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Voici quels sont les points principaux sur lesquels ces deux genres de biens diffèrent, et qui ont exigé pour les uns, des dispositions ou des règles qu'on n'a pas crues nécessaires pour les autres.

Les meubles, comme le mot l'indique, peuvent être aisément déplacés sans dégradation; les immeubles, comme le mot l'indique encore, ne peuvent être déplacés.

En général, les meubles de même espèce se ressemblent, et peuvent être difficilement distingués les uns des autres; les immeubles, au contraire, occupant toujours la même place, et ayant des limites déterminées, ne peuvent jamais être confondues, même avec ceux qui sont de même espèce.

Les meubles sont très-variés dans leurs espèces, le nombre en est en quelque sorte incalculable; les immeubles sont au contraire très-peu variés dans leurs espèces; ce sont des fonds de terre ou des bâtiinens.Les biens meubles se produisent et se consominent avec plus ou moins de rapidité; il est, au contraire, de la nature des immeubles d'être durables, et en quelque sorte indestructibles.

La plupart des biens meubles soumis à l'action de l'industrie humaine subissant des transformations continuelles, les immeubles peuvent recevoir quelques modifications; mais l'identité peut en être toujours constatée.

Les meubles passent rapidement d'une main à

une autre ; cette circulation rapide est une condition essentielle de l'existence de la société; les immeubles, au contraire, restent long-temps dans les mêmes mains. Les meubles peuvent être aisément enlevés, soustraits, cachés, sans qu'il soit possible de les retrouver, ou de les reconnaître si on les retrouve; les immeubles, au contraire, ne sont pas susceptibles de soustraction; on peut en dérober les titres ou les falsifier, mais la chose reste toujours en évidence.

Ces nombreuses différences sont inhérentes à la nature des choses; elles sont indépendantes des volontés humaines. Or, il suffit qu'elles existent par elles-mêmes', et qu'il ne soit pas au pouvoir des hommes de les faire disparaître, pour que l'influence s'en fasse sentir sur les principales branches de la législation. Leur existence étant dans la nature des choses, elles ont, en législation, des conséquences que les nations sont obligées d'accepter, comme elles sont tenues de se soumettre aux lois de la gravitation.

Aussi, devons-nous remarquer que cette distinction des biens, en meubles et en immeubles, se trouve dans les lois de toutes les nations policées, et que les différences qui existent entre les uns et les autres sont suivies partout à peu près des mêmes conséquences. Les dénominations ne sont pas, il est vrai, les mêmes dans tous les pays; les Anglais,

par exemple, appellent propriété personnelle, ce que nous appelons biens meubles, et propriété réelle, ce que nous appelons biens immeubles; mais la différence n'est que dans les termes, elle n'est pas dans la classification.

J'ai dit que les différences qui existent, par la nature des choses, entre les meubles et les immeubles, exercent une certaine influence sur les principales branches de la législation; s'il s'agit, en effet, de minorité, d'interdiction, de mariage, de divorce, de vente, d'échange, de louage, de gage, d'hypothèque, de procédure, de compétence, de saisie, de possession, de prescription, les immeubles sont soumis, sur un grand nombre de points, à des règles qui ne sont pas applicables aux biens mobiliers, et ceux-ci, d'un autre côté, sont soumis à des dispositions qui ne s'appliquent point aux immeubles.

Il me serait facile de faire voir que les différences qui se trouvent dans les lois, sont des conséquences nécessaires des différences qui existent dans la nature des choses; mais cette démonstration nous conduirait trop loin, car elle exigerait l'examen d'une partie considérable de nos lois civiles, de nos lois de procédure, et même de nos lois politiques; cet examen d'ailleurs serait étranger à la nature de cet ouvrage.

Le Code civil, après avoir déclaré que tous les

biens sont meubles ou immeubles, ajoute que les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l'objet auquel ils s'appliquent. Il met au rang des immeubles par leur nature, les fonds de terre et les bâtimens, les moulins à vent ou à eau, fixés sur piliers et faisant partie du bâtiment; les récoltes pendantes par les racines, et les fruits des arbres non encore recueillis, les coupes ordinaires des bois taillis ou des futaies mises en coupes réglées, tant que les arbres n'ont pas été abattus. Les tuyaux servant à la conduite des eaux dans une maison ou autre héritage, sont considérés comme faisant partie des objets auxquels ils sont attachés, et sont mis, par conséquent, dans la classe des immeubles.

Il est des choses qui sont meubles par leur nature, et qui sont soumises par nos lois et par celles de presque tous les peuples, aux mêmes dispositions que les immeubles auxquels elles sont attachées. Le Code civil, par exemple, déclare que les animaux que le propriétaire du fonds livre au fermier et au métayer, pour la culture, estimés ou non, sont censés immeubles, tant qu'ils demeurent attachés au fonds par l'effet de la convention. Il dispose de plus que les objets que le propriétaire du fonds y a placés pour le service et l'exploitation de ce même fonds, sont immeubles par destination.

L'on considère donc comme immeubles par des

tination, lorsqu'ils ont été placés par le propriétaire, pour le service et l'exploitation du fonds, les animaux attachés à la culture, les ustensiles aratoires, les semences données au fermier ou colon partiaire, les pigeons des colombiers, les lapins des garennes, les ruches à miel, les poissons des étangs, les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tous les ustensiles nécessaires à l'exploitation des forges, papeteries et autres usines, les pailles, engrais et tous les effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds, pour y demeurer à perpétuité.

Le propriétaire est censé avoir attaché à son fonds des effets mobiliers à perpétuelle demeure, quand ils y sont scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment, ou lorsqu'ils ne peuvent être détachés sans être fracturés ou détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés. Les glaces d'un appartement, les tableaux et autres ornemens sont considérés comme

mise à perpétuelle demeure, lorsque le parquet sur lequel ils sont attachés fait corps avec la boiserie. Quant aux statues, elles sont considérées comme immeubles lorsqu'elles sont placées dans des niches pratiquées exprès pour les recevoir, encore qu'elles puissent être enlevées sans fracture ou détérioration.

Le Code civil met au rang des immeubles par l'objet auquel ils s'appliquent, l'usufruit des choses

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