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rait dû faire pousser la division plus loin; elle aurait dû faire distinguer les propriétés qui appartiennent à des mineurs, de celles qui appartiennent à des majeurs; celles qui appartiennent à des femmes placées sous la puissance maritale, de celles qui appartiennent à des personnes entièrement libres.

Une grande partie des biens qui appartiennent à une nation ou à une commune, sont de la même nature que ceux qui appartiennent à des particuliers; les propriétés d'un mineur ne diffèrent en rien, par leur nature, des propriétés d'un majeur. Si, sur quelques points, toutes ne sont pas soumises aux mêmes dispositions législatives, cela ne tient pas à la nature des choses; cela tient aux différences qui existent dans la capacité des personnes. Ce n'est donc qu'après avoir traité des personnes qu'on peut avoir à s'en occuper.

CHAPITRE LIV. ·

Des idées rétrogrades contre la propriété. —Conclusion.

J'AI tenté de donner, dans cet ouvrage, des idées exactes des propriétés qui sont la base de notre existence; mais je suis loin d'en avoir donné des idées complètes. La faculté de disposer des choses est un des élémens essentiels de toute propriété; et, dans tous les pays policés, on a cru nécessaire de donner à cette faculté des limites et des règles. On ne peut donc se flatter de connaître parfaitement le sujet que j'ai traité, que lorsqu'on possède la connaissance de ces règles et de ces limites. Cela même ne suffit pas; il faut savoir de plus quels sont les divers moyens à l'aide desquels une chose peut être acquise et devenir la propriété de telle ou telle personne.

Pour avoir une connaissance entière de la propriété, il est donc nécessaire de connaître presque toutes les branches de la science du droit; car la plupart ont pour objet de régler ou de limiter la faculté de jouir et de disposer des choses qui nous appartiennent. Je fais cette observation, afin qu'on ne s'imagine pas qu'on peut, à l'aide d'une défi

nition, acquérir la connaissance des choses qui, pour être bien connues, exigent de longues études. L'explication d'un des termes de la définition donnée par nos lois, du mot disposer, a donné naissance à un nombre de volumes suffisant pour former une bibliothèque.

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Si j'ai laissé beaucoup de choses à dire sur le sujet que j'ai traité; si je n'ai parlé ni des règles ni des limites données à la faculté de disposer, ni des divers moyens à l'aide desquels on peut se dépouiller de ses biens pour en investir une autre personne; si même je me suis abstenu de faire mention de quelques moyens à l'aide desquels on peut acquérir le titre de propriétaire, c'est parce qu'il ne m'était pas possible d'aller plus loin avant que d'avoir traité des personnes, et des rapports qui existent entre elles.

Un homme qui vit au sein d'une nation civilisée, n'est pas un être isolé comme une pyramide au milieu d'un désert; il tient, par une multitude de liens, aux êtres de son espèce qui l'environnent. La puissance qu'il exerce sur les choses dont il est propriétaire, est toujours plus ou moins limitée par les obligations qui lui sont imposées, soit par sa propre nature, soit par les conventions qu'il a formées, soit par les institutions de la nation à laquelle il appartient. La protection dont il jouit pour ses biens et pour sa personne, exige elle

même qu'il ne puisse se dépouiller de ses propriétés, qu'en suivant certaines règles. Il est donc nécessaire, avant que de traiter des diverses manières dont on peut disposer de ses biens, et de parler des limites mises à cette faculté, d'avoir fait connaître quels sont les rapports qui unissent les hommes entre eux.

Les jurisconsultes romains et la plupart des jurisconsultes modernes ont pensé qu'avant de traiter des choses qui sont l'objet de la législation, il convenait de traiter des personnes. Je n'ai point partagé cette opinion; j'ai cru qu'avant de parler de la manière dont les familles se forment, et des obligations qui résultent de leur formation, je devais faire connaître les choses qui composent la base de leur existence. La plupart des obligations qui existent entre les hommes, n'ont une importance réelle que parce qu'elles affectent les choses au moyen desquelles ils se conservent. Si l'on s'occupe des devoirs réciproques qui résultent de l'association conjugale, soit pour les époux, soit pour les pères et mères, soit pour les enfans, on s'aperçoit qu'il est toujours question de moyens d'existence. Il est impossible de parler de tutelle, d'interdiction, de divorce, de séparation de corps, et de ne pas s'occuper des propriétés des mineurs, des interdits, des époux séparés. Les dispositions dont le principal objet est la conservation des biens, tien

nent même souvent la place la plus considérable dans les lois qui semblent ne se rapporter qu'aux personnes. Enfin, il n'est pas un homme doué d'un peu de prévoyance qui ne songe, avant que de former une famille nouvelle, à s'assurer les moyens de la faire exister. Il fallait donc s'occuper des propriétés avant que de traiter des personnes.

Je ne terminerai point cet ouvrage sans faire quelques observations sur certains systèmes dont l'objet était de déplacer les propriétés, et de fonder la société sur des bases nouvelles. Je m'étais d'abord proposé de soumettre ces systèmes à un examen rigoureux et détaillé ; mais je n'ai pas tardé à m'apercevoir que ce projet n'était pas exécutable. J'y ai donc renoncé; je dois en dire les raisons.

Les fondateurs ou les propagateurs de ces systèmes ont tenté de persuader au public, et peutêtre ont fini par se persuader à eux-mêmes qu'ils avaient laissé bien loin derrière eux les hommes les plus éclairés de leur siècle et ceux du siècle dernier; enivrés par l'esprit de secte ou de prosélytisme, ils ont traité les savans les plus distingués de leur temps avec un dédain et un orgueil tout-àfait propres à imposer à la partie la plus ignorante de la multitude.

Cependant, il est impossible de lire ce qu'ils ont écrit sans s'apercevoir aussitôt que, bien loin d'être plus avancés que leur siècle, ils sont de beau

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