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mais aussi parce que leur réputation peut être alpar le fait de l'usurpation.

térée

Il n'existe pas de loi spéciale pour garantir les propriétés de ce genre; mais elles sont garanties par les dispositions des lois générales. Ayant admis comme principe général que tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui qui en est l'auteur à le réparer, il était inutile de descencendre aux applications de ce principe.

Il reste à examiner si certaines conceptions de l'esprit, lorsqu'elles ont été réalisées, doivent être mises au rang des propriétés.

CHAPITRE XXIX.

De la propriété des inventions ou des procédés industriels.

Le fait de s'emparer d'une chose qui n'a point de maîtres, avec intention de se l'approprier, a été considéré de tout temps comme un des premiers moyens d'acquérir la propriété. Cette manière de juger nous est même si naturelle, que l'homme le moins éclairé qui se verrait enlever une chose qu'il aurait acquise de cette manière, par celui qui n'aurait aucun droit antérieur au sien, se croirait victime d'une injustice manifeste. Il soumettrait, sans hésiter, le jugement d'une telle spoliation à des gens qui n'auraient pas plus de lumières que lui, et il se croirait sûr du gain de son procès, s'il avait la certitude que ses juges ne seraient ni trompés ni corrompus.

Les nations ont adopté, dans leurs relations mutuelles, le principe qu'elles appliquent aux individus dans les relations qu'ils ont entre eux; elles se sont considérées comme propriétaires des terres inoccupées, découvertes dans des expéditions qu'elles

avaient commandées, et dont leurs agens avaient pris possession en leur nom. C'est à ce titre qu'elles ont établi des colonies en Amérique, dans une partie de l'Afrique, et dans les îles nombreuses qu'elles occupent dans les deux océans. Il a suffi quelquefois qu'un peuple eût découvert une route de commerce à travers les mers, pour qu'il s'en déclarât exclusivement propriétaire, à titre de premier occupant. Le Portugal, par exemple, prétendait jadis avoir seul le droit de faire le commerce des Indes par le cap de Bonne-Espérance, attendu qu'ayant le premier fait la découverte de ce passage, il l'avait acquis par occupation. Grotius crut ne pouvoir repousser ces prétentions qu'en prouvant que les mers étaient libres de leur nature, et que, par conséquent, elles n'étaient pas susceptibles d'une occupation exclusive.

Il paraît que, dans le seizième siècle, des Anglais, ayant introduit dans leur pays des branches d'industrie ou de commerce, prétendirent que le principe admis par les jurisconsultes relativement à l'occupation des choses qui n'avaient pas de maîtres, devait être appliqué aux découvertes qu'ils avaient faites dans le domaine des arts. Il était naturel qu'en voyant les gouvernemens faire explorer les mers pour chercher des terres nouvelles, et s'emparer des pays dont

leurs agens faisaient la découverte, les hommes qui obtenaient de leurs recherches dans l'industrie, des produits jusqu'alors inconnus, aspirassent à obtenir la jouissance exclusive des procédés qu'ils avaient inventés. La découverte n'étaitelle pas le produit de leur travail et de leur génie? N'étaient-ils pas aussi les premiers occupans?

Il aurait fallu plus de lumières et plus de respect pour la liberté du travail, qu'il n'y en avait alors dans les gouvernemens, pour apercevoir le vice de ce raisonnement. On pouvait bien, en effet, trouver quelque analogie entre la prétention d'exploiter, à l'exclusion de tous les autres hommes, une industrie qu'on aurait inventée, et la prétention des Portugais de naviguer, à l'exclusion de toutes les nations, sur les mers qu'ils avaient découvertes; mais était-il possible d'apercevoir quelque ressemblance entre un objet matériel, circonscrit dans d'étroites limites, telles qu'un espace de terre ou une pièce de gibier, et un procédé de l'industrie? Pouvait-on, avec quelque apparence de raison, assimiler l'invention d'un art, à l'occupation d'une pierre précieuse que les flots de la mer ont poussée sur le rivage, ou d'un poisson qu'un pêcheur a pris dans ses filets? L'exploitation d'un art par un individu, était-elle un obstacle à ce que le même art fût exploité par d'autres?

Mais les gouvernemens n'y regardaient pas

alors

de très-près, quand il s'agissait de liberté, d'industrie ou de commerce; ils s'attribuaient le pouvoir de donner arbitrairement des priviléges à des hommes qui n'avaient rien imaginé de nouveau; à plus forte raison devaient-ils croire qu'il leur était permis de donner à l'auteur d'une invention ou à l'introducteur d'un nouveau commerce, le privilége de l'exploiter exclusivement, pendant un nombre d'années déterminé; ayant la faculté de concéder sans raison toutes sortes de monopoles, ils n'avaient pas d'autres motifs à donner de leurs concessions que leur pouvoir ou leur volonté.

Cependant, quelles qu'aient été les prétentions des auteurs de découvertes industrielles, jamais le gouvernement anglais n'a proclamé, en principe et d'une manière absolue, que toute invention est la propriété de l'inventeur, et que le premier qui occupe une branche d'industrie ou de commerce, acquiert le droit de l'exploiter exclusivement; jamais il n'a fait de loi ayant pour objet direct et principal de garantir cette prétendue propriété. La prérogative, dont la couronne s'était emparée, d'accorder des priviléges aux inventeurs pour l'exploitation de leurs inventions, n'a été maintenue que par exception, lorsque tous les autres monopoles ont été abolis, et qu'il a été admis, en principe, que la couronne ne pourrait plus en accorder. La reine Élisabeth ayant réduit en monopoles presque tou

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