses fonctions agricoles extérieures, excepté pour crime, avant qu'il ait été pourvu à la sûreté des bestiaux servant à son travail ou confiés à sa garde; et même, en cas de crime, il doit être pourvu à la sûreté des bestiaux immédiatement après l'arrestation, et sous la responsabilité de ceux qui l'ont exécutée.

Aucuns engrais, meubles ou ustensiles de l'exploitation des terres, et aucuns des bestiaux servant au labourage ne peuvent être saisis ni vendus pour cause de dettes, si ce n'est par la personne qui a fourni les ustensiles ou bestiaux, ou pour l'acquittement de la créance du propriétaire vis-àvis de son fermier, et seulement en cas d'insuffisance d'autres objets mobiliers.

Enfin, nulle autorité ne peut suspendre ou intervertir les travaux de la campagne dans les opérations de la semence et de la récolte.

Les auteurs de la constitution du 3 septembre 1791, avaient cru que, pour prévenir le rétablissement des monopoles ou des priviléges, et assurer ainsi à toute personne la faculté d'employer ses

biens à l'exercice de telle industrie ou de tel commerce qu'elle jugerait profitable, il suffisait de garantir à chacun la disposition de ses propriétés; les auteurs de la constitution du 5 fructidor an 3, pensèrent qu'une telle disposition était insuffisante, et qu'il fallait proscrire, en termes formels, le retour de tout monopole.

Dans la déclaration des droits, ils définirent la propriété : « Le droit de jouir et de disposer de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie. »>Par l'article 355, ils déclarèrent qu'il n'y avait ni privilége, ni maîtrise, ni jurande, ni limitation à la liberté de la presse, du commerce, et à l'exercice de l'industrie et des arts de toute espèce. «Toute loi prohibitive en ce genre, ajoute le même article, quand les circonstances la rendent nécessaire, est essentiellement provisoire, et n'a d'effet que pendant un an au plus, à moins qu'elle ne soit formellement renouvelée. »

La faculté de disposer de ses biens, de les engager dans toutes sortes d'entreprises industrielles, ou de leur faire éprouver les modifications qu'on jugerait avantageuses, fut encore implicitement reconnue par le Code des délits et des peines du 3. brumaire an IV (25 octobre 1799), qui déclara qu'aucun acte, aucune omission ne serait réputée délit, s'il n'y avait contravention à une loi promulguée antérieurement, et que nul délit ne pour

rait être puni de peines qui n'étaient pas prononcées par la loi avant qu'il fût commis.

Ces dernières dispositions ont été textuellement reproduites dans le Code des délits et des peines de 1810, de sorte que, suivant les lois, nul ne devrait être puni pour avoir disposé de ses propriétés d'une manière conforme à ses intérêts, si d'ailleurs personne n'avait été lésé dans ses droits.

Depuis le commencement de la révolution jusqu'au renversement du gouvernement représentatif par la force armée, la constitution et les lois ont donc eu pour objet d'assurer à chacun le libre emploi de ses propriétés; mais, après l'établissement de l'empire, un grand nombre de décrets arbitraires ont rétabli une partie des monopoles ou des priviléges que l'Assemblée constituante avait abolis, et dont la Convention nationale avait voulu prévenir le retour, et il n'a plus été permis de consacrer ses propriétés à l'exploitation de certaines branches d'industrie ou de commerce (1).

Les monopoles établis arbitrairement par des décrets impériaux ont été soigneusement conser

(1)La Charte de 1830, comme celle de 1814, déclare que toutes les propriétés, sans exception, sont inviolables; mais il est sous'entendu qu'on n'en fera point usage pour exercer une branche d'industrie ou de commerce, réduite en monopole; autrement il y aurait lieu à confiscation, malgré l'inviolabilité promise par la Charte.

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